A quel prix peut-on aider les migrants ?

Des dizaines de tentes ont été posées sur la place du Palais-Royal, devant le Conseil d’Etat et face au musée du Louvre, le 2 décembre 2022, à Paris. ©AFP - JULIE SEBADELHA
Des dizaines de tentes ont été posées sur la place du Palais-Royal, devant le Conseil d’Etat et face au musée du Louvre, le 2 décembre 2022, à Paris. ©AFP - JULIE SEBADELHA
Des dizaines de tentes ont été posées sur la place du Palais-Royal, devant le Conseil d’Etat et face au musée du Louvre, le 2 décembre 2022, à Paris. ©AFP - JULIE SEBADELHA
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Dimanche 18 décembre se tenait la Journée Internationale des Migrants. La question de l’accueil et de la prise en charge des migrants par les Etats est particulièrement prégnante ces dernières semaines notamment depuis le débarquement de l’Ocean Viking à Toulon, le 11 novembre.

Avec
  • Sophie Djigo Philosophe et militante, fondatrice du collectif MIGRACTION 59
  • Didier Leschi Directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII)
  • Louise Guillaumat Directrice adjointe des opérations de SOS Méditerranée

La journée internationale des migrants organisée par les Nations Unies s’est tenue hier, pour rappeler, entre autres, qu’environ 281 millions de personnes sont des migrants internationaux vivant dans un pays autre que leur pays de naissance. La France, comme pays de passage mais aussi comme Finistère européen, est confronté à ces situations de migrations sur la Méditerranée, comme il y a un mois et demi, avec le débat sur l’accueil de l’Ocean Viking entre la France et l’Italie. Mais aussi sur la Manche, traversée par 45 000 personnes depuis les côtes du Pas de Calais.

Qui vient en aide à ces migrants et réfugiés ? L’Etat ? Les collectivités ? Les associations ? Les citoyens ? Et à quel prix cette aide se met-elle en place ?

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Pour en débattre, Emmanuel Laurentin reçoit Sophie Djigo, professeure en classe préparatoire littéraire au lycée Watteau de Valenciennes, chercheuse spécialiste des questions migratoires et fondatrice du collectif citoyen Migraction59 ; Louise Guillaumat, directrice adjointe des opérations de SOS Méditerranée ; Didier Leschi, Directeur général de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII).

Sauvetage, aide au transit et accueil : quels financements ?

"Jusqu’en en 2014, il y avait une flotte européenne de recherche et de sauvetage qui opérait en Méditerranée centrale, au large de la Lybie, là où l’on sait que les passages ont lieu" rappelle Louise Guillaumat. "Cette force, Mare Nostrum, force italienne financée par l’Union Européenne a porté secours jusqu’à plus de 150 000 personnes en une année et soudainement les eaux ont été vidées de toute flotte et c’est pourquoi des organisations telles que la nôtre issues de la société civile se sont déployées. En mer, on fait face à de nombreuses embarcations absolument impropres à la navigation, remplies d’hommes, de femmes, d’enfants, et l’on procède, tel que le droit maritime nous l’enjoint, au secours de ces gens-là dans les plus brefs délais. Par ailleurs, il est scientifiquement prouvé que la présence de navire ONG, qui représente un infime quantité de sauvetages en Méditerranée occidentale, n’a aucun impact sur le nombre de départs. Ça représente un coût, pour un bateau qui fonctionne malheureusement au fioul et qui a été très impacté par le contexte cette année. Mais on essaye par tous le moyens de continuer à être présents parce qu’il y a des besoins en mer, les personnes continuent de se noyer : depuis le début de l’année, on comptabilise officiellement plus de 1 300 morts". La question des financements et des coûts de l’aide aux migrants parsèment le chemin de ceux-ci. Une fois secourus, il faut amener ces personnes en lieu sûr, ce qui est loin d’être évident comme le souligne Didier Leschi au sujet de l’Italie : "la situation italienne est de l’ordre de la schizophrénie, puisque sur les 100 000 passages à peu près, à partir de la Méditerranée centrale, il y a 40 000 personnes qui ont été recueillies par les garde-côtes italiens ou des navires qui sont en liaison avec l’Italie. De plus, la moitié des personnes qui arrivent en Italie ne s’enregistrent pas comme demandeur d’asile en Italie, veulent continuer leur route migratoire vers la France ou l’Allemagne : l’Italie compte 50 000 enregistrements de demandes d’asile par an alors que la France c’est 110 000 à 120 000. L’Ile de France enregistre certaines années plus de demandes d’asile que toute l’Italie, avec en plus des mécanismes en Italie qui sont faits pour que les gens ne restent pas. Parce qu’en terme d’accueil, il faut rappeler aussi qu’une fois que les personnes sont là, il y a une différence entre les pays européens : des pays comme l’Allemagne, à moment donné la Suède et même l’Autriche, avaient des dispositifs d’accueil beaucoup plus élaborés, avenants et efficaces, que des pays de premières entrées".

Il y a donc la question de l’accueil, mais il ne faut pas oublier aussi la problématique du transit et de l’assistance aux migrants coincés aux frontières, insiste Sophie Djigo : "dans le cas de Calais, je tiens à souligner que la difficulté vient des accords du Touquet, et du fait que le business de la frontière, mafieux et très structuré, est créé par un dispositif issu de ces accords qui font que d’une certaine manière l’Angleterre sous-traite à la France la sécurisation de la frontière alors que normalement il faudrait que les gens qui souhaitent demander l’asile en Angleterre puissent aller sur place pour faire leur demande et ensuite l’Angleterre est souveraine pour le leur octroyer ou non. C’est comme cela que ça se passe dans la plupart des Etats-nations. Or là, ils se retrouvent bloqués dans ce transit très long, et c’est cela qui créer les vélléités de passages organisés : il faudrait des voies sûres et légales de passage, comme auparavant, qui permettent aux personnes d’aller faire leur demande sur le territoire britannique".

Le Temps du débat
38 min

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