Une autre vérité qui dérange : les agrocarburants ne sont pas une réponse aux crises climatique et énergétique

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Une autre vérité qui dérange : les agrocarburants ne sont pas une réponse aux crises climatique et énergétique

Les politiques actuelles en matière d’agrocarburants sont présentées en Europe comme la solution aux crises climatiques et énergétiques, alors qu’elles ne résolvent aucun de ces deux problèmes. Pire, elles sont responsables de 30% de l’augmentation du prix des denrées alimentaires et contribuent ainsi à l’émergence d’une autre crise : la crise alimentaire, qui touche durement les populations des pays pauvres.

Dans le rapport « Une autre vérité qui dérange », publié aujourd’hui, Oxfam International affirme que le développement des agrocarburants a déjà plongé plus de 30 millions de personnes dans la pauvreté. « Les politiques relatives aux agrocarburants accélèrent le changement climatique et aggravent la pauvreté et la faim. C’est la demande des pays industriels pour une plus grande consommation d’agrocarburants qui a causé la montée en flèche de la production et est à l’origine de l’inflation des prix de l’alimentation », déclare Jean-Denis Crola, responsable de plaidoyer à Oxfam France – Agir ici.

Les agrocarburants cultivés aujourd’hui ne sont pas une réponse efficace au changement climatique. Au lieu de cela, ils empiètent sur les cultures vivrières et poussent l’agriculture à se développer sur des terres qui constituent d’importants puits à carbone, comme les forêts et les marécages. Oxfam International estime que d’ici à 2020, du fait de l’objectif des 10% d’incorporation d’agrocarburants dans l’essence classique fixé par l’Union européenne (UE), les émissions de carbone résultant du changement d’utilisation des sols pour l’huile de palme pourraient être 70 fois plus importantes que les économies annuelles que l’UE compte tirer du recours aux agrocarburants.

Les agrocarburants ne pourront pas satisfaire les besoins des pays riches en terme de sécurité des approvisionnements en énergie. « Même si les stocks mondiaux de céréales et de sucre étaient entièrement convertis en éthanol demain, cela ne représenterait que 40% de notre consommation d’essence », rappelle Jean-Denis Crola. « Les gouvernements des pays riches ne devraient pas utiliser la question des agrocarburants comme une excuse pour ne pas prendre les décisions urgentes qui s’imposent afin de réduire leur consommation effrénée d’essence et de diesel », ajoute-t-il.

Dans les pays en développement, les agrocarburants peuvent représenter une opportunité en terme d’accès à l’énergie. Au Mali, par exemple, des projets dans le domaine des agrocarburants ont permis de fournir des sources « propres » d’énergie renouvelable au profit de populations pauvres dans les zones rurales. Mais les coûts économiques, sociaux et environnementaux peuvent être élevés et devraient inciter ces pays à agir avec prudence.

Les agrocarburants mettent en péril la sécurité alimentaire. « Si une récolte est plus rentable lorsqu’on la destine aux agrocarburants plutôt qu’à l’alimentation, c’est la production de carburant qui sera privilégiée. Grâce aux généreuses subventions et exonérations fiscales accordées dans les pays industrialisés, c’est exactement ce à quoi l’on assiste : priorité est donnée aux agrocarburants, aux dépens des denrées alimentaires. Conséquences : les réserves en céréales destinées à l’alimentation sont maintenant à leur plus bas niveau », explique Jean-Denis Crola, responsable de plaidoyer à Oxfam France – Agir ici.

Les pays riches soutiennent leurs propres productions d’agrocarburants grâce à la mise en place d’objectifs obligatoires d’incorporation, de subventions, d’exonérations fiscales et tarifaires. « Les pays riches ont dépensé près de 15 milliards de dollars l’an passé pour soutenir les agrocarburants. C’est le montant qu’Oxfam International estime nécessaire pour aider les plus pauvres à surmonter la crise alimentaire », précise Jean-Denis Crola.

« Les agrocarburants devaient être une alternative au pétrole et permettre de progresser vers l’indépendance énergétique dans le domaine des transports. Mais les pays riches se sont contentés de favoriser, à travers leurs politiques, des groupes d’intérêt nationaux. Ils ne font qu’aggraver le changement climatique, contribuent à détourner de la production alimentaire des cultures et des terres disponibles et à détruire les moyens d’existence de millions de personnes », conclut Jean-Denis Crola, responsable de plaidoyer à Oxfam France – Agir ici. « Les pays riches doivent revoir dans l’urgence leurs politiques. La preuve de leur impact négatif est accablante. »

Dans le rapport « Une autre vérité qui dérange », Oxfam International recommande :
- Les pays riches devraient :

  • Instaurer un gel sur tout nouvel objectif en matière d’agrocarburants
  • Réviser de façon urgente les objectifs existants, qui contribuent à aggraver la pauvreté et accélèrent le changement climatique
  • Démanteler les subventions et les exonérations fiscales pour les agrocarburants
  • Réduire les taxes à l’importation sur les agrocarburants

- Les pays en développement devraient :

  • Agir avec la plus grande précaution dans la promotion des agrocarburants en :
    • planifiant sur le long terme,
    • évitant les objectifs démesurés
    • analysant les impacts économiques, environnementaux et sociaux des agrocarburants

- Les entreprises et les investisseurs devraient :

  • S’assurer qu’aucun projet dans le domaine des agrocarburants ne puisse être mené à bien sans le consentement libre, préalable et éclairé des communautés locales
  • Promouvoir l’accès à l’énergie dans les zones isolées

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