Sommes-nous capables de prendre soin des aînés ?

Qu’est-ce qu’être vieux aujourd’hui ? Faut-il changer de regard sur la vieillesse ? ©Getty - BSIP
Qu’est-ce qu’être vieux aujourd’hui ? Faut-il changer de regard sur la vieillesse ? ©Getty - BSIP
Qu’est-ce qu’être vieux aujourd’hui ? Faut-il changer de regard sur la vieillesse ? ©Getty - BSIP
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L’abandon de la loi "grand âge" pourtant promise en 2018 ainsi que la publication, en janvier dernier, de l’ouvrage "Les Fossoyeurs" de Victor Castanet qui met en lumière la maltraitance dans certains Ehpad, amènent à s’interroger sur la façon dont la société considère et prend soin des aînés.

Avec
  • Véronique Fournier Médecin de santé publique et cardiologue, fondatrice du Centre d’éthique clinique de l’hôpital Cochin, ancienne présidente du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie.

La sortie du livre "Les Fossoyeurs" de Victor Castanet a provoqué un scandale auquel chacune et chacun d’entre nous aurait dû être préparé.

La canicule de 2003 et le premier confinement de 2020 avaient déjà entraîné des articles, des entretiens et des débats sur la façon dont nous prenions soin ou pas des personnes âgées. Cette expression a remplacé depuis plusieurs années le qualificatif de "vieux", qui a lui-même laissé la place au terme d’"aînés". Cette question de dénomination masque un certain malaise des plus jeunes dans la façon dont ils envisagent non seulement le présent des plus âgés mais aussi leur propre avenir : un avenir souvent cauchemardé, celui de la dépendance grandissante, qui n’est pourtant pas le destin de tous ni de toutes.

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Pour ce débat, Emmanuel Laurentin reçoit Véronique Fournier, cardiologue et médecin de santé publique, fondatrice du Centre d’éthique clinique de l’hôpital Cochin, présidente jusqu’en 2020 du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, et à l’initiative du CNaV et de l'association La Vie Vieille, Tatiana Gründler, maîtresse de conférence en droit public à l'Université Paris-Nanterre, co-directrice avec Camille Bourdaire-Mignot du séminaire pluridisciplinaire "Touche pas à nos vieux!" et Dominique Gerbi, directrice pour la Fondation Partage et Vie de l’Ehpad "Les Vergers" à Noyarey et de la résidence autonomie "Les Saulnes" à Seyssinet-Pariset (Isère), et ayant participé à l’ouvrage "Vie bonne et grand âge".

Véronique Fournier met en lumière l'idée qu'on ne devrait rien faire "pour les vieux, sans les vieux" : "Ce que nous demandons aujourd’hui, c’est que les politiques publiques qui nous concernent soient élaborées avec nous, et qu’on arrête de fabriquer des modèles de prise en charge de personnes âgées sans leur demander leur avis. Nous voulons construire une société qui nous ressemble. (...) La politique du logement, la politique du transport, la politique de la ville, la politique de l’éducation devraient tenir compte de ce que peuvent apporter les vieux à la société et de ce qu’ils sont en droit d’attendre d’elle." .

Tatiana Gründler rejoint l'ex-présidente du Centre national des soins palliatifs et de la fin de la vie, et insiste sur la nécessité d'une transformation profonde du système : "Il faut changer profondément la société. Il faut transformer le modèle économique fondé sur la rentabilité, la performance, l’efficacité : là, on est structurellement exclusifs des âgés. Si on pense différemment le modèle de société en promouvant d’autres valeurs, les personnes âgées ont toute leur place : la solidarité, la transmission, l’intergénérationnel, tout ce qui fait la richesse d’une vie. Ce n’est pas pour avoir une utilité mais pour avoir une place pleine et entière." .

Lorsque la question des Ephad est abordée, Dominique Gerbi, présidente d'un Ephad et d'une résidence autonomie, insiste elle aussi sur l'importance d'un changement, notamment en ce qui concerne l'accompagnement : "Il faut réfléchir à une mutation possible. On parle beaucoup d'Ephad hors les murs, avec des équipes qui interviendraient à domicile. Il faut réfléchir à l’accompagnement humain de ces personnes, et de leurs aidants. La valorisation financière me paraît importante, mais il me semble également primordial qu’il y ait une valorisation au niveau des diplômes. Par exemple les aides-soignantes n’apprennent pas la notion de soin relationnel, c’est pourtant nécessaire pour l’accompagnement. ".

Bibliographie :

  • Véronique Fournier, "Puisqu'il faut bien mourir : histoires de vie, histoires de mort : itinéraire d'une réflexion", La Découverte, 2015
  • Dir. Roger-Pol Droit et Claude Jeandel, "Vie bonne et grand âge", PUF, 2021

Evénement :

La prochaine conférence du cycle "Touche pas à nos vieux !" se tiendra le mercredi 23 mars 2022 de 17h à 19h, à l’Université Paris Nanterre, avec deux invités pour un regard croisé sur "Que signifie être citoyen quand on est vieux ?". Avec Elisa Chelle, politologue, et Dominique Argoud, sociologue. Entrée libre.

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