Coup d’épée dans l’eau pour le projet de loi voté à l’Assemblée

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Coup d'épée dans l'eau pour le projet de loi voté à l'Assemblée

Malgré d’importants signaux d’alerte -réchauffement du climat, pénuries d’eau récurrentes en période estivale, pollutions toujours plus nombreuses par les nitrates et les pesticides- nos députés viennent de voter un projet de loi sur l’eau incohérent et inadapté aux principaux enjeux que sont l’environnement et la santé humaine. Ce texte ne permettra pas à la France d’atteindre les objectifs fixés par la Directive Cadre sur l’Eau (DCE) du 23 octobre 2000 qui impose aux états membres de parvenir au bon état écologique des eaux d’ici 2015. Si la France ne satisfait pas à ses obligations, elle sera condamnée par Bruxelles à de lourdes amendes.

C’est pourquoi, le WWF condamne :

L’absence d’application du principe pollueur payeur, pourtant inscrit dans notre charte de l’environnement
Alors que les particuliers consomment 24 % de la ressource en eau et génèrent 20 % de la pollution par les nitrates et 10 % de la pollution par les pesticides, ils contribuent à hauteur de 89 % aux recettes des agences de l’eau, par la redevance pollution. A l’inverse, l’agriculture intensive consommatrice de 70 % de la ressource en eau et à l’origine de 74 % de la pollution par les nitrates et de 90 % par les pesticides, contribue à hauteur de 1 % aux recettes des agences ! Le projet de loi ne prévoit une contribution de l’agriculture qu’à hauteur de 4 % !

Une politique de dépenses inefficace et instrumentalisée par les lobbies
Malgré les sommes dépensées par les agences de l’eau - 26,87 milliards d’euros depuis 1992 – qui profitent en majeure partie aux grandes multinationales de l’eau (Véolia Water, Suez, Saur)- la qualité d’eau se dégrade de jour en jour et le consommateur trinque. Depuis 15 ans, le prix de l’eau ne cesse de croître : +11%/an en moyenne entre 1991 et 1994 ; +6%/an entre 1995 et 1996 ; + 2,5% en moyenne entre 1997 et 1999.
L’amélioration de la qualité de l’eau passe par une réduction des pollutions à la source et non par des usines de traitement de l’eau clés en main, imposées à nos élus, à coup de millions d’euros acquittés par le citoyen.

Le risque accru de bétonnage et d’assèchement de nos rivières
Le texte assouplit les dispositions relatives aux ouvrages notamment hydroélectriques, et remet en cause les débits minimums à maintenir à leur aval immédiat, nécessaires à la préservation de la vie. Il autorise en période d’étiage des prélèvements plus importants dans le cours d’eau notamment pour les besoins de l’hydroélectricité. Outre de fragiliser un écosystème déjà affaibli, cette nouvelle disposition entraînera une plus forte concentration des polluants.

Le manque de volonté politique d’une meilleure prise en compte des impacts sur la santé humaine
96 % de nos eaux de surfaces (contre 80 % en 2002 ) et 61 % de nos nappes phréatiques (contre 57 % en 2002) sont contaminées par les pesticides[1]. Le plus souvent peu traités dans les stations pour eau potable, ces pesticides se retrouvent en faible concentration dans l’eau du robinet. Or, des études épidémiologiques révèlent qu’une exposition prolongée à certains pesticides peut causer l’apparition de cancers et être responsable de malformations congénitales, d’infertilité et d’immunodéficiences.

Seule une forte taxation de l’utilisation des pesticides et des engrais chimiques de synthèse et l’octroi d’aides aux bonnes pratiques agricoles - en particulier l’agriculture biologique - peuvent contribuer au respect de l’environnement.

Serge Orru, directeur général du WWF-France, s’étonne : « Pourquoi nos dirigeants ont raté une opportunité de voter une loi forte et citoyenne à la hauteur des enjeux ? Quel regard portent-ils sur l’avenir de nos enfants, quel patrimoine comptent-ils leur laisser ? L’eau est un bien commun que nous partageons tous ».

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