LA FRANCE BENEVOLE EN 2014 11ème édition – Mai 2014

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LA FRANCE BENEVOLE EN 2014 11ème édition – Mai 2014

Cette onzième édition de la France Bénévole va-t-elle marquer un changement de modèle de l’action bénévole et de sa prise en compte par les associations ? Il semblerait que oui au vu d’un certain nombre de résultats. Certains relèvent de la conjoncture de crise économique ; d’autres de l’évolution démographique de notre pays et de différences générationnelles qui vont aller certainement en s’accentuant ; d’autres enfin signalent une attente de changement de gouvernance associative vis-à-vis de la ressource précieuse que constituent les bénévoles.

La crise économique, même si elle n’a pas atteint, entre 2010 et 2013, l’ampleur de celle qui a touché la Grèce, le Portugal ou l’Espagne, modifie les comportements des acteurs économiques et sociaux que sont les bénévoles. Elle les encourage certainement à ne plus réserver de manière exclusive l’engagement et le don de temps aux associations. En témoigne l’augmentation du nombre d’actions bénévoles conduites hors du cadre associatif. Au plus proche de chez soi, dans un périmètre appréhendable, où les besoins sont clairement identifiés, il est facile et gratifiant de pouvoir apporter son concours. L’utilité, critère exigé par tous les bénévoles pour le sens de leur action bénévole, y est aussi peut-être plus perceptible que dans un grand réseau associatif.

L’évolution démographique de notre société influence sensiblement les formes de bénévolat et le désir d’engagement. Les bénévoles de 25-49 ans et ceux de 70 ans et plus se taillent la part du lion dans les effectifs. Les premiers malgré une vie professionnelle et familiale d’une grande intensité, les seconds en dépit de responsabilités accrues envers ascendants et descendants, répondent présents.

Mais cette situation laisse ouvertes de nombreuses questions. Ainsi, à titre d’exemple, le monde du handicap a connu en cinquante ans les parents militants, fondateurs des grandes associations du champ. Une génération plus tard les parents revendicateurs ont tenté de trouver leur place dans un contexte social nouveau. Puis advint la génération des parents consommateurs. Et on constate aujourd’hui l’arrivée de parents jeunes, fondateurs de nouvelles associations sur des bases résolument différentes, les grandes associations ne réservant pas la place nécessaire à leur désir d’innovation sociale.

En risquant une analogie, on peut faire l’hypothèse que, pour le bénévolat, se dessinent aussi une fin de cycle et peut-être un changement de modèle. Ce que les associations ont parfois appelé à tort le zapping des bénévoles (considérés alors comme des consommateurs) était en fait la traduction négative d’un désir de mobilité dans un monde devenu mobile et exigeant la mobilité. Les jeunes générations de bénévoles ont devant elles un monde à la fois même et autre. Les causes n’ont guère changé, mais les territoires et périmètres des actions, les moyens de
mobilisation et les formes et possibilités d’engagement oui.

Il y a donc aujourd’hui à comprendre de manière fine et sans stigmatisation les formes et durées de l’engagement des bénévoles au sein des associations. Le bénévolat régulier s’érode mais il n’a pas disparu. Il n’est plus ni automatique ni compris comme tel. Il doit être accompagné et soutenu de manière différente que par le passé. La notion même de régularité doit s’incarner entre présence effective et contribution à distance. Cela suppose de définir de manière plus ouverte les actions offertes à l’action bénévole et le parcours des bénévoles eux-mêmes.

Enfin, au cœur de ce changement de modèle, la gouvernance associative doit évoluer. La difficulté à identifier et à convaincre des bénévoles d’entrer dans les conseils d’administration et les bureaux des associations, quels que soient leur taille et leur budget, est la preuve d’une méfiance à l’égard de fonctionnements jugés chronophages, prisonniers d’habitudes et souvent caractérisés par l’entre soi.

La crainte des responsabilités est souvent un faux-nez. On découvre régulièrement, sur le terrain, que les mêmes bénévoles qui ont refusé une présidence d’association assument des responsabilités prenantes et significatives, de manière informelle, dans tel ou tel réseau de mobilisation. Comment rendre à nouveau attractives ces fonctions essentielles de la vie associative aux générations les plus jeunes ?
Certainement en laissant une plus grande place aux jeunes (moins de vingt-cinq ans) et aux femmes dans ces fonctions et en acceptant l’innovation et le changement. Mais aussi en travaillant à nouveau la question de la reconnaissance.

On le sait, les bénévoles dans leur grande majorité ne souhaitent pas recevoir de palmes, médailles, diplômes et autres hochets. Leurs gratifications passent par le lien social créé, la convivialité, le partage et la réussite des projets et des actions. Mais encore faut-il que les associations sachent valoriser et rendre visibles contributions et résultats.

Une vraie reconnaissance, tremplin pour davantage d’action donc de vie ? Tout un programme... de changement !

Pascal Dreyer [1]

La France bénévole en 2014 (11ème édition)
Des formes d’engagement plus ponctuelles, multiples parfois, passant d’un projet àl’autre... bref, le bénévolat évolue. Qu’en pensent les bénévoles eux-mêmes ? Ils ont été près de 3500 às’exprimer entre le 25 mars et le 23 avril.

[1Auteur de l’ouvrage « Etre bénévole, motivation, engagement, reconnaissance », Chronique sociale 2012 (2ème
édition). Rédacteur en chef de la revue Gérontologie et Société, Fondation nationale de gérontologie (2010-2013)

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