Sécurité publique : les mots, les faits et les boucs émissaires

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Sécurité publique : les mots, les faits et les boucs émissaires

En 2002, le nouveau ministre de l’Intérieur annonçait une rupture - déjà... ‑ avec la politique antérieure en matière de sécurité, supprimait la police de proximité, créait les BAC notamment pour quadriller les banlieues et demandait que, le moment venu, on le juge sur ses résultats.

Nous y sommes. Même un préfet en vient à dresser un terrible constat d’échec, publié curieusement au moment même où le Parlement discute d’un projet de loi (dit mensongèrement « sur la prévention de la délinquance ») destiné à aggraver radicalement l’orientation répressive suivie depuis quatre ans par les gouvernements auxquels a appartenu monsieur Sarkozy.

Comme à son ordinaire, le ministre de l’Intérieur se défausse de sa responsabilité en accusant les juges qui auraient « démissionné ». Le président du Tribunal de grande instance de Bobigny a été contraint, fait sans précédent dans l’histoire de la République, de rétablir lui-même la vérité et de protester contre le « mépris » dans lequel le ministre de l’Intérieur tient la justice. De fait, c’est la quatrième fois en moins d’un an que ce ministre lance publiquement des accusations contre la justice qui se révèlent infondées et provoquent des mises au point d’autorités judiciaires.

Derrière des propos de matamore se cache une triste réalité : sur les 600 policiers promis à grand son de trompe pour la Seine-Saint-Denis, 20 sont sur le terrain ; les autres sont partis ailleurs, la plupart affectés à la chasse aux sans-papiers et à leurs enfants. Pendant ce temps, contrairement aux allégations du ministre candidat, jamais les condamnations n’ont été aussi lourdes, les détenus aussi nombreux, les peines de prison aussi longues.

Chaque jour, les habitants des quartiers populaires paient la suppression de la police de proximité, la militarisation de l’emploi des forces de l’ordre en banlieue sur fond de provocations verbales répétées, la casse des services publics et notamment de l’éducation (plus d’enfants par classe en ZEP que hors ZEP en Seine-Saint-Denis !), l’étranglement budgétaire des associations qui luttent contre l’exclusion et ouvrent des alternatives à la violence. Chaque jour, les contrôles au faciès, le racisme et les discriminations s’ajoutent aux inégalités et sèment des graines de violence. Le coût social de la course à l’électorat d’extrême droite devient exorbitant pour notre pays.

L’essentiel est connu de tous. Une politique qui augmente sans cesse l’insécurité sociale ne peut qu’échouer à assurer la sécurité « civile » : pas de paix sans justice, pas de paix sociale sans justice sociale. Quatre années de surdité gouvernementale à cette évidence ne pourront se solder par quelques mouvements de menton et par la désignation de boucs émissaires. Sauf à répéter le scénario du 21 avril 2002. Quel apprenti sorcier pourrait faire un tel pari ?

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