3 questions à Benoit Hamon, candidat à la présidence d’ESS France

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3 questions à Benoit Hamon, candidat à la présidence d'ESS France

ESS et Société : Vous avez déclaré votre candidature à la présidence d’ESS France. Quelles ambitions avez vous pour l’ESS dans les prochaines années ?

Benoit Hamon : L’économie sociale et solidaire fait l’objet d’innombrables éloges. Elle serait l’économie des liens, l’économie du « bien » plutôt que des biens ou l’économie des solutions. Il n’est pas un responsable politique qui ne lui trouvera pas mille vertus pour réparer le monde, apaiser les injustices ou réenchanter la démocratie. Alors pourquoi cette économie « miraculeuse » reste-t-elle cantonnée à la périphérie des dispositifs de droit commun qui concernent l’économie ? Pourquoi ses représentants sont-ils toujours oubliés des rendez-vous sur l’emploi, le développement économique et la transition écologique ?

L’ESS a moins besoin d’éloges que d’actes simples et concrets qui la laissent grandir. Dit autrement, moins de bla bla et plus de résultats.

Dés lors, ma feuille de route sera claire : obtenir pour l’ESS la reconnaissance qui lui manque et à laquelle elle a droit. Améliorer et essaimer ses bonnes pratiques. Engager le changement d’échelle de l’ESS grâce à une loi de programmation et en pérennisant le financement des CRESS, relais indispensables du développement territorial et national de l’ESS. Donner à l’ESS des visages qui ressemblent à la société française. Sanctuariser les secteurs où le non lucratif fait mieux que les autres, dans le champs du soin, de la prise en charge du handicap, des personnes âgées dépendantes ou de la petite enfance. Résister à tous les mouvements qui disloquent la société et nous tourner délibérément vers la transformation écologique de l’économie.

Ce ne sont pas les tâches qui manquent. Il faut une méthode pour obtenir un alignement des planètes favorable au changement d’échelle de l’ESS. La mienne sera de m’appuyer sur la force collective de l’ESS, sa diversité et son ancrage territorial sans équivalent, pour demander que l’ESS bénéficie de tous les dispositifs de droit commun qui concourent au développement de l’économie française. Notre objectif ne doit pas être de quémander qu’on nous concède un petit compartiment spécifique de financement mais bien d’avoir accès à tous les programmes et toutes les politiques qui participent à la préparation de l’avenir en matière d’emploi, de transition écologique, d’aménagement du territoire et de développement des entreprises.

ESS et Société : Avec 10 ans de recul, que pensez vous de "votre" loi sur l’ESS ? Et que pensez vous d’une seconde loi ESS telle qu’elle a commencé à être discuté dans les "couloirs" ?

Benoit Hamon : La loi ESS avait deux objectifs principaux : le changement d’échelle de l’économie sociale et solidaire et la reconnaissance des acteurs de l’ESS. Reconnaissons que dans ces deux dimensions, son bilan 10 ans plus tard, est contrasté. L’ESS n’a pas changé d’échelle. Son poids dans l’économie est stable. Et les indicateurs de richesse restent rivés à la croissance du PIB, ce qui minore la contribution réelle de l’ESS à la cohésion sociale et la stabilité démocratique de la France.

Du côté de la reconnaissance, l’ESS a désormais une existence officielle et les institutions qui la représentent nationalement et en région ont des missions inscrites dans la loi. Cela posé, l’ESS reste absente de trop nombreuses consultations qui la concernent directement. L’impasse de la stratégie France 2030 sur l’ESS, illustre la persistance d’une vision tronquée de l’économie et de l’intérêt général au plus haut sommet de l’Etat. Dans le même ordre d’idée, constater que l’ADEME se désintéresse des savoir faire et des potentiels des entreprises de l’ESS quand elle annonce investir 4,2 milliards d’euros dans la transition écologique relève d’un anachronisme inquiétant.

Faut-il une seconde loi pour relancer la machine ? Cela appelle plusieurs remarques. La France adore les lois. Il faut toutefois mettre autant d’énergie à leur application que celle que l’on consacre à leur écriture. Une loi reste un bout de papier si elle n’est portée par aucune volonté politique. Ce qui a fait défaut depuis 10 ans, c’est l’engagement intermittent des acteurs politiques en faveur des objectifs de la loi ESS. Néanmoins, il peut être justifié d’apporter des modifications à la loi de 2014. Je pense à la simplification de l’agrément ESUS notamment. Cette loi n’est pas un fétiche et doit être évaluée et améliorée à l’aune des besoins contemporains de l’ESS.

Ensuite, s’il faut une nouvelle loi, ce doit être une loi de programmation qui assure justement la pérennité des engagement budgétaires de l’État en faveur du développement de l’ESS. Cette seconde loi doit donner une colonne vertébrale et un cap au changement d’échelle de l’ESS. Nous avons besoin d’une chronologie commune, aux acteurs de l’ESS, à l’Etat et aux collectivités locales pour avancer ensemble et nous assurer que les planètes restent durablement alignées.

ESS et Société : Si vous êtes élus, que pourriez vous proposer pour la prochaine campagne des présidentielles (Au niveau ESS) ?

Benoit Hamon : Même si l’élection présidentielle reste l’événement politique le plus structurant sous la Vème République, il y a beaucoup à faire avant 2027. La force de l’ESS est de ne pas tout attendre du politique pour agir. Les acteurs de l’ESS ont été coproducteurs de la loi qui les concerne. Ils sont coproducteurs des stratégies de développement de l’ESS dans les territoires. Fort heureusement, les innombrables innovations sociales que les entreprises sociales génèrent, n’attendent pas de blanc seing de l’Etat pour créer les solidarités dont les Français ont besoin. Je profite de ce rôle incontournable des entreprises de l’ESS en faveur de l’innovation sociale pour répéter qu’il existe une inégalité insupportable entre le soutien qu’accorde la puissance publique à l’innovation technologique et son désintérêt manifeste pour l’innovation sociale. Je plaiderai, dés la loi finances 2025, pour l’adoption d’un crédit d’impôt innovation sociale. De la même manière je me battrai pour l’augmentation de l’abattement à la taxe sur les salaires que j’avais porté de 6000 à 20000 euros en 2014 et dont j’observe qu’il n’a guère bougé depuis. Enfin, je militerai pour qu’une partie de la taxe parafiscale payée par les entreprises pour financer les chambres consulaires aillent au financement des CRESS.

Avant l’élection présidentielle, il y a trois lois de finance et trois grandes occasions de modifier le paysage fiscal et budgétaire qui encadre l’activité des entreprises de l’ESS et des associations. Sur ce dernier volet budgétaire, je m’autorise un commentaire supplémentaire. L’Etat vient de décider la suppression de 10 milliards de crédits budgétaires qui devaient financer de très nombreux acteurs de l’ESS dans des champs aussi divers que l’action internationale, l’éducation populaire, le handicap, les soins, la culture ou le sport. Par la voix du ministre de l’économie et des finances, le gouvernement annonce une économie supplémentaire de 20 millards d’euros en loi de finance. Si ces coupes budgétaires continuent à se concentrer sur les structures qui maintiennent la cohésion sociale et assurent les solidarités élémentaires, nous assisterons à un plan social massif dans le champs associatif et l’ESS. Outre, l’effondrement d’activités qui répondent à des besoins sociaux qui ne sont pourtant, satisfaits ni par le marché ni par le public, mais sont assurées par l’ESS, ce sont des milliers d’emplois qui seront supprimés et des millions de français qui seront orphelins de solidarités qui rendaient leurs vies plus douces.

En 2027, ESS France interrogera les candidats à l‘élection présidentielle, décortiquera leurs projets et examinera leurs bilans. Mais sans craindre d’être contredit, je crois que la priorité des acteurs de l’ESS va aux conquêtes possibles immédiatement.

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