« Apprendre dans le travail », une autre voie pour se qualifier Regards croisés Argentine / France / Maroc / Sénégal

Publié le

« Apprendre dans le travail », une autre voie pour se qualifier Regards croisés Argentine / France / Maroc / Sénégal

Bon nombre de jeunes quittent le système éducatif sans qualification. Pour la plupart d’entre eux, souvent issus de milieux défavorisés ou des zones périphériques urbaines ou rurales, l’accès à l’appareil formel de formation ne va pas de soi. « Apprendre dans le travail » représente alors une alternative. À partir d’une étude exploratoire réalisée en Argentine, en France, au Maroc et au Sénégal dans le secteur du BTP, ce nouveau Céreq Bref s’intéresse aux conditions qui favorisent le développement et la reconnaissance des compétences par le biais des « apprentissages dans le travail ».

- Interaction : maître-mot des « apprentissages dans le travail »

  • Dans tous les pays, les interactions avec d’autres travailleurs sont le premier vecteur des apprentissages dans le travail.
  • En plus de reproduire gestes et procédures, les échanges verbaux jouent un rôle déterminant et la question linguistique s’invite alors. Il est fréquent sur les chantiers que les travailleurs soient d’origines différentes et une nationalité commune ne garantit pas l’unicité de langue.
  • Dans les quatre pays, les apprentissages dans le travail s’organisent le plus souvent par la constitution de binômes jeune/travailleur expérimenté.

- Debriefing, diversifications des tâches : une mise en œuvre hétérogène

  • S’accorder des temps de discussion s’avère nécessaire pour consolider les nouvelles compétences et envisager celles à venir. Ces échanges souvent vus par les entreprises comme improductifs sont pourtant gages d’une meilleure efficacité du jeune. En France, la gestion par les Compagnons du devoir des retours d’expérience est un exemple à suivre.
  • Quel que soit le pays, les apprentissages et leur progression dépendent aussi de la diversité des situations auxquelles le jeune est confronté. Si l’employeur envisage de stabiliser le jeune dans l’emploi, il sera plus enclin à favoriser sa montée en compétences et à élargir son champ d’action. Cependant, trop souvent, les jeunes concernés sont cantonnés à un segment étroit de l’activité, conséquence d’une priorité à la rentabilité immédiate.

- Validation des acquis de l’expérience (VAE) : indispensable mais encore limitée

  • La reconnaissance par la certification des compétences acquises dans le travail demeure un enjeu fondamental dans tous les pays. Si en France et en Argentine une réglementation nationale de la VAE existe, ce n’est pas encore le cas au Maroc ni au Sénégal (en attente des textes d’application des lois prévoyant la mise en place de dispositifs de VAE).
  • En Argentine, les organisations professionnelles paritaires en collaboration avec le ministère du Travail sont habilitées à délivrer des certificats de compétences professionnelles. Moins bien perçus par les familles que les titres professionnels du ministère de l’Education nationale, ils bénéficient toutefois d’une reconnaissance par les entreprises.
  • En France, le dispositif de VAE réformé en 2022 pour son vingtième anniversaire permet de valider tout ou partie des certifications présentes au répertoire national de certification professionnelle (RNCP). Ce dispositif très normé est régulé par France compétences rassemblant l’Etat, les partenaires sociaux et les conseils régionaux.
  • Au Maroc, seules des expérimentations sectorielles existent depuis 2007. Les certificats délivrés sont attachés à un secteur particulier, ce qui limite leur transférabilité. Pour autant, ces premières tentatives ont permis d’initier des référentiels emplois-métiers dans la quasi-totalité des secteurs.
  • Au Sénégal, on en reste à ce jour aussi à des expérimentations. Un programme d’intégration de l’apprentissage en milieu informel dans le système de formation professionnelle a été lancé. Dans les trois secteurs concernés, cet « apprentissage rénové » permet d’obtenir un certificat professionnel de spécialisation.

La faiblesse des dispositifs de validation des acquis de l’expérience provient avant tout de leur manque de notoriété auprès des jeunes et des entreprises. Si au Maroc ou au Sénégal on est en attente de la généralisation d’expérimentations, en France et en Argentine, la sensibilisation des publics cibles, la simplification des procédures et la pérennisation des financements sont les priorités actuelles. La formalisation et la certification des compétences par la VAE demeurent l’objectif commun à tous les pays. En attendant, les auteurs proposent de mettre en place des formes plus souples de reconnaissance limitée éventuellement à une branche professionnelle tout en sécurisant les parcours professionnels des jeunes.

« Apprendre au travail », une autre voie vers la qualification
Regards croisés Agentine / France / Maroc / Sénégal
Anaïs Chatagnon, Christine Fournier, Françoise Kogut-Kubiak, Matteo Sgarzi
Céreq Bref n° 437, 2022, 4p.

Source : En savoir plus ?

Autres articles dans cette rubrique

La relation formation-emploi à l’aune des trajectoires professionnelles

Malgré des décennies d’efforts pour aligner la formation sur les besoins du marché de l’emploi, la relation formation-emploi demeure complexe. Ce numéro de Formation Emploi propose une lecture...

close