Projet de loi « DADVSI » : à contre-courant, le Sénat rejette

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Projet de loi « DADVSI » : à contre-courant, le Sénat rejette

Les associations signataires de ce communiqué ont pris connaissance des
amendements au projet de loi DADVSI adoptés par la commission des
affaires culturelles du Sénat le 13 avril 2006. Ces associations
constatent que le rapporteur sur le projet de loi et ses collègues ont
dénaturé le travail des députés qui avaient su s’unir, par delà les
clivages habituels, pour encourager l’innovation, la libre entreprise et
la recherche française. Ils étaient en effet parvenus à un accord sur la
rédaction de l’article 7 (adopté le 16 mars en seconde délibération à
l’unanimité).

Cet article 7 faisait de la France le premier pays d’Europe à
véritablement défendre activement l’interopérabilité. Il garantissait la
libre concurrence sur des marchés stratégiques et la sécurité de
développement du logiciel libre dans notre pays. Cette première mondiale
avait d’ailleurs été saluée Outre-Atlantique [1].

Or la commission des affaires culturelles a décidé de revenir sur les
avancées du texte en soumettant la fourniture des informations
essentielles à l’interopérabilité à des licences dites « équitables et
non-discriminatoires », qui ne sont pas sans rappeler les licences RAND
("raisonnables et non-discriminatoires") pour les brevets. Lors du débat
concernant la directive européenne sur les brevets logiciels, des
milliers de PME ont pourtant témoigné que ce type de licence est hors de
leur portée financière et n’était avantageux que pour les grandes
entreprises en situation de quasi-monopole.

De plus, alors que l’Assemblée offrait au citoyen le moyen de faire
valoir son droit à l’interopérabilité en saisissant le Tribunal de
Grande Instance, le Sénat prévoit de créer une Autorité de régulation
des mesures techniques de protection qui pourra notamment interdire la
publication d’un code source pour peu qu’elle estime que sa publication
porte atteinte à l’efficacité ou à l’intégrité d’une mesure technique.
Les auteurs de logiciels libres pourraient ne plus avoir le droit de
divulguer un simple logiciel lecteur de DVD sous prétexte que ses
utilisateurs pourraient exploiter l’oeuvre à des fins illicites. C’est
confondre, une nouvelle fois, l’outil et l’usage qui en est fait.

Tout aussi grave, il avait été rappelé à l’Assemblée l’importance de "la
non-brevetabilité des mesures de protection, conformément à la décision
du Parlement européen selon laquelle tout logiciel n’est pas
brevetable". [2] Or le rapporteur du Sénat propose de remplacer cette
garantie par une formulation trompeuse : la référence à l’article
L611-10 CPI qui est le moyen par lequel les partisans des brevets
logiciels ont pu détourner le droit et faire accepter par l’INPI ou
l’Office européen des brevets des dizaines de milliers de brevets
logiciels. Cette position adoptée par le Sénat contredirait donc
fondamentalement la position traditionnelle de la France, en plus de
faire peser des risques majeurs de création d’une protection par le
secret sur les méthodes intellectuelles utilisées dans les mesures
techniques de protection.

En fin de compte, plutôt que de confirmer l’analyse des députés par un
vote conforme de l’article 7, les sénateurs membres de la commission des
affaires culturelles du Sénat qui ne se sont pas opposés aux amendements
du rapporteur n’ont pas su identifier les véritables enjeux économiques
de ce texte et n’ont pas su résister aux pressions des intérêts
particuliers de sociétés comme Vivendi, Thomson, Microsoft et Apple, au
détriment de l’intérêt général et de l’industrie française et européenne
du logiciel. Il suffit pour s’en convaincre de comparer les nouveaux
articles 7 et 7 bis avec la note envoyée aux élus par le cabinet de
lobbying de Thomson. [3]

Les associations signataires de communiqué invitent donc les sénateurs,
notamment ceux de la commission des affaires économiques, à se saisir le
plus rapidement possible de ce dossier, à prendre en compte les avancées
et le consensus politique établi autour de l’actuel article 7, et à ne
pas voter les amendements 17, 18, 23 et 24 présentés par le rapporteur
Thiollère au nom de la commission des affaires culturelles.

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