Plan de relance France 2030 : le monde d’après attendra ?

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Plan de relance France 2030 : le monde d'après attendra ?

Nous, Licoornes, constatons que la transformation écologique et solidaire de notre économie, si cruciale pour notre siècle, est absente du Plan France 2030 présenté le 12 octobre 2021 par le chef de l’Etat.

La majorité des commentateurs s’accorde à le dire : ce Plan nous replonge dans les années 1970, tant dans son contenu que dans sa méthode. Construit loin des entreprises qui agissent sur le terrain, sans écouter les vrais besoins des citoyen.ne.s, il vise comme hier à produire et consommer plus. A s’appuyer massivement sur le nucléaire. A prospecter les fonds marins pour y trouver de nouvelles ressources minières. A construire toujours plus de voitures. Alors que tout appelle à une transition majeure de nos modèles économiques dans les cinq prochaines années, l’Etat s’apprête à nous faire revivre la fin du XXè siècle.

Pourtant, les consommateur.rice.s sont de plus en plus nombreux à se préoccuper de la transition écologique de notre économie et à l’acter dans leurs décisions d’achat.
Pourtant, les français.es sont de plus en plus nombreux à vouloir prendre une part active aux décisions politiques et économiques qui les concernent, à l’opposé de la méthode de construction de ce Plan depuis le sommet de l’Etat.
Pourtant, les collectivités territoriales sont nombreuses à inventer des modes de faire qui lient territoires, écologie et emplois.

Nous, Licoornes, sommes une alliance de coopératives agissant sur les secteurs clefs de la transition. Nous sommes précisément nées à l’intersection des volontés des citoyen.ne.s qui refusent de voir détruire le monde sans agir, des consommateur.rice.s qui ne veulent plus être les réceptacles passifs de ce que le capitalisme produit (mal) pour eux, des collectivités territoriales qui doivent penser à l’avenir de leurs territoires sur le long terme.

Nous agissons sur le marché mais en travaillant pour l’intérêt général à travers une vision active de la transition écologique et solidaire. Nous représentons plus de 100 000 sociétaires, citoyen.ne.s, collectivités locales, salarié.e.s, personnes morales qui ont investi dans nos coopératives pour favoriser l’impact écologique et solidaire sur le rendement financier, défendant ainsi l’intérêt collectif sur l’intérêt particulier. Nous représentons également plusieurs centaines de milliers de client.e.s qui souhaitent agir, par leur consommation, sur les secteurs structurants de la transition : l’énergie, la distribution, la mobilité, la téléphonie, la finance…

Nous estimons que le Plan France 2030 n’est ni à la hauteur des capacités d’innovation de nos entreprises, ni de la crise écologique, ni de l’action de nos territoires et de leurs citoyen.ne.s, ni de l’impératif de sobriété.

Aussi nos coopératives appellent à améliorer le Plan France 2030 à travers 5 axes :

- Nous appelons d’abord à une redéfinition du concept d’”innovation” qui soit en phase avec les enjeux écologiques et sociaux actuels. Partager le pouvoir et les richesses au sein des entreprises, inventer des modèles économiques qui garantissent des conditions de travail dignes et respectent les prestataires, développer des activités économiques viables en rupture avec la société de consommation et la recherche de croissance : ces missions nous semblent plus innovantes qu’épuiser les ressources naturelles, pousser à la surconsommation et maintenir les travailleurs.euses dans la précarité ;
- Nous appelons les élus et les technicien.ne.s des collectivités territoriales à jouer un rôle fort dans la transition écologique et solidaire : celle-ci ne se décrète pas d’en haut par l’Etat, elle se construit sur les territoires par leurs collectivités. Et nous pouvons travailler ensemble, coopératives et collectivités, pour déployer des solutions concrètes et cohérentes de transition écologique. Menons des expérimentations, documentons-les, essaimons-les !
- Nous appelons les citoyen.ne.s à prendre part à la transformation économique de la France en nous rejoignant massivement. Devenez sociétaires de nos coopératives. Soyez exigeant.e.s avec les organisations que nous sommes. Soutenez-nous pour faire une différence ici et maintenant.
- Sur les 100 milliards du plan de relance, seuls 1,3 sont fléchés vers l’économie sociale et solidaire. Nous appelons l’Etat à investir beaucoup plus massivement dans les organisations de l’ESS qui sont des outils puissants au service de l’intérêt général et peuvent jouer un rôle clef dans la construction de la France de 2030. Par ailleurs, l’Etat peut aider les personnes qui souhaitent soutenir les coopératives par un relèvement de l’avantage fiscal lié à leur investissement qui pourrait passer de 25% à 50%. Cela contribuerait à renforcer les fonds propres de nos coopératives tout en offrant un débouché porteur de sens à l’épargne des français.ses.L’investissement des entreprises dans les SCIC devraient également pouvoir être déductible de l’IS.
- Enfin, nous appelons tous les dirigeants de sociétés de capitaux qui ont à cœur la transition écologique et solidaire à entrer en contact avec nous. Car il y a urgence à agir et la qualité “d’entreprise à mission” définie par la loi PACTE ne suffira pas à relever nos défis : réfléchissons ensemble à la transition des sociétés de capitaux en des sociétés de personnes, seules à même de garantir l’intérêt collectif et notre avenir écologique.

En l’état, le Plan France 2030 nous fait retourner au XXème siècle et ne rend pas justice à notre vraie capacité d’innovation. Parce qu’il est dans l’ADN des Licoornes, et, plus largement de toutes les organisations de l’économie sociale et solidaire, d’être optimistes et forces de proposition, nous sommes prêt.e.s à travailler pour 2030 à une relance qui ne soit pas, comme toutes les précédentes, seulement synonyme de “croissance du PIB” mais d’une vraie transformation de notre économie autour de l’écologie et de la solidarité, co-construite avec les acteurs de terrain et soutenue par un État porteur de notre intérêt collectif.

Co-signataires :
- Bastien Sibille, président de Mobicoop
- Alexandra Debaisieux, directrice générale déléguée de Railcoop
- Julien Noé, président d’Enercoop
- Maud Sarda, directrice générale de Label Emmaüs
- Marion Graeffly, co-fondatrice de Telecoop
- Bérengère Batiot, Responsable développement & communication à CoopCircuits
- Adrien Montagut, co-fondateur de Commown
- Jean-Baptiste Schmider, président directeur général de Citiz
- Bernard Horenbeek, Président du Directoire de la Nef

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