La pauvreté, nouveau critère de discrimination ? Des testings le prouvent

Publié le

La pauvreté, nouveau critère de discrimination ? Des testings le prouvent

Obtenir des droits pour tous est un combat essentiel. Cependant, l’effectivité des droits fondamentaux (soins, logement, culture, etc.) est parfois mise en péril par des comportements qui relèvent de la discrimination. Dans le contexte actuel de crise, les idées reçues véhiculées sur les personnes qui subissent la pauvreté et le mépris qu’elles inspirent, peuvent mener au fait qu’on prend les gens pour des incapables dans certains domaines (présomption d’incapacité), entraîner des traitements différents et finalement des refus de droits. Pourtant parmi les 19 critères de discrimination actuellement prohibés (art. 225-1 code pénal), on ne compte pas la précarité sociale.

DES TESTINGS PROUVENT DES DISCRIMINATIONS DUES À LA PAUVRETÉ

Le testing scientifique est une méthode de mesure des discriminations utilisée en sciences sociales pour saisir la discrimination sur le vif. Cette méthode crée de manière virtuelle deux situations, une dite de référence et une que l’on choisit de tester, en lui attribuant une caractéristique particulière. S’il y a ou non une différence de traitement, on peut en déduire l’influence de cette caractéristique.

Territoire

Plusieurs testings ont cherché à observer l’influence du lieu de résidence sur l’accès à l’emploi. Des CV similaires ont été envoyés à des employeurs, provenant de villes à bonne réputation ou non. On a pu en conclure que les employeurs on tendance à exclure les jeunes résidant en zones urbaines sensibles (ZUS). On obtient par exemple dans un testing un taux de réponse positive de 7,3 % pour les candidats résidant en ZUS et de 11,8 % pour les candidats résidant hors-ZUS.

Santé

Plusieurs enquêtes ont montré que les patients bénéficiaires de la CMU ont moins de chance que les autres d’obtenir un rendez-vous chez un médecin, particulièrement chez un spécialiste. Ces refus de soin sont le fruit d’un contexte très compliqué, dans lequel lourdeur des procédures administratives, discrimination directe et hétérogénéité des bénéficiaires (étudiants précaires, personnes en situation de pauvreté, toxicomanes) se mêlent étroitement. On atteint des taux de refus de rendez-vous allant jusqu’à 25 %.

Précarité sociale : nouveau testing

Pour compléter ces testings, ATD Quart Monde a lancé une nouvelle enquête, en partenariat avec ISM Corum.
Son but : tester deux nouveaux signaux liés à la précarité en utilisant la méthode de l’envoi de CV. L’une des deux candidatures mentionne une adresse en centre d’hébergement et de réinsertion sociale et un passage par une entreprise d’insertion dans le parcours professionnel.
Conditions techniques : 1440 CV envoyés, avril-juillet 2013, Ile de France, Bordeaux, Caen, Grenoble, Nice et Strasbourg.
Résultat : On constate un écart de 30 points entre les deux types de candidatures dans le cadre des candidatures spontanées à des emplois d’opérateur de caisse dans la grande distribution. En effet, parmi les candidatures ayant reçu une réponse, 83,1 % des candidats de référence ont obtenu un entretien, alors que seules 53 % des candidatures présentant les caractéristiques de précarité ont reçu une réponse positive.

PROPOSITIONS POUR LUTTER CONTRE LA DISCRIMINATION POUR CAUSE DE PAUVRETÉ

La lutte contre la discrimination passe autant par la condamnation pénale des actes délibérés, que par un travail de prise de conscience par la société des comportements discriminatoires subis par les personnes en situation de pauvreté. ATD Quart Monde fait plusieurs propositions.

Dans le domaine juridique
- ajouter le critère de précarité sociale comme motif prohibé de discrimination dans l’article 225-1 du code pénal, dans le code du travail, article L 1132-1, et dans la loi 2008-496 du 27 mai 2008.
La Commission Nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) réclame elle aussi désormais la reconnaissance de ce critère et le défenseur des droits doit se prononcer prochainement.
- signature et ratification du protocole additionnel 12 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.
Dans le domaine sociétal
- diffusion d’outils pour déconstruire les préjugés et faire comprendre les phénomènes de stigmatisation et de discrimination, auprès du grand public comme dans la formation des enseignants, des journalistes, et des futurs citoyens (école, collège etc.). Le livre En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté qui vient de sortir a été édité dans ce but.
- adaptation de la formation des professionnels du secteur social : modules sur les préjugés dans la formation initiale et proposition de co-formations avec des usagers pour déconstruire les préjugés dans le cadre de la formation continue.
- renforcer les collectifs et corps intermédiaires (syndicats, association de parents d’élèves, de locataires etc) pour permettre aux personnes en situation de précarité de développer leur pouvoir d’agir.

Dans le domaine des politiques publiques,
- améliorer l’accessibilité aux droits par la simplification de certaines procédures administratives qui sont actuellement des parcours du combattant,
- mener des études d’impact systématiques pour chaque projet de loi, pour vérifier que les personnes les plus vulnérables ne sont pas pénalisées. Puis évaluations après quelques années.

PUBLICATION D’UN LIVRE BLANC SUR DISCRIMINATION ET PAUVRETÉ

Nous publions à l’occasion de la journée mondiale du refus de la misère le 17 octobre un livre blanc qui en rapprochant tous ces testings prouve l’existence de la discrimination pour cause de précarité sociale.

Ce livre sera téléchargeable sur le site : www.atd-quartmonde.fr/livreblanc

Autres articles dans cette rubrique

37e journée mondiale du refus de la misère : Agir ensemble contre la maltraitance sociale et institutionnelle

À l’occasion de la journée mondiale du refus de la misère qui se déroulera le 17 octobre, le collectif Refuser la misère France s’engage contre la maltraitance sociale et institutionnelle et appelle à...

close