Réforme des retraites : quels effets sur les inégalités femmes/hommes ?

Le collectif des Rosies manifeste contre la réforme des retraites, le 7 février 2023 ©Maxppp
Le collectif des Rosies manifeste contre la réforme des retraites, le 7 février 2023 ©Maxppp
Le collectif des Rosies manifeste contre la réforme des retraites, le 7 février 2023 ©Maxppp
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Le 6 février a commencé l’examen de la réforme des retraites à l’Assemblée Nationale. Alors qu’Elisabeth Borne défend une réforme qui réduirait les inégalités femmes/hommes, des voix dissonantes se font entendre, tant du côté de l’opposition que de l’exécutif : qu’en-est-il vraiment ?

Avec
  • Sophie Binet Secrétaire générale de la CGT
  • Bertrand Martinot Économiste, spécialiste de la question du chômage, des politiques de l’emploi et du dialogue social
  • Mathilde Guergoat-Larivière Professeure d’économie, membre du Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé) et chercheuse au Centre d'études de l'emploi et du travail.

Dans la masse des chiffres et des faits que brassent depuis des semaines les partisans et les opposants de la réforme en cours, la question des conséquences qu’elle pourrait avoir sur les femmes aux carrières hachées est une des plus sensibles.

Car la France se distingue par un taux d’emploi des femmes particulièrement bas, tandis, que comme partout, elles subissent par surcroît les inégalités de carrière et de salaires.

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Tandis que le gouvernement défend une réforme qui, selon lui, améliorera sur certains points le sort des femmes à la retraite, les oppositions soulignent combien elle est éloignée du souhait d’Emmanuel Macron qui défendait en 2019 un mode de calcul plus favorable aux femmes.

Pour en débattre, Emmanuel Laurentin reçoit Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT des cadres et techniciens (UGICT-CGgt), à la tête du collectif Femmes-Mixité au sein de la confédération et membre du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes ; Bertrand Martinot, économiste, Senior Fellow à l'Institut Montaigne ; Mathilde Guergoat-Larivière, professeure d’économie, membre du Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé) et chercheuse au Centre d'études de l'emploi et du travail.

Pour Mathilde Guergoat-Larivière, « la retraite reflète l’ensemble des inégalités de carrière entre hommes et femmes », et le gouvernement « passe sous silence certains effets de la réforme qui vont être particulièrement défavorables à un grand nombre de femmes » : des trimestres accordés pour la naissance et l’éducation des enfants ne permettant pas aux femmes de partir avant 64 ans, des dispositifs de compensation pour les congés parentaux trop limités pour être efficaces et la prise en compte de la pénibilité plutôt « pensée pour des métiers masculins ». Elle regrette que l’exécutif « mobilise des éléments de langage qui sont en partie faux », comme au sujet des petites pensions relevées de 100 euros par mois, ce qui ne concernera que les carrières complètes, et donc très peu de femmes.

« Le sujet n’est pas tant le problème du système de retraite qui serait défavorable aux femmes » modère Bertrand Martinot, « c’est ce qui se passe dans la quarantaine d’années qui précède la retraite ». Pour lui, dans un contexte de dégradation des finances publiques, « on demande seulement des sacrifices à tout le monde, et aux femmes un peu plus qu’aux hommes ». Il bat en brèche les arguments de l’opposition : « tous les salariés ne sont pas cassés et incapables de travailler à 60 ans, il y a même des salariés qui se lèvent le matin et qui aiment travailler ». Pour lui, il faut surtout aménager le travail des seniors : « pour les métiers pénibles, l’aberration ce n’est pas que les gens partent plus tard à la retraite, c’est qu’il y a des gens à 63 ans qui font des métiers qui ne sont plus adaptés à eux ».

« La retraite est le miroir grossissant des inégalités professionnelles » explique Sophie Binet, « toute réforme qui consiste à allonger la durée de cotisation et à reporter l’âge de départ en retraite touche particulièrement les femmes parce qu’elles ont déjà le moins de périodes cotisées » : elles sont 40% à partir à la retraite sans avoir validé toutes leurs annuités. Elle identifie deux pistes qui permettraient à la fois de traiter le sujet des inégalités de genre face à la retraite et de répondre au besoin de financement du système : la réduction des 28% d’écart de salaire entre femmes et hommes, et la hausse du taux d’emploi des femmes. « Ce n’est pas vrai qu’on demande des efforts à tout le monde » s’indigne-t-elle, « depuis 30 ans, toutes les réformes des retraites ont mis à contribution les salariés […], et le patronat s’en sort toujours, avec une baisse continue des cotisations et des impôts de production ».

Le Billet politique
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