Quel sens les jeunes donnent-ils au travail ? : épisode • 3/4 du podcast Concilier vie personnelle et travail

Le rapport au travail des jeunes ©Getty
Le rapport au travail des jeunes ©Getty
Le rapport au travail des jeunes ©Getty
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Semaine spéciale sur France Inter : les retraites, parlons-en ! Et ce matin quels sens les jeunes donnent-ils au travail ? La crise sanitaire a collectivement et profondément modifié notre rapport au travail et la jeunesse en est le témoin privilégié.

Une génération qui n’a pas les mêmes envies, les mêmes aspirations, que celles de leurs aînés… Une génération née dans les années 1990 et 2000 qui cherche un sens à son travail, quitte parfois à être moins bien payée et à la condition expresse que vie professionnelle et vie personnelle soit équilibrée.

Car pour les jeunes, le boulot doit être un vecteur de bien-être et de réalisation de soi. Les diplômés du supérieur ne veulent plus exercer de "bullshit jobs", ces jobs à la con dénués de sens, dénoncés par l’anthropologue britannique David Graeber.

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En revanche les jeunes qui exercent des métiers physiques difficiles, mal payés et souvent indispensables, ne font pas toujours de la question du sens une priorité, tant la nécessité de payer ses études, son loyer, remplir son frigo priment sur tout le reste…

On s’intéressera également au métiers de demain, riche de sens et à ces jeunes qui se tournent vers des métiers manuels, dans le domaine de l’artisanat. Nous entendrons en fin d’émission une ancienne diplômée d’école de commerce devenue ébéniste…

Déjà, trouver un travail

Au départ, il y a quand même la forte inquiétude de parvenir à trouver une formation via Parcoursup puis un travail chez les jeunes, comme l'explique Aïda N'Diaye, professeure agrégée de philosophie : "Il y a quand même cette angoisse, je trouve, qui persiste d'avoir une formation et aussi d'avoir un métier rémunérateur, de quand même gagner de l'argent, de gagner sa vie. C'est quand même le sens premier de l'emploi et du travail, et c'est la réalité pour la majorité des élèves et des gens. Et donc la question du sens, elle ne s'articule pas nécessairement à 17 ans très bien avec cette nécessité-là."

Relativisation de la place du travail

Selon l'Insee, pour la grande majorité des Français, le travail est l'une des composantes essentielles de l'identité. Selon Jérémie Peltier, directeur de la Fondation Jean-Jaurès, cela était surtout le cas avant la crise sanitaire. Il explique : "Ça reste vrai en effet pour une majorité de la population. Mais on le voit, c'était vrai déjà avant la crise et la crise a accéléré le phénomène de relativisation de la place du travail dans la vie des individus. Globalement, ce qu'on voit, en tout cas dans les enquêtes et à travers un certain nombre de phénomènes comme la grande démission, la démission silencieuse, c'est que le travail, malgré tout, a perdu sa place centrale, la dimension centrale dans la société."

En effet, selon une étude de l'Ifop, à la fin du deuxième confinement en novembre 2020, 58 % des salariés affirmaient que la crise sanitaire avait changé leur rapport au travail. Et ce phénomène est encore plus fort chez les 18-34 ans.

Pour Julien Vidal, auteur de Mon métier aura du sens , éditions Vuibert, les jeunes subiraient aussi un manque de reconnaissance dans leur travail : "Vous avez une grande majorité d'actifs, une grande majorité de jeunes qui disent faire beaucoup plus que ce que stipule leur contrat de travail ou que ce que demande de faire leur patron. Le problème, c'est que leur patron ne le remarque pas et que leur entreprise ne le remarque pas. C'est pour ça aussi qu'il y a ce débat sur le besoin de rééquilibrage vie personnelle et vie professionnelle. Ce besoin de prise de distance par rapport à son travail. Parce que je crois que le mal un peu profond, c'est le déficit de reconnaissance, notamment dans une société par ailleurs qui vous rendrait très dépendant à la reconnaissance, très dépendant à l'évaluation, aux likes, aux commentaires. Et je pense que c'est important aussi d'avoir en fond de décor, cette dépendance à la reconnaissance dans la société parce que le travail, par définition, est impacté aussi par ça."

Jérémie Peltier explique aussi que ce nouveau rapport au travail a aussi pour origine la crise financière de 2008 : "Une partie de ces jeunes-là, qui avaient des parents qui se sont fait dégager sans sommation du jour au lendemain, se sont dit que finalement, le travail n'était plus protecteur. Le travail et l'entreprise auxquels appartenaient nos parents ne vont pas les protéger tout au long de leur vie. Et donc, ce qu'on constate depuis ce moment-là, depuis notamment la crise de 2008, quand on interroge les jeunes qui ont été témoins de ça, c'est finalement ce qu'on pourrait appeler une crise des allégeances. Une crise des allégeances par rapport à leurs patrons, et par rapport à toutes les figures morales, toutes les figures d'autorité, les responsables politiques d'une part, et l'ensemble des corps intermédiaires. Et je pense que quand on parle du nouveau rapport au travail des jeunes, il faut aussi parler de cette crise de la subordination et de cette crise des allégeances qu'on note notamment depuis 2008 et la crise financière."

Une quête de sens dans le travail

Selon Julien Vidal, on constate actuellement une envie chez les jeunes d'avoir un métier qui a du sens : "On n'a pas besoin d'attendre la crise de la cinquantaine qui est devenue la crise de la quarantaine qui est en fait devenue la crise de la trentaine. Maintenant, c'est même presque une crise de la vingtaine qui, à mon avis, est vraiment salutaire. Parce que ça veut dire qu'on va mettre toute cette énergie qu'on a, surtout la jeunesse, au service de causes qui nous sont chères."

Selon un récent sondage OpinionWay publié dans Le Figaro Étudiant, 95 % des jeunes nés dans les années 2000 souhaiteraient une activité qui ait du sens. 40 % estiment cette quête importante et 55 % cette quête prioritaire.

Pour Julien Vidal, cette volonté de mettre le bien-être individuel au cœur de son choix professionnel est vertueuse pour toute la société : "Je fais un métier qui me fait du bien parce que ça a du sens, parce que ça correspond à mes valeurs. J'entraîne aussi – parce que nous sommes des animaux sociaux – les autres en leur permettant de se rendre compte que c'est possible et que ça donne envie."

🎧 Pour en savoir plus, écoutez l'émission...

Nos Invité.e.s

  • David Groison, Directeur des publics +12 ans Bayard Jeunesse Rédacteur en chef de Phosphore
  • Jérémie Peltier, Directeur de la Fondation Jean-Jaurès.
  • Julien Vidal, Créateur de Ça Commence Par Moi, la première communauté d'acteurs éco-citoyens de France. Auteur de Mon métier aura du sens. A paraître le 21 février aux éditions Vuibert.
  • Aida N diaye, Professeure agrégée de philosophie et productrice déléguée de l'émission "Avec philosophie" sur France Culture, autrice de Ai-je vraiment du mérite, illustré par Jochen Gerner, Gallimard Jeunesse, 2022
  • Anne Fleur Gol, ancienne étudiante à HEC Consultante Climat pour Deloitte Sustainability.

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