Qui veut encore être "soignant.e" ?

Un membre du personnel médical, au sein de l’unité de soins intensifs à l'hôpital Jacques Cartier de Massy, en Essonne, pendant la pandémie de Covid-19. ©Getty - Pascal Bachelet/BSIP/Universal Images Group
Un membre du personnel médical, au sein de l’unité de soins intensifs à l'hôpital Jacques Cartier de Massy, en Essonne, pendant la pandémie de Covid-19. ©Getty - Pascal Bachelet/BSIP/Universal Images Group
Un membre du personnel médical, au sein de l’unité de soins intensifs à l'hôpital Jacques Cartier de Massy, en Essonne, pendant la pandémie de Covid-19. ©Getty - Pascal Bachelet/BSIP/Universal Images Group
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La crise du Covid-19 a mis au jour les tensions qui caractérisent le système de santé français. Manque de personnel, conditions de travail dégradées, reconnaissance… Malgré les mesures prises avec le SÉGUR, les problèmes semblent plus profonds. Est-il encore possible de “sauver” l’hôpital public ?

Avec
  • Zaynab Riet Déléguée générale de la Fédération hospitalière de France (FHF)
  • Charles Jeleff Médecin urgentiste à la Polyclinique Saint-Côme de Compiègne (Oise)
  • Bérengère Araujo Infirmière en réanimation, présidente de l'Union Nationale des Infirmiers en réanimation (UNiRea)

À la veille d’une journée d’action pour la défense de l’Hôpital public et de la santé, et après que, la semaine dernière, le président de la République en visite à l’hôpital de Cherbourg ait annoncé le lancement d’une « mission flash » sur la situation des urgences, comment appréhender l’état d’esprit des personnels médicaux aujourd’hui qui, pour certaines et certaines, quittent leur travail ?

Beaucoup pratiquent comme le critique le président de l’AP/HP Martin Hirsch « la drogue douce de l’intérim », mieux rémunérée et plus souple quant aux horaires de travail ou sont arrêtés pour burn-out.

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D’un autre côté, 15.000 soignantes et soignants ont été suspendu.e.s faute d’être accepté d’être vacciné.e.s.

Pourtant, il n’y a pas de pénuries de candidatures dans les écoles d’infirmières ni pour les aides-soignantes.

Comment expliquer l’ancienneté de cette crise qui semble, malgré de multiples plans dont le dernier était le Ségur de la santé, ne jamais cesser ?

Pour ce débat, Emmanuel Laurentin reçoit Bérengère Araujo, infirmière en réanimation et présidente de l'Union Nationale des Infirmiers en réanimation (UNiRea), Charles Jeleff, médecin urgentiste à la Polyclinique Saint-Côme de Compiègne, dans l'Oise et Zaynab Riet , déléguée générale de la Fédération Hospitalière de France (FHF).

Bérengère Araujo souligne la nécessité de préparer les soignant.es à la réalité et de reconnaître l'"hyper-responsabilité" dont ils font l'objet : "Il y a des gens qui ont encore envie d'être soignants. Le problème c'est qu'ils sont confrontés à une réalité à laquelle ils ne sont pas prêts. Ils arrivent avec des idéaux, des valeurs, des émotions, qui sont mal comprises. Quand ils arrivent dans des milieux de soin, tout ce qu'ils apprennent en théorie n'est pas compatible avec la réalité. (...) Il faut préparer les soignants à la réalité. (...) La rémunération ne suit pas, et il n’y a pas de reconnaissance de ce qu’est le savoir et ce que ça amène au patient. (...) Il faut avoir une vraie politique de vérité, une enquête de terrain, pour voir les gens du soin et leur demander ce qu’il se passe. (...) L’hyper-responsabilité n’est pas reconnue, c’est une maltraitance institutionnelle. Il faut la reconnaître et mettre des solutions en place."

Charles Jeleff revient sur son expérience et note l'importance de revaloriser les métiers du soin, et de mobiliser des expert.es plus proches de la réalité : "Le sens de mon métier est d'avoir l'impression que j'ai été la petite lumière toujours allumée. (...) Il n’y a pas de récompense, pas de valorisation, c’est valable pour les médecins ou les soignants. (...) C’est toujours les mêmes personnes qu’on retrouve dans l’expertise. Il faut que les experts soient plus près de ce qu’il se passe dans la réalité et un peu moins de ce qu’il se passe dans les grandes organisations."

Selon Zaynab Riet, il est primordial d'orienter mieux les patient.es et d'alléger la charge sur l'hôpital :  "Ce que nous connaissons aujourd'hui, nous l'avons connu avant chaque période estivale. (...) Redonner du sens, c'est aussi faire en sorte que les soignants puissent être amenés à exercer les métiers pour lesquels ils ont été formés, et que ces métiers soient en adéquation avec les besoins de santé. (...) Crise après crise de l'hôpital public a inévitablement engendré crise des métiers de la santé. (...) Il ne s'agit pas de trier, mais d'orienter mieux les patients. (...) Il faut alléger la charge sur l’hôpital. (...) Il faut absolument adapter les effectifs."

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