Entretien exclusif avec Franck Calderini, Directeur Général de Coallia, sur la mixité sociale et l’accueil des réfugiés

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Entretien exclusif avec Franck Calderini, Directeur Général de Coallia, sur la mixité sociale et l'accueil des réfugiés

Ressources Solidaires : Coallia est un acteur du logement social. Quels regards portez vous sur le concept de "mixité sociale" ? N’est ce pas devenu une chimère héritée des années 70 ?

Franck Calderini : La mixité sociale se construit dans les rues des quartiers, dans les écoles, les espaces de partage comme les parcs, les plages. Le logement est l’espace personnel qu’on ne partage qu’avec les personnes qui nous conviennent. Dans le cas contraire, il devient forteresse, le lieu ou l’on se protège des autres. Cette acceptabilité sociale qui est le préalable à la mixité, suppose le partage de règles de vie commune, de respect mutuel, basé sur la notion de civisme qui régie des rapports humains respectueux. Il faut donc des règles contrairement à ce qui est parfois soutenu. Les années 70 avaient mis à bas des règles désuètes sans pour cela que notre société soit frappée de ségrégation sociale. La culture était moins individualiste qu’aujourd’hui. Moins égoïste aussi. L’humanisme qui porte la générosité et la prise en compte d’autrui, base de la mixité sociale, n’est pas une chimère. C’est juste que les conditions introduites par la mondialisation à outrance ont généré une situation ou l’exprimer est devenu plus complexe.

Ressources Solidaires : Comment les acteurs du logement social peuvent ils avancer entre des besoins réels, des volontés politiques exprimées et des financements débloqués au compte gouttes ?

Franck Calderini : 75 % des français remplissent les conditions d’accès au logement social qui ne répond qu’à 15 % de la demande. La volonté politique s’exprime au travers des politiques locales, PLH et PLU, besoin et autorisations, des délégations d’aide à la pierre, subventions aux bailleurs et du marché, offre versus demande. L’objectif national est fixé par les gouvernements qui tentent de piloter et sectoriser une production afin de rationaliser et maximiser ses effets. Il est faux de prétendre que le financement du logements est débloqué au comte goutte. Les bailleurs ont les moyens de construire et le modèle basé sur le financement de la construction par le livret A via la Caisse des Dépôts est une merveille d’efficacité. Il faut se rendre compte qu’au final ce sont les locataires eux même par ce biais qui apportent les fonds destinés à la construction de leurs logements. Ces fonds leurs sont dédiés et l’usage leur revient. La vraie difficulté réside dans la maitrise du bon foncier, celui situé à proximité des transports et des emplois. La politique se heurte là aux intérêts spéculatifs qui limitent son efficacité. C’est par la maitrise foncière que les acteurs avanceront vers les besoins réels. Les politiques de maitrise foncière existent, préemption, préemption renforcée, ZAD... Leur usage doit être renforcé.

Ressources Solidaires : Le mois de l’ESS se tient en ce moment. Quel regard portez vous sur l’économie sociale et solidaire ? Comment se traduit il dans vos pratiques ?

Franck Calderini : C’est une économie extrêmement dynamique basée sur des valeurs humaines et le réinvestissement de sa valeur ajoutée dans ses moyens de production. Elle exige de nous à la fois d’agir dans un cadre de valeurs déterminées, d’ouverture, de respect, d’autonomie, en les appliquant autant envers nos salariés que dans nos actions pour autrui. L’ESS cherche au travers du meilleur usage de ses moyens à maximiser son impact sur son environnement et ses missions. Ainsi chez Coallia, les salariés ont édifié un corpus précisant nos valeurs, nos moyens pour agir et les attitudes que nous devons pratiquer dans notre quotidien entre nous et envers les personnes que nous accompagnons, civisme, sincérité, fermeté, ouverture notamment. Notre vocation non lucrative se traduit par des ambitions d’utilité sociale fortes, un usage prudent de nos moyens et des modes de gestion modernes et professionnels. Nous sommes bien des entrepreneurs sociaux.

Ressources Solidaires : L’accueil des réfugiés est un sujet sensible en Europe et en France en particulier. Quel message avez vous envie de passer en tant qu’acteur social ?

Franck Calderini : Je m’en suis exprimé auprès du personnel de Coallia. Les réfugiés sont des familles, hommes, femmes et enfants jetés sur les routes par la barbarie, qui ont tout abandonné pour sauver leur vie. Des chefs de familles prennent des risques insensés pour mettre les leurs en sécurité. Ils restent pour la plupart coincés entre deux frontières devant l’angoisse que leur afflux provoque. Ils se heurtent à nos propres difficultés d’intégration. Notre défit est considérable. Leur trouver une voie est de notre devoir. Nous devons réinventer notre modèle français dans un monde ouvert sans abandonner ce qui fait de nous un exemple. Liberté, égalité, fraternité et indivisibilité de la République.

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