L’emploi dans l’économie sociale et solidaire, les emplois dans l’économie sociale et solidaire, les emplois de l’économie sociale et solidaire ?

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L'emploi dans l'économie sociale et solidaire, les emplois dans l'économie sociale et solidaire, les emplois de l'économie sociale et solidaire ?

Un rappel élémentaire :

Les entreprises de l’économie sociale interviennent dans une société donnée. Notre société française et européenne évolue dans un systeme libéral de concurrence ouverte. Plus ou moins favorable aux philosophies alternatives, plus ou moins à l’écoute des structurations collectives, notre économie reste principalement capitaliste et libérale. Nos entreprises ont donc la double contrainte de produire dans des marchés où la concurrence est présente, et de préserver la cohérence d’un projet collectif originel, basé sur l’humanisme et la solidarité. Il est vrai que ce rappel s’adresse prinncipalement aux entreprises type mutuelle "santé", mutuelle d’assurance IARD et coopérative. Les associations restent souvent dans des champs non concurrentiels dans leur ensemble, meme si il faut relativiser ce grand principe. Si tel était le cas, nous pourrions aisément la placer dans la première catégorie citée pour le développement qui va suivre.

La relation à autrui pousse à l"exigence :

Quel est l’acteur de nos entreprises sociales qui demande (Exige ?) la satisfaction de qualité à laquelle il a légitimement droit ? Le sociétaire ? L’adhérent ? Le client ? Tous ceux là en fait. Pour vivre, n’importe quel collectif, qu’il vende ou non, doit toujours avoir à l’esprit la qualité de la relation avec ses différents membres. Le gestionnaire avec ses actionnaires, le conseil d’administration avec ses sociétaires ou adhérents, le producteur avec son client. Cette qualite de relation amène nécessairement à s’entourer de compétences pour répondre au mieux aux attentes et questions. Or, le role du bénévole n’est il pas autre que la technicité ? D’ailleurs le peut-il ? Dans certaines situations, la présence de bénévoles très pointus pallie l’absence de salariés techniciens, souvent due au manque de moyens de financement suffisant. Mais, est ce bien leur role de bénévole d’etre technicien ? Ce débat est toujours ouvert dans les associations et ce n’est pas l’objet de ces propos, mais il induit une conséquence importante dans la relation employeur / employé que nous retrouverons plus loin : la légitimité de la parole.

Une nécessité de compétences est-il suffisante ?

Le salarié, nous l’avons vu, est indispensable pour développer la relation avec celui pour qui l’entreprise sociale agit. Les faits ont prouvé tout au long de la vie de nos entreprises sociales que les techniciens permettent le développement. Par l’exécution de leur fiche de poste, et en contrepartie le paiement de leur salaire, ils peuvent libérer les bénévoles de certaines de leurs taches et ainsi leur permettre de se recentrer sur l’essentiel, le processus politique du projet collectif. Chacun son role. Pourtant, quelles différences existent entre un salarié de l’économie sociale et un de l’économie dite traditionnelle ? Sur la base de ce seul argumentaire, aucune. Pourtant, l’élu mandate le salarié pour mener à bien une mission technique, mais aussi lui demande de l’exercer dans un ensemble de valeurs propres à son entreprise sociale. Pourquoi ? Parce que la relation aux clients, sociétaires ou adhérents ne représente que la mise en place concrete du projet collectif demandé par les dépositaires temporaires ( les élus de la structure) du mandat donné par les propriétaires du moyens de production (Les sociétaires ou adhérents). Le conseiller mutualiste (Le technicien) vend un contrat (La relation) qui représente la concrétisation d’une décision du conseil d’administration (Les dépositaires mandatés) élu par le collectif propriétaire des moyens de production (Les adhérents ou sociétaires). La question est donc de savoir si le salarié doit etre en accord avec le projet collectif de l’entreprise. Cette question fait débat, meme si la réalité apporte déjà des éclairages. A ce stade, il faut différencier les approches selon les activités de nos entreprises, et peut etre aussi selon les métiers.

Rappelons nous. Il y a une quelques dizaines d’années, le recrutement se faisait souvent par l’embauche des bénévoles avec expérience au poste de salarié qui se créait. Le poste se basait donc sur l’empirisme, accompagné si besoin, et si possible, d’une formation complémentaire. Loin de moi l’idée d’émettre une quelconque opinion négative sur cette pratique, qui a longtemps permis le développement. L’ancien président devient directeur, l’ancien correspondant commercial devient vendeur, l’ancien militant devient permanent, ... La complémentarité entre valeurs partagées et connaissances du métier se faisait pleinement en général. Mais au moins trois éléments perturbateurs sont arrivés : le développement de la réglementation, celui de la formation initiale et celui de la concurrence.

La réglementation oblige à une technicité accrue.

Le droit de la consommation, des assurances, civil, pénal ou celui des sociétés en général a poussé les dirigeants à s’entourer de précautions importantes pour leurs activités. Ce développement de la réglementation a émergé parallèlement à la notion de consommateur, et donc d’un individu plus vigilant sur ce qu’il entend, voit et achète. Bien entendu, les juristes ont pu aider, accompagner et conseiller, mais cela a également entrainé un changement d’approche de l’enseignement des métiers à l’école.

Une évolution des techniques enseignées.

Quel métier peut s’exercer sans une formation de base ? Les métiers manuels, si peu valorisés et pourtant si indispensables, ne sont ils pas techniques ? Peu de personnes peuvent s’essayer à construire une maison sans savoir faire un bon béton, faire manger des enfants en cantine scolaire sans connaissances diététiques, nettoyer des lieux collectifs sans utilisation de produits chimiques ? Toutes ces connaissances se font en formation (Initiale ou continue). On peut rire de certains intitulés de fonction qui ont changé (Femme de ménage en technicienne de surface par exemple), mais la réalité est là. Depuis une petite dizaine d’années, des formations propres à l’économie sociale, propre à certains secteurs particuliers (ONG, associations, ...) se sont mises en place, preuve d’une demande de technicité.
A coté de formation généraliste (BTS, DUT, DESS,...), les formations spécifiques ont été mises en oeuvre : elles allient expériences d’acteurs, cours théoriques, stages et cursus de conférences. A la fin, les étudiants sortent avec un diplome leur permettant de s’intégrer normalement plus facilement dans le secteur.

Une concurrence de plus en plus agressive.

Prenons l’exemple des mutuelles santé. Il y a 20 ans, elles étaient quasiment en position de monopole sur le marché de la complémentaire santé. Puis sont arrivées les assurances, puis les bancassurances. Bientot, d’autres organismes arriveront, s’éloignant un peu de leur coeur d’activités mais pressentant des services essentiels à apporter à leur clientèle. Contrairement au slogan de la Mutualité Française, et on peut le regretter, "la santé est bien une marchandise". Que devions nous faire alors pour que l’économie sociale ne se cantonne pas à l’activité solidaire dans laquelle certains libéraux voulaient la mettre (Aider les plus démunis, la solidarité internationale, ...) ? Se battre ! Et pour se battre, il fallait continuer à se développer. Le choix des années 80 a donc été celui de la professionnalisation très forte. L’image du pendule est souvent donnée : avant 1980, tout sur les valeurs, après 1980, tout sur le technique.. Et donc, les salariés ont été recrutés sur leur parcours professionnel, moins sur l’idée qu’ils se faisaient du projet collectif de l’employeur.

Et maintenant ?

Selon les organismes, la gestion RH est différente. Et cette différence rejoint souvent la césure qu’on retrouve entre Economie sociale et Economie Solidaire. Il serait établi que l’économie sociale privilégie le technique au détriment des valeurs, alors que l’économie solidaire resterait contre vents et marées sur les valeurs. C’est dumoins un discours que chacun a du entendre au moins une fois. C’est certainement vrai sur des cas bien sur, mais pourtant, nous pouvons constater par notre expérience, qu’il est illusoire que l’économie solidaire ne se mette pas à penser gestion des RH, cabinets de recrutement, DRH, conventions collectives, formations, plan de carrière, ... Et il est illusoire que l’économie sociale se détache des valeurs de son projet collectif. Les risques pour la première sont entre autres, le développement des conflits sociaux (Phénomène émergents laissant dans la difficultés les élus bénévoles), l’appauvrissement des compétences exigibles aux salariés (Et donc de la reconnaissance des postes de ce secteur) et un turn over croissant. Les risques pour la deuxième sont principalement une banalisation de leurs activités et donc à terme de leurs statuts (Cf. attaques du MEDEF sur les soit-disants avantages de l’économie sociale), et une difficulté croissante à recruter les bénévoles aujourd’hui qui feront les administrateurs de demain.

La relation entre un bénévole et un salarié n’est jamais simple, ni pour l’un, ni pour l’autre. Entre celui qui décide des orientations, et celui qui les applique tout en ayant un pouvoir de décision plus ou moins grand, les incompréhensions et querelles de pouvoir sont pléthores. D’autant que le salarié possède de toute façon un énorme pouvoir, celui du temps passé : 8 heures par jour présent auprès des partenaires, des sociétaires, usagers, clients, adhérents,...
Quel salarié n’a jamais pensé "cette décision du Président est inefficace et mal réfléchie". Pourtant, il doit l’appliquer. D’autant que souvent, le salarié est plus compétent techniquement que l’élu. Il faut donc toujours penser dans nos entreprises sociales à bien gérer la remontée d’informations et le conseil des salariés aux élus, et l’explication des décisions aux salariés qui vont les appliquer. Tout en gardant et en expliquant dès l’embauche par de l’information et de la formation, les roles de chacun, les places, les limites d’intervention, les processus de discussion et de prises de décision,... Bien entendu, cette information se doit d’etre adaptée à chaque organisme, chaque service, chaque acteur. Mais nous pensons que la compréhension du projet collectif de nos entreprises sociales par les salariés est un des éléments essentiels à leur survie et à leur développement. Et c’est le seul rempart contre la banalisation

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