L’indépendance des administrateurs de banques coopératives

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L'indépendance des administrateurs de banques coopératives

Un certain nombre de réflexions convergentes, visant à l’amélioration de la gouvernance des
entreprises cotées en général et des entreprises bancaires en particulier, ont été récemment
engagées, tant au plan international que national. A titre d’exemple, l’ordonnance du 8 décembre
2008 transposant la directive 2006/43/CE du 17 mai 2006 relative au contrôle légal des comptes
s’inscrit dans un mouvement général visant à une meilleure transparence des modes de
fonctionnement des organes sociaux et à l’amélioration des règles de gouvernance en vigueur dans
les sociétés cotées et les établissements de crédit.

Ces différentes réflexions, inspirées par un souci de transparence accrue et destinées à remédier à
certains problèmes identifiés parfois de longue date (notamment, la consanguinité des administrateurs
de certaines sociétés cotées et le défaut de contrôle, réel ou supposé, en résultant) ont débouché sur
un certain nombre d’initiatives concrètes.

En témoigne notamment la volonté de certains responsables politiques de rendre obligatoire la
présence d’administrateurs dits « indépendants », dans les conseils d’administration ou de
surveillance de sociétés cotées ou d’entreprises bancaires et dans certains comités spécialisés, tels
que les comités de rémunérations et les comités d’audit. Il est en effet légitime que les intérêts des
petits actionnaires comme ceux des fonds de pension ou des investisseurs ne siégeant pas au sein
des conseils d’administration puissent être défendus par des administrateurs qui ne soient pas (a)
engagés dans la gestion quotidienne de l’entreprise ou (b) animés par des intérêts à court terme.

Le mouvement coopératif français, représenté par le Groupement National de la Coopération, partage
les objectifs poursuivis par ces initiatives et souhaite participer activement aux débats sur leur mise en
oeuvre.

Parce que ces mesures ont été initialement envisagées pour une application aux sociétés de capitaux,
mais qu’elles sont susceptibles de s’appliquer indistinctement à toutes les sociétés y compris les
sociétés de personnes, le Groupement National de la Coopération reste très vigilant et
particulièrement attaché à la reconnaissance de son modèle de gouvernance et à la prise en compte
des spécificités des sociétés coopératives notamment bancaires dans la mise en oeuvre de ces
mesures.

Cette prise en compte revêt une importance d’autant plus capitale que leur méconnaissance
conduirait irrémédiablement à une grave perturbation des équilibres de gouvernance des sociétés
coopératives et, dans certains cas, à la remise en cause pure et simple de leurs principes fondateurs,
ce qui ne semble ni souhaité ni souhaitable, personne ne considérant la gouvernance des banques
coopératives comme défaillante.

Dans ce cadre, le Groupement National de la Coopération tient, en particulier, à rappeler
solennellement les raisons qui font des administrateurs de coopératives, des administrateurs
indépendants par nature.

A cet égard, le mouvement coopératif français et européen a toujours considéré que la pleine
indépendance des membres du Conseil d’administration d’entreprises coopératives reposait sur les
principes suivants, déjà mis en exergue à l’occasion des travaux ayant abouti au rapport relatif au
gouvernement d’entreprises des coopératives et des mutuelles1 (le « Rapport ») :
- leur mode d’élection démocratique,
- le statut très généralement bénévole de leur fonction,
- une gouvernance fondée sur l’équilibre des pouvoirs, et
- l’absence d’intérêts communs entre chaque administrateur et un sociétaire déterminé ou un
groupe de sociétaires, les administrateurs de coopératives étant, par construction, les
représentants de l’intérêt collectif des sociétaires (contrairement à d’autres sociétés, cotées ou
non, dans lesquelles certains administrateurs représentent un actionnaire déterminé ou un
groupe d’actionnaires).

Les développements figurant ci-dessous portent uniquement sur l’indépendance des administrateurs
élus dans les banques coopératives qui sont concernées au premier chef par les initiatives en cours.

1. Un mode d’élection démocratique

1.1 Des conseils à l’écoute de leur territoire, élus par et composés exclusivement de sociétaires

Contrairement aux sociétés de capitaux, dans lesquelles prévaut le principe de proportionnalité des
droits de vote par rapport à la détention du capital, le droit de vote dans les sociétés coopératives est
organisé selon le principe démocratique et légal : « une personne, une voix » [1].

Ainsi, chaque sociétaire de banque coopérative, quelle que soit la quote-part de capital qu’il détient, a
droit à une voix en assemblée générale [2].

Cette démocratie représentative demeure très vivante et constitue le socle du
fonctionnement coopératif.

Les banques coopératives réunissent chaque année leurs sociétaires en assemblées
générales pour, notamment, procéder au remplacement des administrateurs
sortants.

Environ 20,5 millions de sociétaires [3] sont ainsi convoqués chaque année, au sein de
5000 assemblées générales environ, qui se tiennent au niveau local [4] et régional.

Du fait de leur mode d’élection exclusivement parmi les sociétaires, les administrateurs sont issus et
représentatifs de la diversité des territoires et des secteurs au sein desquels les banques coopératives
sont implantées.
Selon le Rapport précité, « la légitimité et le contrôle d’un dirigeant mutualiste, donc son
indépendance, tiennent bien au mandat qu’il exerce par le biais de son élection. ».

1.2 Le contrôle des administrateurs résulte de leur mode d’élection

Le principe de responsabilité des administrateurs de banques coopératives devant les sociétaires
résulte de leur mode d’élection.

Après les assemblées générales qui se tiennent chaque année au 1er semestre et qui procèdent au
renouvellement du mandat des administrateurs et au remplacement des administrateurs sortants, ces
derniers élisent chaque année leurs présidents.

La fréquence du renouvellement de leur mandat et leur mode d’élection, selon le principe de
démocratie représentative, permet aux sociétaires de s’assurer de la convergence entre les intérêts
que leurs administrateurs et présidents défendent et l’intérêt collectif des sociétaires.

Par conséquent, le mandat des présidents de banques coopératives est en général remis en jeu soit
chaque année soit tous les trois ans [5].

2. Des administrateurs en très grande majorité bénévoles et fortement impliqués
dans la gouvernance des banques coopératives

A l’exception du président, les administrateurs de banques coopératives exercent leurs fonctions
bénévolement dans leur très grande majorité.

Pour autant, les administrateurs sont fortement impliqués dans la gouvernance des banques
coopératives puisqu’ils sont régulièrement consultés pour toute décision importante et se retrouvent
régulièrement dans le cadre des séances du Conseil d’administration et d’autres réunions (comités
et/ou commissions spécialisées, bureau du Conseil, groupes de travail) [6].

3. Une gouvernance fondée sur l’équilibre des pouvoirs

La gouvernance des banques coopératives renferme intrinsèquement une caractéristique qui vient
garantir un équilibre des pouvoirs sans équivalent et donc un haut niveau de sécurité : la règle et la
pratique mutualiste du « double regard ».

La gouvernance des banques coopératives s’articule de longue date autour d’un équilibre entre, d’une
part, le conseil d’administration et son président et, d’autre part, le directeur général.

La règle - et notre pratique – mutualiste du « double regard », associant un président élu à un
directeur général exécutif nous a conduit, bien avant la loi bancaire imposant à l’ensemble des
banques deux dirigeants responsables (règle dite des « quatre yeux ») et la loi relative aux nouvelles
régulations économiques, à dissocier dans les banques coopératives (a) les fonctions de définition
des orientations stratégiques et de contrôle de leur mise en oeuvre, qui incombent au conseil
d’administration et à son président, (b) des responsabilités opérationnelles exercées par la direction
générale [7].

4. Des administrateurs indépendants de tout actionnaire ou groupe d’actionnaires,
qui sont les garants de l’intérêt collectif des sociétaires

Les administrateurs de banques coopératives ne sont pas, comme dans les sociétés de capitaux, les
représentants d’un actionnaire déterminé ou d’un groupe d’actionnaires, dans la mesure où ils sont
élus par la collectivité des sociétaires lors de leur assemblée générale, selon le principe légal « une
personne - une voix ».

En qualité de clients-sociétaires (ou associés-coopérateurs), les administrateurs ont tous une relation
bancaire avec leur banque coopérative dans la mesure où la qualité de coopérateur est une condition préalable de la souscription au capital. Ils ont tous, par ailleurs, un intérêt commun à ce que leur
banque coopérative soit bien gérée afin que les services rendus soient pérennes et de qualité.

Du fait de leur qualité de sociétaires et de leur mode de désignation démocratique, les administrateurs
de banques coopératives sont, par construction, les représentants et les garants de l’intérêt collectif
des sociétaires et à l’écoute de leurs besoins et de leurs projets [8].

La logique de gouvernement d’entreprise est radicalement différente dans certaines sociétés cotées
où la présence d’administrateurs indépendants peut avoir pour objet de protéger les intérêts
économiques des investisseurs (tels que des fonds de pension) au regard de ceux de la direction.

De surcroît, les administrateurs de banques coopératives présentent un profil socio-géographique très
varié, sans équivalent dans les conseils de certaines sociétés cotées. Ils ne peuvent pas être
simultanément administrateurs dans plusieurs banques régionales d’un groupe bancaire coopératif.

En conséquence, le Groupement National de la Coopération est convaincu que les réflexions récentes
visant à une transparence accrue et à une amélioration des règles de gouvernance des sociétés de
capitaux cotées, rejoignent, par bien des aspects, ce que les banques coopératives appliquent depuis
bien longtemps.

Enfin, le Groupement National de la Coopération rappelle que la pleine indépendance des
administrateurs élus des banques coopératives est notamment consacrée par leur mode d’élection, le
statut très généralement bénévole de leur fonction et par l’organisation même des banques
coopératives.

Le Groupement National de la Coopération (GNC) est l’organisation représentative du
mouvement coopératif français. Ses membres sont les fédérations nationales des secteurs
coopératifs : agriculture, banque, commerce, consommateurs, logement, artisanat,
production, pêche, transport, et éducation. Il y a en France 21 000 entreprises coopératives
qui emploient plus de 900 000 salariés et associent plusieurs dizaines de millions de
sociétaires.

[1Etant précisé que des règles de plafonnement des droits de vote s’appliquent au sein des Banques Populaires.

[2En ce qui concerne le cas particulier des Banques Populaires, aucun sociétaire ne peut disposer en assemblée
générale, par lui-même ou par l’intermédiaire d’un mandataire, plus de 0,25% du nombre total de droits de vote
attachés aux parts sociales, au titre des droits de vote attachés aux parts sociales qu’il détient directement et/ou
indirectement et aux pouvoirs qui lui sont donnés.

[3Plus de 6 millions de sociétaires pour le Crédit Agricole, 7,2 millions pour le Crédit Mutuel, 3,8 millions pour les
Caisses d’Epargne, 30 000 pour le Crédit Coopératif et 3,46 millions pour les Banques Populaires.

[4Environ 2560 caisses locales pour le Crédit Agricole, près de 2000 pour le Crédit Mutuel et 288 sociétés locales
d’épargne pour le groupe Caisses d’Epargne, les 84 sociétés de caution mutuelle du groupe Banques Populaires
et 23 pour le Crédit coopératif et, par conséquent, autant d’assemblées générales annuelles à tenir à l’échelon
local ou régional de chacun de ces groupes bancaires coopératifs.

[5Le mandat des présidents est en effet remis en jeu tous les ans au Crédit Agricole et tous les 3 ans au sein des
Banques Populaires et du Crédit Coopératif. Dans les Caisses d’Epargne, la durée du mandat des Présidents est
de 6 ans.

[6Selon le Rapport précité, « les administrateurs de coopératives et de mutuelles s’engagent par conviction et
non pas par intérêt financier. Ils mobilisent une part importante de leur temps et de leur énergie dans leur
responsabilité d’administrateur ».

[7A noter le cas particulier des Caisses d’Epargne dans lesquelles il n’existe pas de Conseil d’administration mais
un Conseil de surveillance et un Directoire. Les deux dirigeants responsables sont le Président du Directoire et le
membre du Directoire en charge des finances. Le Conseil de surveillance est nommé « Conseil d’orientation et de
surveillance ». Ce Conseil exerce le contrôle permanent de la gestion du Directoire et arrête les orientations de
la société.

[8Le Rapport rappelle d’ailleurs que, dans les entreprises coopératives, « le contrôle est garanti par l’organisation
elle-même dans la mesure où sa finalité est de servir les intérêts de ses membres » de sorte qu’il « n’y a (…)
aucune logique à garantir, voire à protéger, des intérêts extérieurs à l’entreprise ».

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