Radiodiffusion numérique : Une voie périlleuse

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Radiodiffusion numérique : Une voie périlleuse

Avant de transmettre son projet d’Arrêté sur la normalisation des technologies de diffusion numérique à la Commission Européenne, le Ministère de l’Industrie a demandé un Avis du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel. Le Ministère privilégie la norme T-DMB, sans exclure la possibilité d’y adjoindre une autre norme, le DAB +, comme le propose le SNRL. S’il a donné satisfaction au syndicat en préconisant un financement spécifique pour les " associatives ", le régulateur n’a en revanche pas souhaité s’engager sur la voie de la " multi normalisation ". Le SNRL a demandé l’avis du Conseil Stratégique des Technologies de l’Information.

La question de la norme.

Le Ministère de l’Industrie a proposé dans son projet d’arrêté pour la Radio Numérique Terrestre (RNT) deux normes de diffusion : le T-DMB et, à la demande du SNRL et des opérateurs en Modulation d’Amplitude, le DRM qui peut permettre l’auto diffusion sur certains territoires. Toutefois, le syndicat des associatives souhaite adjoindre la possibilité d’une norme supplémentaire, le DAB +, plus accessible financièrement (1). Le Ministère a en conséquence demandé au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel un avis sur l’opportunité d’un arrêté " multinormes ". Le CSA s’est prononcé défavorablement sur cette option. Il estime que seul le T-DMB " est de nature à permettre un développement rapide et approprié de la radio numérique ". Sans exclure l’hypothèse du DAB + " pour l’avenir " le Conseil déclare " qu’il serait prématuré d’adjoindre dès maintenant une norme supplémentaire "

Le CSA présente essentiellement deux arguments : d’une part il n’existe pas encore de résultat d’expérimentation en DAB +, et d’autre part, selon la Direction des technologies, une multi normalisation pourrait entraîner des difficultés de planification.

Or aujourd’hui, ni le DAB +, ni le T-DMB n’ont fait l’objet d’une expérimentation concluante et définitive en " situation de réalité ". Le choix du CSA ne paraît donc pas basé sur une évaluation technologique. Quant à l’éventuelle " complexité " du travail de régulation, les experts considèrent qu’une multiplicité des normes, déjà acquise avec le DRM 26, n’alourdirait nullement la tâche du régulateur. Il est à craindre que ce choix soit le résultat de l’engagement (consensuel…pour le moment…) des seules radios nationales, généralistes et thématiques, en faveur d’une norme unique T-DMB. Or l’unicité de la norme est une voie dangereuse pour la très grande majorité des radios.

La question de la méthode.

Le syndicat des " associatives " a proposé une méthode d’évaluation en situation de réalité (ESR). Il s’agit de plusieurs expérimentations multi zones sur le T-DMB et le DAB+ financées par le Ministère de l’Industrie, pilotées par le Conseil Général des Technologies de l’Information dont la mission, définie par le décret du 13 décembre 1996 correspond parfaitement à la situation. Les résultats de l’expertise du CGTI doivent être soumis aux deux groupes de travail nommés par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, auxquels toutes les organisations professionnelles participent. Cette méthode n’a toujours pas été retenue et seules des expérimentations privées, parcellaires et coûteuses, dont les résultats sont contradictoires, ont été engagées. Le SNRL regrette vivement que le Conseil n’ait pas pu attendre le résultat d’une expérimentation fiable, avant de rendre son avis.

Le SNRL attire l’attention du Ministère de l’Industrie et du Ministère de la Culture et de la Communication sur le fait que toute option définitive sur une technologie inaccessible pour des centaines de petits et moyens opérateurs favorise une politique de concentration oligopolistique dans la radiodiffusion. Une telle option risque de condamner des centaines d’associations et d’entreprises, de conduire à des centaines de licenciements, et la conséquence serait un paysage radiophonique appauvri en contradiction avec les principes de la Loi de 1986 sur le pluralisme des opérateurs.

CSA : une position difficile d’arbitrage.

Par son Avis, le régulateur répond aux inquiétudes d’une partie du " Groupement pour le numérique " et notamment les grands réseaux thématiques musicaux, qui espèrent pouvoir " geler " le paysage radiophonique avec le T-DMB, et qui craignent à la fois les nouveaux entrants, et les radios commerciales à forte dynamique territoriale. Le Conseil va en conséquence être confronté à des demandes complexes liées à des stratégies commerciales et des économies différentes.

Le régulateur est parfaitement conscient des risques de modification de l’équilibre actuel du paysage radiophonique, notamment au détriment des " opérateurs à économie restreinte " comme les radios locales. De ce fait, il a retenu la préconisation du Syndicat National des Radios Libres d’un financement spécifique pour la numérisation de la diffusion. Dans son avis, le régulateur " insiste sur la nécessité de permettre à l’ensemble des catégories de services de radio d’accéder à la diffusion numérique, afin de préserver le pluralisme auquel il a toujours été profondément attaché. Il estime donc indispensable que les pouvoirs publics créent un dispositif financier pour aider à la numérisation des radios associatives, qui accomplissent une mission de communication sociale de proximité ". Le SNRL se réjouit de cette exigence formulée par le CSA que le syndicat avait inscrite dans le " Plan d’Urgence pour le Numérique ". Concrètement, le syndicat a préconisé l’abondement du FSER par le Fonds d’Accompagnement pour le Numérique (FAN).

Si sur ce point le SNRL est satisfait d’avoir été entendu par le nouveau Président du Conseil (2), le syndicat ne peut toutefois, dans l’état actuel des choses, se résoudre au choix d’une seule norme : le syndicat est convaincu que le T-DMB ne peut à lui seul répondre aux besoins de tous les opérateurs.

En conséquence, le SNRL a saisi le Conseil Stratégique des Technologies de l’Information, (CSTI), service du 1er Ministre, sur le principe de la méthode, sur le rôle du CGTI, et sur la question du FAN. Le SNRL souhaite que l’expérimentation promise par Radio France sur le T-DMB (zone de Paris) puisse être accessible à tous sans contrepartie financière et que les expérimentations comparatives demandées récemment par l’association " DR " sur le T-DMB et le DAB + (Zones de Nantes et de Paris) puissent être autorisées et expertisées le plus rapidement possible (3).

Le Syndicat National des Radios Libres, attaché à toute convergence d’intérêts dans le secteur de la radiodiffusion, réaffirme son ouverture à une solution raisonnable et équitable, condition essentielle au pluralisme des opérateurs et à la diversité culturelle.

- Tout savoir sur les enjeux de la diffusion numérique, sur la position syndicale et pour retrouver l’intégralité de l’avis du CSA : www.snrl.org, rubrique " numérique "
- Voir communiqué du 23 mars 2007, ainsi que le " Plan d’Urgence pour le Numérique " du SNRL sur www.snrl.org, rubrique " actualité "
- Pour participer à l’expérimentation sur Nantes et Paris, hot-line SNRL au 04.91.55.56.85

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