Le Parc national de Guyane : quelle protection pour les Amérindiens ?

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Le Parc national de Guyane : quelle protection pour les Amérindiens ?

Le parc amazonien de Guyane a été créé par le Décret n° 2007-266 du 27 février 2007. Il concerne cinq communes où vivent quelque 7 000 personnes, et comprend une zone « cœur » de plus de 2 millions d’hectares intégralement protégée, autorisant le maintien des activités de subsistance (chasse, pêche, cueillette) pour les communautés résidentes et s’étend sur une zone de « libre adhésion » de plus de 1,3 million d’hectares où l’exploitation minière, notamment aurifère, sera autorisée.

Dans le cadre de l’enquête publique portant sur la création du Parc national de Guyane, les Amérindiens du Haut Maroni avaient clairement exprimé leur opposition à ce projet s’il ne prévoyait pas de rattacher leurs territoires à la zone « cœur du parc » pour les protéger des dangers de l’orpaillage. Si les conclusions des commissaires-enquêteurs tenaient compte des principales revendications des Amérindiens et suggéraient à l’Etat d’y donner suite, celles-ci n’ont pas été retenues dans le projet final.

En octobre 2006, 285 Amérindiens wayana et émerillon adultes, soit un tiers de leur population avaient manifesté leur opposition au projet du Parc dans une pétition adressée à la Commission d’enquête : « Notre volonté de bénéficier de la proximité du cœur du Parc, afin de protéger nos lieux de vie et d’activité n’a pas été retenue dans ce projet ; rien ne nous protège contre les nombreuses nuisances liées à l’orpaillage, au contraire le projet contient certaines dispositions qui lui sont favorables et il ne garantit pas nos communautés contre les intrusions sur nos espaces de vie et d’activité. »

Brigitte Wyngaarde, chef coutumier de Balaté et membre du collectif des Amérindiens du Haut Maroni, estime que les Amérindiens ont une fois de plus été trahis. Elle a déclaré aujourd’hui : « L’enquête publique n’a finalement pas pris en compte les principales revendications des communautés amérindiennes du haut Maroni. L’orpaillage, un fléau qui sévit depuis plusieurs années en pays wayana, va désormais être légalisé sur leurs terres. Nous constatons amèrement que leurs intérêts et leur survie passent après ceux des orpailleurs et après la protection de l’environnement. Il s’agit là d’un acte de violence administrative. Nous voyons très mal l’avenir. »

Francis Dupuy, anthropologue, expert auprès de la mission pour la création du Parc, désavoue le projet dans sa forme ultime : « La création d’un parc dans le sud de la Guyane est en soi une bonne chose. Toutefois, en dépit de toutes les préconisations du comité de pilotage et des nombreuses réclamations exprimées lors de l’enquête publique, le zonage retenu in fine laisse en dehors de la zone de protection tout le secteur du haut Maroni (commune de Maripasoula) où vivent les Amérindiens wayana. Ces derniers attendaient du Parc qu’il les protège de l’orpaillage et de ses ultiples méfaits. Ce qui ne sera pas le cas. Aussi, aujourd’hui, l’inquiétaude est grande quant à l’avenir de cette communauté. Une fois de plus les autorités ont fait fi de ses aspirations. Il faudra tout faire pour que les Wayana, qui n’ont cessé de réclamer l’élargissement de la zone de protection, soient entendus. »

Françoise Grenand, anthropologue, membre du Comité de pilotage pour la création du Parc de Guyane, se dit consternée : « Le projet de Parc de Guyane mêlait les problématiques humaines et environnementales dans le droit fil de la loi du 14 avril 2006 qui a réformé le statut des parcs naturels nationaux pour associer les collectivités locales à leur gestion. Etant donné le contexte humain et social complexe du sud de la Guyane par rapport à la création d’un parc « français », la projet guyanais exigeait une attention particulière. Or, le Parc, tel qu’il apparaît aujourd’hui a trahi ses promesses, il ne reflète aucunement les recommandations des membres du Comité de pilotage qui, tout au long du processus d’élaboration, ont été manipulés, tout comme les populations locales. »

Jean-Patrick Razon, directeur de Survival a déclaré : « Il est inquiétant de constater le mépris avec lequel ont une fois de plus été traitées les populations amérindiennes de Guyane dans le processus de création d’un Parc censé protéger une forêt tropicale humide d’une biodiversité prodigieuse, mais qui privilégie surtout les intérêts économiques engagés dans la région. »

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