Nos ambitions écologiques sont-elles compatibles avec la sécurité alimentaire ?

Comment concilier le verdissement de notre agriculture avec notre souveraineté alimentaire ? ©Maxppp - Christian Watier
Comment concilier le verdissement de notre agriculture avec notre souveraineté alimentaire ? ©Maxppp - Christian Watier
Comment concilier le verdissement de notre agriculture avec notre souveraineté alimentaire ? ©Maxppp - Christian Watier
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La Commission européenne vient d'approuver une série de mesures pour permettre aux agriculteurs européens de produire davantage afin de compenser l’impact de la guerre en Ukraine. Comment peut-on concilier ce désir de souveraineté alimentaire et le verdissement de notre agriculture ?

Avec
  • Nicolas Girod Secrétaire national de la confédération paysanne, en charge du pôle élevage.
  • Cécile Détang-Dessendre Économiste, directrice scientifique adjointe « Agriculture » de Inrae, membre du comité des experts de l'Assemblée Citoyenne sur l’Agriculture (ACA)

Mercredi dernier, le Parlement européen a connu un débat très animé à propos d’une résolution stipulant l’accroissement nécessaire de la production agricole pour assurer la sécurité alimentaire à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union. L’adoption de ce texte faisait suite aux annonces de la Commission autorisant l’exploitation de surfaces dites d’intérêt écologique et après les critiques du ministre de l’agriculture français Julien Denormandie sur le programme  "Farm To Fork", "De la ferme à la fourchette", qui voulait accentuer l’agriculture bio en Europe d’ici 2027. Bref, il semble que la guerre, touchant deux puissances majeures en matière de céréales, d’oléagineux et d’engrais, l’Ukraine et la Russie, a permis un changement de pied sur le verdissement attendu de la politique agricole commune. Quelles sont les raisons de ces changements et leur sous-texte ?

Pour ce débat, Emmanuel Laurentin reçoit Henri Bies-Péré, agriculteur dans le département des Pyrénées-Atlantiques, vice-Président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), Cécile Détang-Dessendre, directrice de recherche en économie à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) et Nicolas Girod, éleveur dans le Jura, porte-parole national de la Confédération paysanne.

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Henri Bies-Péré met en lumière l'intérêt d'une agriculture à la fois productive et respectueuse de l'environnement :  "Dans une situation d'urgence, on se doit de mobiliser toutes les surfaces possibles. (...) Il faut une agriculture à la fois productive et défenseuse de l'environnement. On peut marier les deux. (...) Je ne sais pas ce qu'est l'agriculture productiviste, moi, je connais l'agriculture productive. (...) On est conscients de notre rôle sur la souveraineté alimentaire en France, mais aussi vis-à-vis des pays tiers. Il n'y a pas de volonté hégémonique de produire toujours plus, n'importe comment et à n'importe quel prix. (...) Il faut réorienter Farm to Fork. "

Cécile Détang-Dessendre souligne les différentes solutions sur lesquelles il est nécessaire de se pencher pour aller vers une agriculture plus durable : "L'Afrique du Nord et le Moyen-Orient sont particulièrement touchés par cette crise. (...) L'INRAE est mobilisé pour trouver des solutions pour aller vers une agriculture plus durable (...) On a un ensemble de travaux pour aller vers une agriculture plus respectueuse de l'environnement (...) Je veux être optimiste, je veux croire au Green Deal."

Nicolas Girod questionne la pertinence de l'idée de produire plus, et souligne la nécessité de la mise en place d'une solidarité internationale pour trouver des solutions de long terme : "Faut-il aller vers le "produire plus" ? Y'a-t-il d'autres leviers ? (...) Il faut trouver une solidarité internationale autour de cet accès à l'alimentation. L'enjeu est davantage sur l'accessibilité de ce qu'on produit que sur la hausse recherchée de la production. (...) Farm to Fork est une erreur de long terme. Malgré la violence de la guerre en Ukraine et des conséquences qu'elle aura, le dérèglement climatique sera toujours là après. L'enjeu est de voir comment on est en capacité de produire durablement, pour demain et après-demain. Il y a l'enjeu d'urgence et l'enjeu de moyen et long terme."

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