Quand le salaire ne suffit plus : comment attirer les salariés dans les entreprises ?

7% des chefs d’entreprise se plaignent du manque de personnel ©Getty
7% des chefs d’entreprise se plaignent du manque de personnel ©Getty
7% des chefs d’entreprise se plaignent du manque de personnel ©Getty
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D’après une récente étude de la Dares, la principale difficulté à laquelle les entreprises font face aujourd’hui, est le manque de personnel. Les salaires semblent ne plus suffire pour attirer les travailleurs. Les candidats à l’emploi sont-ils devenus plus exigeants ?

Avec
  • Julien Leclerq Chef d’entreprise, vice-président du Centre des jeunes dirigeants d’entreprise
  • Benoit Serre Vice-président de l'Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH)

Une étude de la Dares, publiée en novembre, liste les principales difficultés auxquelles les entreprises sont confrontées depuis la reprise économique. 27% des chefs d’entreprise se plaignent du manque de personnel. Les problèmes d’approvisionnement n’inquiètent fortement que 17.5% d’entre eux. Comment les employeurs expliquent-ils leur peine à recruter ?

Il semble que les salaires ne suffisent plus pour séduire les travailleurs

43% des chefs d’entreprise estiment que « les candidats sont plus exigeants qu’avant en termes de conditions de travail ». Est-ce un effet des multiples confinements ? Est-il vrai que les salaires ne suffisent plus à attirer les candidats ?

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Séduits par le télétravail, de nombreux employés exigent des entreprises qu’elles offrent cette possibilité à leurs salariés. Les candidats à l’emploi privilégient dorénavant une certaine qualité de vie : pause déjeuner conséquente, flexibilité des horaires etc. Ils fuient les horaires élastiques et cherchent à ne pas travailler le week-end. Comment faire pour recruter des salariés aujourd’hui ? Les entreprises doivent-elles s’adapter et octroyer des avantages aux employés ?

Extraits de l'entretien

Dominique, chef d'entreprise, possède un laboratoire à Toulouse et un autre au Pays basque. Il constate un changement de comportement des jeunes salariés depuis quelques années.

"J'ai du mal à recruter. Je mets entre trois à six mois pour recruter du personnel.

Dernièrement, au Pays basque, j'ai dû faire venir une technicienne de Tunisie parce que je n'arrivais pas à recruter. Je n'en revenais pas, je me suis dit que j'allais ouvrir mon laboratoire à Bayonne et avoir des centaines de CV. Impossible.

Alors actuellement, c'est vrai qu'on est dans cette problématique où les jeunes demandent des salaires aberrants, ne veulent pas faire d'heures sup', ne veulent pas s'impliquer et demandent toujours plus. Ils ne veulent aucune responsabilité, des salaires exorbitants et même quand vous proposez des CDI, ils ne répondent pas aux annonces. Je suis catastrophé parce que je voudrais développer mon activité et je ne peux pas. Je suis bloqué."

Pour un restaurant, Julien Leclercq, quand quelqu'un vous dit, "vous êtes gentil, mais moi, j'ai besoin d'au moins deux soirées par semaine et le samedi, ce n'est pas possible". Est ce que les bras vous en tombent ou est-ce que vous vous dites, il va falloir qu'on tourne avec les emplois du temps?

"J'ai un exemple assez concret à vous donner.

J'ai recruté un chef, en milieu d'entretien, je lui dis: "merci, c'était vachement sympa, j'ai passé un bon entretien". Il me coupe et me dit: "moi aussi, j'ai passé un bon entretien, je vous rappelle

J'étais un peu vexé, quand même, je me suis dit: "qu'est-ce qu'il me dit lui?". Et puis, j'ai réfléchi et je me suis dit il a raison. On est cinq dessus et moi, je n'en ai pas d'autres. Un recruteur en face lui proposait de ne bosser que les midis. Moi, je ne pouvais pas, il fallait absolument qu'il vienne le soir. J'ai réfléchi, je suis rentré chez moi et le lendemain, je l'ai rappelé et je lui ai dit : "écoutez, j'ai besoin de vous le soir, mais en revanche, je peux vous proposer un week-end de trois jours", ce que l'autre ne lui proposait pas. Je l'ai eu comme ça. On essaye d'adapter. Il y a des choses auxquelles on peut répondre positivement et peut-être que si on ne peut pas, on essaie d'être créatif et de proposer autre chose."

À l'approche de la retraite, Franck ne veut plus de CDI

Franck, chef gérant dans la restauration collective depuis 30 ans, explique pourquoi il ne prend plus de CDI.

J'ai décidé de ne plus prendre de CDI, d'avoir la souplesse de pouvoir trouver un emploi qui me convienne. Parce qu'effectivement, en restauration collective, on a des horaires qui sont très compliqués et c'est assez difficile

"Il me reste quatre ans et demi avant la retraite et je vais faire un choix non pas de jeune comme je l'entendais en début d'émission, mais plutôt de personne avisée qui a subi tout un tas de contraintes dans son métier pendant plus de 30 ans et qui aujourd'hui, retrouve exactement les mêmes, sauf dans certaines petites sociétés qui essaient de s'adapter un peu plus. On reste la valeur d'ajustement du système de nourrir des personnes âgées en maison de retraite où c'est surtout dans ce domaine que c'est en tension. En effet tout le monde en restauration active tend vers la restauration scolaire ou éventuellement en entreprise."

Quentin a préféré partir en Suisse

"À titre personnel, j'ai 24 ans et après avoir fait un CAP coiffure, un brevet professionnel de coiffure et un BTS métiers de la coiffure, j'ai souhaité trouver du travail dans la région lyonnaise. Je me suis rendu compte qu'avec mes trois diplômes et six années d'études, je pouvais prétendre à un salaire qui tournait aux alentours des 1800 euros bruts. Mon choix a été assez rapide sur le fait de me dire qu'avec 1800 euros brut, je n'aurais pas la possibilité de construire une famille, d'acheter une maison, de me projeter facilement vers l'avenir. J'entends toutes les conditions de travail améliorées, le télétravail et autres, mais c'est vrai que dans mon métier artisanal, souvent fait par des TPE, une journée de télétravail, c'est compliqué. Mes clients ne vont pas venir se faire couper les cheveux à la maison.

Mon choix a été de partir en Suisse, sur la région de Genève, où j'ai trouvé facilement du travail avec un salaire à peu près trois fois supérieur à ce qu'il m'était proposé en France pour les mêmes postes

J'ai perdu forcément en temps de repos puisque les temps plein sont plus gros en Suisse qu'en France. On perd également une semaine de congés payés, mais on gagne une qualité de vie et la possibilité de se projeter, de faire des projets de famille."

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