Lettre ouverte à Messieurs Christophe ITIER, Haut-commissaire à l’ESS et l’Innovation sociale et Jean-Marc BORELLO, missionné auprès de la ministre du Travail sur l’avenir des contrats aidés

Publié le

Lettre ouverte à Messieurs Christophe ITIER, Haut-commissaire à l'ESS et l'Innovation sociale et Jean-Marc BORELLO, missionné auprès de la ministre du Travail sur l'avenir des contrats aidés

Une lettre ouverte rédigée par le CJDES et Ressources Solidaires.

Monsieur le Haut-Commissaire,
Monsieur Borello,

Le CJDES et Ressources Solidaires vous écrivent aujourd’hui pour vous exprimer leur vision des dispositifs "contrats aidés", pour vous faire remonter leurs inquiétudes et pour vous assurer de leur soutien dans vos réflexions respectives sur une feuille de route relative à l’ESS et l’avenir des contrats évoqués.

Nous sommes attachés aux dispositifs d’intervention sociale permettant aux plus éloignés de l’emploi de retrouver un travail et aux personnes aux parcours de vie complexes d’être accompagnées dans la dignité. En effet, nous pensons que le travail n’est pas simplement un ensemble de tâches permettant de réaliser une production ou une prestation. Le travail est bien plus que cela. Et le contrat aidé encore un peu plus à nos yeux.

Lorsque les personnes éloignées de l’emploi sont embauchées grâce à ce dispositif, elles retrouvent un environnement dont elles ont été exclues : communauté de travail, horaires et contraintes à respecter, salaire. En réintégrant un emploi, elles sortent de situations économiques et sociales précaires. Enfin grâce à l’accompagnement dans l’emploi et/ou les formations professionnelles, elles retrouvent du pouvoir d’agir dans leur vie quotidienne et dans leur parcours professionnel.

On peut le regretter, le soutenir ou encore vouloir le dépasser mais force est de constater que l’emploi reste le levier principal de la sociabilisation dans notre société.

Mais ce n’est pas à vous, dirigeant et ancien dirigeant de structures d’action sociale, partenaires des pouvoirs publics sur ces champs, que nous allons l’expliquer, nous sommes convaincus que vous ne l’avez pas oublié.

Pour les organismes accueillant les bénéficiaires des contrats aidés, c’est une ressource humaine essentielle pour développer ou stabiliser certaines activités.

Pourquoi ? Parce que le milieu associatif, et les collectivités territoriales, sont régulièrement sur des missions et activités que l’économique ne peut totalement solvabiliser. Non marchand, pas assez rentable, relevant de services publics ou de services aux publics, le recours à des apports financiers de compensation sont essentiels à leur pérennisation. Dans le milieu associatif, c’est aussi un levier de développement d’activités non rentables au début, qui peuvent le devenir en fin de contrat. Ce levier est très souvent entrepreneurial dans les associations émergentes et innovantes. Il œuvre de l’hybridation de leurs ressources financières, devenue inévitable à leur survie aujourd’hui.

Pour les associations et l’ensemble des autres acteurs qui y ont recours, comme les mutuelles, ne nous y trompons pas, c’est bien de subvention indirecte dont il s’agit. C’est bien d’une béquille économique face à la réduction des subventions publiques dont il s’agit. Les supprimer ou les diminuer conduit à supprimer encore un peu plus le financement public des établissements qui œuvrent pour l’intérêt général. C’est une remise en cause flagrante de leur contribution à cet intérêt général, c’est aussi un manque de reconnaissance par les pouvoirs publics du rôle joué par ces acteurs, en quasi délégation de service public, pour la cohésion sociale et l’emploi.

Justement, cette dernière idée ne peut pas vous laisser insensible, tant votre implication dans le monde associatif est entière et votre volonté de voir grandir une économie plus respectueuse de l’humain est forte. Le 21e siècle doit être social ou ne sera pas, la question ne peut se poser autrement. Et l’économie sociale et solidaire à laquelle les signataires sont attachés, pour laquelle vous avez reçu mandat de la part du Gouvernement Philippe, est le champ idéal, selon nous, pour expérimenter, essaimer, et "polleniser" une économie qui, par essence même, n’a pas pour objet d’inclure, de protéger l’environnement, d’humaniser, de faire société.

Par la découverte d’environnements associatifs, d’entreprises de l’économie sociale et solidaire, avec leurs spécificités démocratiques, collectives et d’utilité sociétale, des personnes ne s’étant jamais investies dans ce milieu le découvrent, y participent. Tous.tes ne deviendront pas militant.es, salarié.es permanent.es, élu.es associatif.ves ou même adhérent.e, mais ils.elles auront compris qu’une autre économie est possible, et qu’ils.elles y ont participé grâce aux pouvoirs publics et ses missions de solidarité.

Pour tout cela, les initiateurs de cette lettre ouverte, le CJDES et Ressources Solidaires, et les premiers signataires souhaitaient apporter leur contribution à vos réflexions. Ils appellent de leurs vœux une consultation forte des acteurs concernés dans le cadre de la mission confiée à Monsieur Borello et à l’intégration de cette réflexion à un travail plus global autour d’un feuille de route pour le renforcement de l’économie sociale et solidaire en France. Et parce que les enjeux sont importants, ils restent à votre disposition pour vous accompagner dans vos réflexions.

— -
Si vous souhaitez également signer cette lettre ouverte, merci de laisser un commentaire incluant vos nom, prénom, positon et adresse email
— -

Premiers signataires
- Anne PFERSDORFF Présidente du CJDES
- Alexandrine MOUNIER, administratrice de Ressources Solidaires, cofondatrice de l’association Les Impliqués, associée de Coopaname, membre Ligue de l’Enseignement 92
- Yaële AFERIAT, Directrice Association Française des Fundraisers
- Marigrine AUFFRAY-MILESY Présidente de l’association Ma Ressourcerie
- François BERNARD co-directeur AliceCoop
- Romain BOIX, Président de la LMDE
- Valentin BOURGEOIS, Délégué Général de la Fédération des Maisons des Lycéens
- Julien BOTTRIAUX, Cofondateur des Beaux Jours, agence d’innovations sociales
- Jean-Philippe BRUN, Président de l’ADESS 95
- Cyrille CHRETIEN, Administrateur de Ressources Solidaires
- Louis COUSIN, membre du CJDES
- Mahel COPPEY, élu de Nantes Métropole en charge de l’ESS
- Chantal CUTAJAR Adjointe au Maire de la Ville et Eurométropole de Strasbourg
- Christine DAMIGUET, présidente de l’alumni Sciences Po ESS et fondatrice de Ticgre
- Yohan DAVID, Conseiller Municipal Délégué Emploi - Insertion -Economie Sociale et Solidaire Mairie de Bordeaux, administrateur du RTES
- Charlotte DEBRAY
- Alain DETOLLE, co-administrateur de Ressources solidaires, de la maison inter-associative de Millevaches, du Fonds de dotation La Solidaire, conseiller municipal de Faux la montagne
- Camille DORIVAL, Déléguée générale Alternatives Economiques
- Céline DURAND, Déléguée générale de la CRESS Pays de la Loire
- Timothée DUVERGER, Maître de conférences associé sur l’IEP de Bordeaux
- Myriam FAIVRE, déléguée générale de la CAE Clara
- Eric FORTI, Président de la CRESS Ile-de-France
- Sadik FODIL, Administrateur Ressources et Solidaires
- Chrystel GIRAUD-DUMAIRE, ancienne Secrétaire générale du CJDES
- Benjamin GUERAUD-PINET, coopérateur de FINACOOP
- Frédéric GUERRIEN, élu, conseiller d’arrondissement Mairie du 20e arrondissement de Paris
- Matthieu HELY, Professeur de sociologie, Université de Versailles Saint Quentin en Yvelines
- Guillaume HOLSTEYN, Président de l’association MyTroc ?
- Samuel JUHEL - Président du REFEDD
- Arnaud LACAN administrateur de Ressources Solidaires et ancien Vice-président du CJDES
- Bruno LASNIER, Coordinateur général du Mouvement pour l’Economie Solidaire
- Marie-Martine LIPS, Présidente du CNCRESS
- Jean-Philippe MILESY, Rencontres Sociales
- François LONGERINAS, administrateur de Ressources solidaires et de l’UR SCOP IdF, membre du bureau de la Régie de quartier de Saint-Denis (93)
- Charles MYARA
- Nadine RICHEZ-BATTESTI Enseignant chercheur, responsable Master ESS : organisation et projet, Aix Marseille Université
- Rudy PIGNOT MALAPERT Consultant Indépendant en Economie Sociale et Solidaire
- Claire PIOT, DG de réseau d’insertion et administratrice du CJDES
- Stéphane PFEIFFER, Militant associatif et Coopératif
- Sébastien SAINT-PASTEUR, Conseiller départemental de la Gironde délégué à l’économie sociale et solidaire et à l’innovation sociale.
- Nicolas SOUVETON DE LA MAZA, Président des mutuelles de France réseau santé
- Hugues VIDOR, Président de l’UDES
- Jérémie WACH-CHASTEL administrateur du CJDES et sociétaire Coopaname
- Scarlett WILSON COURVOISIER, fondatrice du CJDES
- Léa ZASLAVSKY, Trésorière de MakeSense

Tous les commentaires

16-10-2017 par Fabrice PENASSE

Bonjour,

Le Pôle d’Economie Solidaire (Présidente, Karen Benoist), signe cette lettre.

Merci
Cordialement,

Fabrice PENASSE
Directeur

11-10-2017 par orella

Marie France Orella : bénévole à Solidarité Nouvelle face au Chômage (SNC) , conseillère municipale membre du CCAS et du groupe de pilotage de l’agenda 21 communal - Psychologue du travail.

11-10-2017 par Hervé BOMPARD, Association Coopération Justice Réinsertion-ACJR

Bonjour,

C’est tout naturellement que je soutiens votre initiative.
Nous ne passerons pas à côté de la recherche de solutions pérennes pour ces emplois aidés, afin qu’ils ne dépendent plus du caprice du prince à n’importe quel moment, même si "on peut gérer une entreprise sociale avec les moyens du privé".
Les emplois peuvent être considérés comme "aidés", ils ne doivent plus pour autant être considérés comme précaires.
Il conviendrait notamment de regarder du côté de la surexploitation des salarié-e-s dans les entreprises, qui exécutent de plus en plus souvent le travail de deux voire trois personnes. Cette "variable d’ajustement" à outrance que sont devenus les salarié-e-s devrait également être dénoncée.
Enfin, il conviendrait que les dispositifs d’aide soient confiés également aux mairies dans les communes les plus fragiles, selon un principe de mutualisation par bassin d’activités : emploi, formation, accompagnement...
Par exemple, une contribution pourrait aussi être instaurée (à l’instar de la "taxe Chirac" sur le transport aérien) sur les produits cosmétiques. Enfin, une contribution de lutte contre la désertification des territoires pourrait être instaurée sur les grandes surfaces et les surfaces commerciales.
Bien cordialement,
Hervé BOMPARD
Président de l’ACJR

11-10-2017 par Lidwine BERIDOT

Lidwine BERIDOT, Présidente de l’Association Ecole Nouvelle de la Rize (69)

11-10-2017 par Gayral Julie

Merci pour ce travail de synthèse, qui regroupe tous les enjeux posés par l’épineuse question des emplois aidés !
Julie Gayral
salariée de l’ESS et citoyenne concernée, déjà plusieurs fois en contrat aidé...

11-10-2017 par Alexandre TALON

Alexandre TALON, Responsable Administratif et Financier de Pro Bono Lab
alexandre probonolab.org

11-10-2017 par Carole ORCHAMPT

Je signe la pétition (en mon nom)

Autres articles dans cette rubrique

Lettre ouverte à Messieurs Christophe ITIER, Haut-commissaire à l’ESS et l’Innovation sociale et Jean-Marc BORELLO, missionné auprès de la ministre du Travail sur l’avenir des contrats aidés

Une lettre ouverte rédigée par le CJDES et Ressources Solidaires. Monsieur le Haut-Commissaire, Monsieur Borello, Le CJDES et Ressources Solidaires vous écrivent aujourd’hui pour vous exprimer...

close