Reporters sans frontières rend publique sa "liste noire" des ennemis de la liberté de la presse

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Reporters sans frontières rend publique sa "liste noire" des ennemis de la liberté de la presse

La "liste noire" recense les noms de tous les individus s’étant rendus personnellement coupables de crimes ou de délits graves à l’encontre de journalistes ou de médias et qui continuent d’échapper à la justice.

L’organisation demande aux autorités des pays concernés que des enquêtes sérieuses et impartiales soient menées sur ces affaires et que les responsables soient jugés et sanctionnés.

La liste complète et mise à jour, établie à partir des données recueillies par Reporters sans frontières depuis le 1er janvier 2005, est disponible sur le site www.rsf.org. Des informations détaillées sont proposées sur chaque affaire ainsi que, le cas échéant, l’état des procédures engagées contre les individus mentionnés.

L’objectif est de lutter contre l’impunité en nommant individuellement les responsables d’atteintes graves à la liberté de la presse et d’avoir un effet dissuasif sur tous ceux qui auraient la tentation de s’en prendre à la liberté d’expression.

Dans le souci du respect de la présomption d’innocence, ne sont mentionnés dans cette liste que des individus pour lesquels des témoignages fiables et concordants permettent de se forger l’intime conviction de leur culpabilité.

Cette "liste noire" est un prolongement de la liste des prédateurs établie par Reporters sans frontières depuis plusieurs années. Les prédateurs sont de hauts responsables (chefs d’Etat ou de gouvernement, leaders de groupes armés, etc.) qui, par leur attitude ou leurs propos, menacent globalement la liberté de la presse, mais ne se sont pas rendus personnellement coupables d’exactions graves à l’encontre des professionnels des médias.

Crimes et délits entraînant l’ajout d’un nom sur la Liste noire : Meurtre ou complicité de meurtre ; Assassinat ou complicité d’assassinat ; Empoisonnement ou complicité d’empoisonnement ; Tentative de meurtre ou d’assassinat ; Viol ou tentative de viol ; Torture ou actes de barbarie ; Actes de violence ayant entraîné des blessures nécessitant une intervention médicale ; Menaces de mort ; Entraves volontaires à des mesures d’assistance ; Enlèvement et séquestration ; Extorsion ; Vols, destructions ou dégradations graves de biens ; Interpellations, arrestations ou détentions abusives, Attentat ou tentative d’attentat

Les 18 premiers noms figurant sur la "liste noire" de Reporters sans frontières

ARGENTINE

- Daniel Pereyra, fils de Julio Pereyra, maire de Florencio Varela
En septembre 2004, le journaliste Daniel Otero a révélé des absences de ravitaillement, et parfois des livraisons de nourriture avariée, dans les cantines scolaires de la commune de Florencio Varela (banlieue sud de Buenos Aires). L’enquête mettait en cause le maire, Julio Pereyra et l’ancien président du Conseil scolaire, Genaro Simioli. Daniel Otero a alors reçu des menaces anonymes, sans conséquences. Le 25 décembre, son fils Juan Manuel Otero a été violemment agressé par une bande de sept individus parmi lesquels figurait Daniel Pereyra, le fils du maire. Le 12 mars 2005, la vitre du véhicule de Daniel Otero a été brisée et un couteau a été placé sur le siège avant en guise d’avertissement.

BANGLADESH

- Sultan Salah Uddin, leader du parti politique Jubodal
Sultan Salah Uddin, un leader de la Jubodal, mouvement proche du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), a menacé de mort le correspondant du quotidien Sangbad, Salek Nasir Uddin, à Chittagong, le 12 mars 2005.

- Nurul Haque, leader du parti politique Jamaat-e-islami
Nurul Haque, chef du parti Jamaat-e-Islami à Satkania (Sud-Est), a menacé de manière très virulente les journalistes qui critiquent son parti et publiquement appelé ses militants, le 6 mars 2005, à s’en prendre aux représentants de la presse.

- Mofazzal Hossain, officier de police de la ville de Khulna
Mofazzal Hossain, officier de police de Khulna (sud-ouest du pays), a été arrêté le 16 février 2005 pour sa complicité présumée avec des militants armés maoïstes auteurs de nombreux attentats, notamment celui contre le Club de la presse de la ville qui a coûté la vie à un journaliste.

- Sayeed Hasan Suman, leader du mouvement Purba Bangla Communist Party
Le 11 février 2005, un groupe extrémiste maoïste, le Purba Bangla Communist Party (PBCP), a revendiqué l’attentat à la bombe commis une semaine auparavant contre le Club de la presse de Khulna (sud-ouest du pays) et qui avait coûté la vie à un journaliste. Le courrier revendiquant cet attentat déposé dans la boîte aux lettres du quotidien Purbanchal était signé de Sayeed Hasan Suman. Il indiquait que de nombreux journalistes étaient dans la ligne de mire du PBCP.

COLOMBIE

- Le chef du Front 34 des FARC
Hernán Echeverri, photographe du bimensuel Urabá Hoy, a été libéré le 17 avril 2005, près de la municipalité d’Apartadó, (nord-ouest du pays), après trois mois de captivité. La semaine précédente, les proches d’Echeverri avaient accepté de diffuser à la demande du Front 34 des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) un message dénonçant les "excès" des autorités de la région d’Antioquia. Aucune rançon n’aurait, en revanche, été payée. Le photographe avait été enlevé le 22 janvier à un barrage installé par le Front 34 des FARC dans la localité de Dabeiba (dans la région d’Urabá).

GAMBIE

- Abdou Bojang, policier de Banjul
Momodou Gassama, du journal The Independent, a été agressé, en mars 2005, puis placé en détention par la police du quartier de Kanifing, à Banjul. Il a relaté avoir été brutalisé par l’agent Abdou Bojang (matricule 258), en service à la National Training Authority (NTA) alors qu’il réalisait un reportage sur la fermeture du MJK Plus Computer Centre. Traîné jusqu’au poste de police, il a été contraint de rédiger une déclaration et d’y mettre ses empreintes sans la signer. Momodou Gassama enquêtait sur la fermeture du centre par la NTA.

GUINÉE

- Hawa Sangaré, soeur du ministre de l’Environnement
Le 24 février, la Brigade anticriminalité (BAC) et la police municipale de Conakry ont roué de coups Sotigui Kaba, reporter du groupe de presse Le Lynx-La Lance. Le journaliste avait été dépêché par sa rédaction pour couvrir une manifestation de chauffeurs routiers, dans le quartier de Matoto, une banlieue de la capitale. Dès son arrivée sur les lieux, il a été pris à partie et insulté par Hawa Sangaré, s¦ur du ministre de l’Environnement Kader Sangaré. "Ces farfelus de journalistes viennent nous provoquer dans notre service", aurait-elle déclaré, avant d’ordonner aux policiers de brutaliser Sotigui Kaba. Le journaliste a été fouetté, frappé à coups de matraque, de crosse de fusil et de bottes, avant d’être déshabillé. Son carnet de notes, sa carte de presse et sa carte d’identité ont été confisqués.

MALAWI

- Jeremiah Chihana, neveu du leader du parti politique Alliance pour la démocratie
Le reporter Collins Mtika du Daily Times a été battu, le 29 janvier 2005, par des partisans de l’Alliance pour la démocratie (AFORD), un parti de la coalition au pouvoir, lors d’une conférence de presse. Le leader de l’AFORD, Chakufwa Chihana, souhaitait commenter devant la presse la décision de certains responsables politiques de le démettre de ses fonctions suite à des accusations de mauvaise gouvernance et de fraude. Collins Mtika a déclaré que le neveu de Chakufwa Chihana, Jeremiah Chihana, avait ordonné à des membres du parti de le battre, l’accusant de "rapporter des mensonges sur son dirigeant". Le journaliste a eu l’oeil gauche tuméfié et diverses contusions au corps.

MEXIQUE

- Martin Rojas, leader du gang des "Chupaductos"
Assassiné le 8 avril 2005 dans l’Etat de Veracruz (Est), le directeur du quotidien La Opinión Raúl Gibb Guerrero avait été victime d’une tentative de corruption un an auparavant. Des membres d’un gang local, "Los Chupaductos", étaient venus trouver le journaliste à sa rédaction afin d’obtenir, contre paiement, que le journal ne publie pas une série d’articles qui les mettait en cause dans une affaire de contrebande d’essence. L’argent proposé était issu de ce trafic. Cette information, révélée dans le cadre d’une enquête diligentée par le ministère fédéral de la Justice, fait de Martin Rojas, leader des "Chupaductos", le principal suspect dans l’assassinat du journaliste. Celui-ci a pourtant été libéré sous caution.

PAKISTAN

- Ahmed Mobeen et Aftab Cheema, officiers de police de la ville de Lahore
Le 16 avril 2005, Ahmed Mobeen et Aftab Cheema, officiers de police, étaient à la tête d’un contingent de 200 policiers présents à l’aéroport de Lahore pour assurer la sécurité d’un leader de l’opposition, Asif Ali Zardari (PPP), de retour au pays. Plusieurs policiers ont frappé des journalistes et endommagé leurs caméras et matériel de travail. Ahmed Mobeen a personnellement participé à l’opération et frappé un journaliste de la chaîne pakistanaise Geo TV, Mazhar Tufail.

PÉROU

- Rolando Pinedo et Fernando Fernández Rengifo, fonctionnaires municipaux
Le 2 mars 2005, deux fonctionnaires de la mairie d’Alto Amazonas (nord-est amazonien), Rolando Pinedo et Fernando Fernández Rengifo, ont sévèrement frappé José Antonio Simons Cappa, directeur de la revue El Huinsho, et lui ont arraché sa caméra. Le journaliste souhaitait filmer une réunion publique à laquelle participait le maire d’Alto Amazonas Leonardo Inga Vásquez. Le journaliste enquêtait depuis quelque temps sur l’implication du maire dans plusieurs affaires de corruption. Ce dernier a nié toute implication dans l’agression du journaliste.

PHILIPPINES

- Asuri Hawani, ancien chef de la police et actuel conseiller à la sécurité du maire de Pagadian, Norhan Ambol et Madix Maulama, tueurs à gages
Le 2 février 2005, Edgar Amoro, principal témoin du meurtre de son ami journaliste Edgar Damalerio, a été assassiné à son tour, à Pagadian (île de Mindanao, sud du pays). Il bénéficiait pourtant du Programme de protection des témoins du ministère de la Justice. Edgar Amoro est le deuxième témoin éliminé dans cette affaire. L’enquête de la police a permis d’identifier les deux tueurs présumés. Asuri Hawani est accusé, quant à lui, d’avoir protégé les assassins d’Edgar Amoro et d’Edgar Damalerio. Les trois hommes sont toujours en liberté.

- Jerry Cabayag, tueur à gages
Le 24 mars 2005, Marlene Garcia Esperat, éditorialiste de l’hebdomadaire Midland Review, a été assassinée à son domicile de Tacurong (île de Mindanao, sud du pays). La journaliste était connue pour ses nombreuses enquêtes dénonçant la corruption de responsables politiques locaux ou nationaux. Début avril, quatre personnes, dont le meurtrier présumé Jerry Cabayag, ont été arrêtées par la police. Reporters sans frontières reste cependant très attentive à cette affaire. En effet, dans d’autres cas de journalistes assassinés aux Philippines, des suspects ont été relâchés sous caution quelques semaines après leur arrestation.

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