La viande, c’est politique !

Entrecôte. Collection privée. ©Getty
Entrecôte. Collection privée. ©Getty
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Entrecôte, filet, rumsteak, jambon, bavette et compagnie sont au cœur d'une polémique. On se déchire autour de la viande dans les menus des cantines scolaires. Longtemps considérés comme un progrès social, les aliments carnés n'auraient-ils plus la cote ?

La viande à la cantine sur le ring politique

La viande, c’est politique ! Si aujourd’hui tuer le cochon ou célébrer le bœuf couronné sont devenus des festivités assez rares, la dimension politique du bifteck garde toute sa puissance, même si elle a changé de logique.  

Les menus sans viande dans les cantines de Lyon ont déclenché des réactions féroces, au twitt de Gérald Darmanin qui s’indignait face à ce qu’il considère comme une « idéologie scandaleuse » insultant bouchers et agriculteurs, Barbara Pompili, ministre à la transition écologique, a réagi comme ça :  

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"Arrêtons avec les clichés, arrêtons avec les idées reçues, arrêtons aussi avec les combats d'arrière-garde, des débats préhistoriques."

Des clichés qui ont la vie dure et qui commencent bien avant le mythe du steak-frites, décrit par Roland Barthes dans les années 1950, comme le plat de la virilité et de la vitalité dévorantes des Trente Glorieuses.  

Sacrifier la viande au protocole sanitaire, c’est porter atteinte à la santé de l’industrie à travers les circuits de production de la viande mais c’est aussi, selon les mots du ministre de l’Intérieur, priver de viande ceux qui n’auraient pas les moyens d’en consommer chez eux. Dispenser de la viande chaque midi apparaît comme un symbole qui dépasse largement la question des jauges réduites des cantines en temps de Covid. Le « besoin de viande », c’est un débat à rebondissements qui recouvre des dimensions religieuse et politique. Les protestations tentent de pallier, désespérément, une désacralisation de la viande dans notre culture gastronomique. Une désacralisation à plusieurs temps : dans le plus récent c’est la mise à mort de l’animal, rendue invisible, en éloignant les abattoirs des villes, pour mettre toujours plus de distance entre l’acte de tuer pour manger et le mangeur ou la mangeuse, une distance qui a déconnecté le rituel de la pratique.  

Carême versus entrecôte

Aujourd’hui, la médecine et la diététique déconseillent plutôt de manger de la viande à tout prix et chaque jour. Mais en remontant encore le temps, la consommation de viande a remis en cause une autorité politique majeure du Moyen Age et de l’époque moderne : l’Eglise. L’Eglise qui proscrivait la viande en temps de carême, une pénitence qui devait réparer « la convoitise des plaisirs du toucher » et avec elle « la nourriture et la volupté ». La privation de viande est alors bien vite représentée comme la cristallisation de toutes les caractéristiques de la pauvreté et de la faiblesse physique et sociale. Vivre sans viande, c’est vivre mal. C’est d’ailleurs à la lumière de la multiplication des infractions à cette interdiction lors des « jours maigres » que l’on mesure aussi la déchristianisation.  

Aujourd’hui la désacralisation sociale du primat de la viande sur une table digne de ce nom est en cours mais ne se fait pas sans mal. Alors que les inégalités sont en première page des journaux ces derniers temps, la mise à l’agenda politique de ce signe extérieur de pauvreté au sein du service public apparaît difficile à digérer !  

Lien :

  • Manger de la viande, L'Histoire, N°466, décembre 2019. 
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