Histoire et actualité de l’associationnisme : l’apport de Marcel Mauss

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Histoire et actualité de l'associationnisme : l'apport de Marcel Mauss

Cette contribution se propose de souligner l’incomplétude du débat politique et économique qui, depuis un siècle, repose sur l’opposition et la complémentarité de l’État et du marché. Pour relever les défis du XXIe siècle, il est nécessaire d’intégrer à la réflexion un troisième pôle, celui de la société civile en particulier à travers l’associationnisme que l’œuvre de Mauss nous aide à penser.

L’associationnisme peut être abordé comme le projet de démocratisation de la société mené à partir d’actions collectives, libres et volontaires, ayant pour but la lutte pour l’égalité. Très souvent, l’associationnisme a été appréhendé en tant qu’effervescence collective, dont la Commune de Paris, la République Catalane ou la Révolte Hongroise sont des manifestations emblématiques. Mais l’associationnisme n’est pas que surgissement vite oublié, il est aussi porteur d’une volonté d’inscription dans la durée par la construction d’institutions à orientation économique, pour reprendre la terminologie wébérienne.

Des débats passionnés  [1] ont d’ailleurs marqué le XIXe siècle à son sujet. Mais ils ont ensuite été délaissés pendant le XXe siècle et cet abandon handicape la pensée de la démocratie. C’est pourquoi, face aux incertitudes démocratiques contemporaines, il importe de retrouver la référence à l’associationnisme dont la spécificité réside dans la capacité à alimenter une recherche d’approfondissement de la démocratie par un ensemble de pratiques citoyennes. Selon cette orientation, l’association n’est pas seulement pensée, elle est expérimentée. Elle n’est pas seulement dépendante du capitalisme, elle intervient dans la définition des catégories économiques et politiques. De ce point de vue, l’apport de Mauss peut être synthétisé autour de quatre points-clés combinant sociologie critique et possibiliste  [2]. Pour ce qui est de la dimension critique, Mauss invite à penser contre l’association comme système et contre l’étatisme. Pour ce qui est de la dimension possibiliste, il se prononce pour l’institutionnalisme et pour le changement social démocratique.

[1Au cours du XIXe siècle, l’association a fait polémique. Des positions contradictoires ont été émises à son sujet. Ainsi, l’interprétation libérale l’a vue comme un rempart moral confortant l’ordre social par l’amour du travail, la persévérance, la sobriété et la vertu d’autorité des tutelles. À l’autre extrême, l’interprétation libertaire l’a perçue comme une marche vers une civilisation plus avancée où l’entraide remplace l’immixtion gouvernementale. Pour ces deux interprétations, voir [Gauchet, 2007]. Pour une synthèse sur les différentes conceptions de l’association au XIXe siècle en France, se reporter à [Ferraton, 2007].

[2Possibiliste au sens d’Hirschman [1971 ; 1986].

Source : Cairn par Jean-Louis Laville

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