Pollueurs Payés : le marché carbone doit être réformé en profondeur

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Pollueurs Payés : le marché carbone doit être réformé en profondeur

Alors que le succès environnemental du marché carbone est loin d’être assuré, un rapport commandé par le WWF montre qu’il pourrait permettre aux compagnies électriques les plus polluantes de réaliser jusqu’à 71 milliards d’Euros de profits d’ici à 2012, deux fois le PIB de la Slovénie. Le WWF appelle à une réforme en profondeur de ce marché.

Entré en activité début 2005, le marché carbone européen est la principale politique de l’Union Européenne dans la lutte contre les changements climatiques. Comment cela fonctionne-t-il ? Chaque grande installation industrielle reçoit gratuitement un certain nombre de permis à émettre du CO2. Lorsqu’elle émet plus que son quota, elle doit acheter des permis supplémentaires auprès d’une installation qui, elle, est en sous émission.

Mais les pays européens ayant distribué trop de permis, les émissions de CO2 de l’industrie continuent d’augmenter d’environ 1% par an depuis 2005. L’évolution du secteur le plus polluant, le secteur électrique, est inquiétante : 40 nouvelles centrales électriques au charbon pourraient voir le jour dans les cinq ans à venir et elles seront encore en activité dans 50 ans.

Pour Damien Demailly, chargé du Programme Energie et Climat au WWF France, « en continuant à investir dans des technologies polluantes, nous nous mettons dans une impasse. Il faut resserrer les boulons en réduisant fortement le nombre de permis donnés aux industriels ».

Une seconde mesure s’impose pour les industries non soumises à une concurrence internationale forte : leur faire payer les permis à émettre. En effet, comme l’explique le WWF, « ces industries augmentent leurs prix et font payer leurs émissions par les consommateurs. Ils font comme s’ils devaient acheter les permis alors qu’ils les ont eu majoritairement gratuitement. Les plus pollueurs sont ceux qui bénéficient le plus de ce qu’on peut appeler des profits tombés du ciel ».

Cette pratique est d’ores et déjà connue dans le secteur électrique. Le WWF a demandé à Point Carbon, entreprise leader pour l’analyse des marchés carbone, d’évaluer les profits tombés du ciel de ce secteur dans cinq pays : Royaume-Uni, Allemagne, Espagne, Italie et Pologne. Le rapport montre que d’ici à 2012 ce secteur pourrait gagner jusqu’à 71 milliards d’Euros grâce au marché carbone, le double du PIB de la Slovénie.

Face au lobby des industriels et de certains Etats, le WWF soutient la proposition de la Commission Européenne de faire payer les permis à partir de 2013. Seules les installations identifiées par des experts indépendants comme réellement sensibles à la concurrence internationale devront pouvoir bénéficier de permis gratuits.

« Le revenu de la vente des permis doit être entièrement ré-investi dans la lutte contre les changements climatiques, en Europe et dans les pays en développement », ajoute Sanjeev Kumar, responsable du marché carbone au WWF.

Documents
- EU ETS phase II – the potential and scale of windfall profits in the power sector” Rapport commandité par le WWF à Point Carbon Advisory Services, Mars 2008.
- Résumé du WWF.


* Pays Profits tombés du ciel entre 2008 et 2012 (milliards d’Euros) pour un prix du CO2 de 21€/tonne.
- Royaume-Uni 6-10
- Allemagne 14-22
- Espagne 1-3
- Italie 0-6
- Pologne 2-6

* Profits tombés du ciel entre 2008 et 2012 (milliards d’Euros) pour un prix du CO2 de 32€/tonne.

- Royaume-Uni 8-15
- Allemagne 21-34
- Espagne 2-4
- Italie 0-9
- Pologne 4-9

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