La liberté de la presse en 2004 - Bilan annuel 2004

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La liberté de la presse en 2004 - Bilan annuel 2004
L’année la plus meurtrière depuis dix ans : 53 journalistes tués

Bilan annuel de Reporters sans frontières
En 2004 :

- 53 journalistes tués
- 15 collaborateurs des médias tués
- au moins 907 interpellés
- au moins 1 146 agressés ou menacés
- au moins 622 médias censurés

A titre de comparaison, en 2003 :

- 40 journalistes tués
- 2 collaborateurs des médias tués
- au moins 766 interpellés
- au moins 1 460 agressés ou menacés
- au moins 501 médias censurés

Au 1er janvier 2005 :107 journalistes emprisonnés dans
le monde70 cyberdissidents emprisonnés dans le monde




 ?gl

Bilan 2004

Tués

Interpellés

Agressés-Menacés

Médias
censurés

Afrique

1

198

176

163

Amériques

12

43

363

111

Asie

16

384

393

165

Europe
et ex-URSS

3

117

141

111

Maghreb
et Moyen-Orient

21

165

73

72

Total
2004

53

907

1146

622

en
2003

40

766

1460

501











L’année la plus meurtrière depuis dix ans



En 2004, au moins 53 professionnels de l’information ont été
tués dans l’exercice de leurs fonctions ou pour avoir exprimé
leurs opinions. Ce chiffre n’avait pas été aussi élevé
depuis 1995. 15 collaborateurs des médias ("fixeurs", chauffeurs,
traducteurs, techniciens, agents de sécurité, etc.) ont également
trouvé la mort pendant l’année.L’Irak
est, pour la deuxième année consécutive, le pays le plus
dangereux du monde pour les journalistes. 19 reporters et 12 collaborateurs
 ?gldes médias y ont été tués en 2004. Les attentats
terroristes et les attaques de la guérilla irakienne sont la première
cause de mortalité pour les professionnels de l’information. Mais l’armée
américaine s’est également rendue responsable de la mort de
quatre journalistes et collaborateurs des médias. Ali Al-Khatib et
Ali Abdel Aziz, de la chaîne satellitaire Al-Arabiya, ont été
victimes de tirs près d’un check-point américain, le 18 mars.
Dix jours plus tard, l’armée américaine a reconnu être
responsable de leur mort qualifiant ces tirs d’« accidentels ».
Assad Kadhim et Hussein Saleh, deux employés de la chaîne Al-Iraqiya,
ont également succombé à des tirs américains,
le 19 avril.




Pays


Journalistes
tués en 2004

Arabie
saoudite

1

Autorité
palestinienne

1

Bangladesh

4

Brésil

2

Colombie

1

Gambie

1

Haïti

1

Inde

1

Irak

19

Mexique

3

Népal

2

Nicaragua

2

Pakistan

1

Pérou

2

Philippines

6

République
dominicaine

1

Russie

2

Serbie-Monténégro

1

Sri
Lanka

2





En dehors des risques propres aux zones de conflit, des articles dénonçant
la corruption et des enquêtes sur des groupes criminels sont à
l’origine de la plupart des assassinats de journalistes.
En Asie, et notamment aux Philippines (6 tués) ou au Bangladesh
(4 tués), des professionnels de la presse ont été tués
simplement parce qu’ils enquêtaient sur des sujets sensibles (corruption,
trafic de drogue, mafias, etc.). Début décembre,
la presse philippine a publié un éditorial commun : "Nous
nous souviendrons de 2004 comme d’une année d’infamie. (…) A
chaque meurtre d’un journaliste, d’un juge, d’un écologiste, d’un dénonciateur
de la corruption ou d’un militant des droits de l’homme, c’est la démocratie
qui meurt toujours un peu plus."

L’assassinat, en Gambie, au mois de décembre,
de Deyda Hydara est venu tristement rappeler que le continent africain n’était
pas épargné par ces violences.







Une menace grandissante : le kidnapping




Au moins douze reporters étrangers et nationaux ont été
enlevés en Irak en 2004 par des groupes islamistes. Une seule
de ces prises d’otages s’est terminée de manière tragique. Le
reporter italien Enzo Baldoni, 56 ans, qui travaillait en indépendant
pour l’hebdomadaire italien Diario, a été exécuté
fin août par l’Armée islamique en Irak. Il avait été
enlevé, le 24 août, alors qu’il tentait de se rendre
dans la ville sainte de Najaf assiégée. Dans une cassette vidéo
dif ?glfusée par la chaîne Al-Jazira, ce groupe avait fixé
Najaf. Quelques jours plus tard, l’Armée islamique en Irak avait
revendiqué leur enlèvement et réclamé l’abrogation
de la loi française sur le port des signes religieux à l’école.
Une mobilisation diplomatique et médiatique sans précédent
s’est rapidement mise en place. Le 11 novembre, Mohammed Al-Joundi était
retrouvé libre dans la ville de Falloujah. Georges Malbrunot, 41 ans,
est journaliste indépendant pour les quotidiens français Le
Figaro
, Ouest-France et pour RTL  ; Christian Chesnot,
38 ans, est pigiste de RFI et Radio France.
Par ailleurs, deux cameramen sont toujours portés disparus, le Français
Fred Nérac, de la chaîne britannique ITN, depuis
le 22 mars 2003 et l’Irakien Isam Hadi Muhsin Al-Shumary depuis
le 15 août 2004.
En Côte d’Ivoire, le journaliste
franco-canadien Guy-André Kieffer est porté disparu depuis le
16 avril 2004. Il a été vu pour la dernière fois vers
13 heures dans un centre commercial de la capitale. Agé de 54 ans,
marié et père de deux enfants, le journaliste collaborait à
La Lettre du Continent et plusieurs journaux ivoiriens. Michel Legré,
beau-frère de Mme Simone Gbagbo, l’épouse du Président,
et dernière personne à avoir vu Guy-André Kieffer avant
sa disparition, a été mis en examen en octobre 2004 pour "enlèvement
et séquestration" par le juge d’instruction français Patrick
Ramaël.

Au Népal, quatre journalistes
ont été enlevés par les maoïstes. Dhana Rokka Magar
est entre leurs mains depuis août 2002.




Un Moyen-Orient paralysé par le conflit irakien




La situation de la liberté de la presse
au Moyen-Orient reste particulièrement précaire. C’est le cas
en Syrie et en Arabie saoudite où les autorités
continuent d’empêcher par tous les moyens l’émergence d’une presse
libre et indépendante. L’autocensure y est généralisée
et les sujets tabous très nombreux. L’Iran arrête et emprisonne
à tour de bras des journalistes et des cyberdissidents (une trentaine
d’entre eux ont été privés de leur liberté en
2004). La justice, aux mains des conservateurs, poursuit son entreprise de
démolition de la presse d’opposition. L’instabilité politique
dans les Territoires palestiniens a également eu des répercussions
sur la presse : un journaliste a été assassiné et de
nombreux autres agressés à Gaza par des inconnus.

En revanche, moins d’atteintes à la liberté
de la presse ont été recensées en Israël
et au Liban.

Au Maghreb, la liberté de la presse
n’est toujours pas garantie. La multiplication des interpellations de journalistes
en Algérie (22 cas et deux sont toujours emprisonnés), le nombre
toujours important des procédures contre des médias au Maroc
et le contrôle toujours très strict de l’information par les
autorités tunisiennes sont autant d’obstacles qui restent à
franchir pour que s’instaure une réelle liberté d’expression
dans la région.




L’Asie toujours à la traîne




C’est en Asie de l’Est que se trouvent les pays
les moins ouverts de la planète à la liberté d’expression.
La Corée du Nord, la Birmanie, la Chine, le Viêt-nam
et le Laos font partie des nations les plus liberticides. A Pyongyang,
le journalisme est embrigadé au service du culte de la personnalité
de Kim Jong-il. Des dizaines de journalistes ont été "rééduqués"
dans des camps pour des fautes professionnelles, souvent mineures.
La
Chine (26 journalistes emprisonnés) et la Birmanie (12) sont les plus
grandes prisons du continent. A Pékin, malgré l’explosion
du nombre des publications et des médias audiovisuels, le Parti communiste
n’a de cesse de rappeler avec brutalité les limites à
ne pas franchir. La presse étrangère est toujours étroitement
contrôlée.
Aux Maldives, une vague de répression
très brutale s’est abattue sur les journalistes et les cyberdissidents
en 2004.

La violence physique est encore très
présente sur le continent. Au Népal et au Bangladesh,
les attaques contre des journalistes sont quotidiennes. L’Etat, mais également
des groupes politiques et des mafias, en sont responsables. En Inde
et en Indonésie, ces agressions, moins nombreuses, ne peuvent
empêcher la presse indépendante de s’affirmer.




Une situation contrastée en Europe




Si les membres de l’Union européenne, y compris les dix nouveaux entrants,
se montrent globalement respectueux de la liberté de la presse, la
situati ?glon est radicalement différente dans certaines républiques
de l’ex-URSS et en Asie centrale.
En Russie, le contrôle total exercé
par le Kremlin sur les télévisions nationales a été
illustré de manière flagrante par la couverture biaisée
de la tragique prise d’otages de Beslan, en Ossétie du Nord.
A cette occasion, de nombreux journalistes russes et étrangers ont
été empêchés de travailler et la censure sur la
situation en Tchétchénie s’est étendue aux républiques
voisines. Le correspondant de l’Agence France-Presse dans la
région est toujours porté disparu, tandis que deux journalistes
ont été tués, dont le rédacteur en chef du magazine
américain Forbes, assassiné à Moscou pendant l’été.

En Ukraine, l’élection présidentielle
d’octobre 2004 a été l’occasion de multiples violations
de la liberté de la presse. Des journalistes proches de l’opposition,
ainsi que certains médias étrangers, ont été censurés.
Par ailleurs, le nombre d’agressions a été très
élevé et les responsables des assassinats de journalistes, dont
celui de Géorgiy Gongadze, bénéficient toujours d’une
impunité totale.

Au Bélarus, le président
Alexandre Loukachenko ne tolérant aucune critique, tous les moyens
ont été méthodiquement mis en oeuvre pour réduire
au silence les rares voix dissidentes. A l’approche des élections
législatives et du référendum du 17 octobre, une diz ?glaine
de journaux indépendants ont été fermés ou suspendus
par le ministre de l’Information, sous des prétextes administratifs
fallacieux. L’enquête sur la disparition, en 2000, du journaliste
d’opposition Dmitri Zavadski est close alors que l’implication
des plus hautes autorités dans ce drame ne laisse guère de doutes.

En Ouzbékistan, la condamnation
d’un journaliste et défenseur des droits de l’homme à
une lourde peine de prison pour « homosexualité »
est un exemple de la répression brutale du pouvoir contre la presse
indépendante, quasi inexistante. En Azerbaïdjan, depuis
l’élection présidentielle d’octobre 2003, les journalistes ne
peuvent plus travailler dans des conditions satisfaisantes. En 2004, un journaliste
et opposant a été condamné à cinq ans de prison.

Enfin, les progrès remarquables réalisés
par la Turquie sur le plan législatif dans la perspective de
son adhésion à l’Union européenne ne se sont pas
encore traduits, dans la pratique, par une amélioration significative
de la liberté de la presse.




Regain de violence sur le continent américain




Douze journalistes ont été tués
en Amérique du Sud et centrale en 2004 (contre 7 en 2003). Au Mexique,
au Brésil et au Pérou, les assassinats de journalistes
ont pris de nouveau une dimension préoccupante.

Malgré quatre libérations en fin
d’année, dont celle du célèbr ?gle poète et dissident
Raúl Rivero, Cuba reste, après la Chine, la plus grande
prison du monde pour les journalistes (22 détenus). Sur l’île,
toute expression critique à l’égard du régime de Fidel
Castro est, par définition, criminelle.

En Colombie, il existe en revanche un
vrai pluralisme de l’information. Mais les journalistes la paient de leur
vie. L’un d’entre eux a été tué en 2004, ainsi qu’un
vendeur de journaux. Dénoncer les exactions des groupes armés
- paramilitaires et guérillas - et la corruption des élus reste
un métier dangereux, plus que partout ailleurs sur le continent (une
cinquantaine de journalistes ont été menacés ou agressés
en 2004).Depuis la chute de Jean-Bertrand Aristide en janvier 2004, la situation
s’est améliorée en Haïti. Mais des difficultés
en province et des problèmes récurrents et inquiétants
dans les procédures concernant les assassinats des deux journalistes
Jean Dominique et Brignol Lindor, montrent que la partie n’est pas encore
gagnée.

En Amérique du Nord, la liberté
de la presse est réelle. Cependant, plusieurs problèmes concernant
la protection du secret des sources ont replacé cette question au cœur
des débats des médias américains. En fin d’année,
les Etats-Unis ont placé pour la première fois une chaîne
de télévision (Al-Manar, la chaîne du Hezbollah
chiite libanais) sur leur liste des organisations terroristes, mettant ainsi
fin à sa diffusion sur le sol américain. S’il ne fait aucun
doute que la chaîne a diffusé des propos antisémites inacceptables,
la déci ?glsion du gouvernement américain d’assimiler un média,
quel qu’il soit, à un groupe terroriste, risque de créer un
précédent dangereux.





La presse indépendante en difficulté sur le continent africain



En Côte d’Ivoire,
à Abidjan (dans le Sud) comme à Bouaké (capitale de la
zone tenue par les Forces nouvelles), les journalistes prennent chaque jour
de gros risques afin de poursuivre leur devoir d’information (40 ont été
menacés ou agressés en 2004, neuf interpellés et 12 médias
ont été censurés ou saccagés).

En Erythrée,
la situation est dramatiquement simple : il n’y a plus de presse privée,
plus d’expression libre et plus de correspondants étrangers. 14 journalistes
et directeurs de journaux sont emprisonnés quelque part au secret,
sans procès.

Au Zimbabwe, le
paysage médiatique est à peine plus riche. Depuis les attaques
répétées des autorités à l’encontre du
Daily News, la presse indépendante est réduite à
un ou deux hebdomadaires au tirage confidentiel. Parallèlement, alors
que des élections générales sont prévues en 2005,
le gouvernement a décidé d’interdire purement et simplement
l’accès du principal parti d’opposition aux médias d’Etat.

En revanche, une amélioration
de la situation de la liberté de la presse est à noter dans
plusieurs pays du ?gl continent. Ainsi, en Afrique du Sud, au Bénin,
au Botswana, au Cap-Vert, au Ghana, au Mali, à
Maurice ou encore en Namibie, les journalistes travaillent dans
des conditions de liberté proches de celles de leurs confrères
européens.

Enfin, les années
qui passent ne semblent avoir aucun impact sur l’impunité qui sévit
au Burkina Faso. Six ans après l’assassinat du journaliste,
le dossier Norbert Zongo n’est toujours pas réglé.










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