Coronavirus : le quotidien compliqué des enfants placés et confinés en foyers d'accueil

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Coronavirus : le quotidien compliqué des enfants placés et confinés en foyers d'accueil

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Plus de 300 000 enfants font l’objet d’une mesure de protection en France. (Illustration)
Plus de 300 000 enfants font l’objet d’une mesure de protection en France. (Illustration)
© AFP - KARINE PIERRE

Le confinement met à l'épreuve le respect des droits de l'enfant. En plus de représenter un danger supplémentaire pour les jeunes maltraités, cette situation exceptionnelle complique leur suivi dans les foyers et les familles d'accueil. Les conséquences pourraient être dramatiques.

Le confinement censé nous protéger du Covid-19 en France peut aussi représenter un danger pour certains enfants, avec un risque accru de maltraitances à domicile. La situation favoriserait en effet "un passage à l'acte", souligne Adrien Taquet, secrétaire d’État en charge de la protection de l’enfance.

Interrogé par France Inter, il appelle chacun à redoubler de vigilance pendant cette période, et à composer le 119 si l’on est témoin "même auditif, même dans le doute, de violence sur un enfant." Mais les foyers d'accueil seront-ils prêts ? Le confinement perturbe déjà l'accompagnement d'enfants confiés aux services de l'Aide sociale à l'enfance. C'est ce que dénonce une partie des travailleurs sociaux et des associations. "Les éducateurs sont en sous nombre. Ils nous décrivent des moments de violences de plus en plus difficiles à gérer. Et nous n'en sommes qu'au quatrième jour de confinement", déplore Meriyem Nouri, psychologue et membre de l'association "SOS enfants placés". 

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Des foyers sous tension

Pour Adrien Taquet, la priorité durant la crise sanitaire reste d'assurer l'encadrement des enfants placés en foyers ou familles d'accueil : "D'habitude, ils ne passent pas leur journée dans les foyers. Ils vont à l'école, font du sport_... Il faut s’assurer qu’il y ait une réorganisation de leur temps et qu’il y ait suffisamment d'encadrement." _

Seulement dans certains départements, le manque d'éducateurs commence à peser. "Certains foyers se retrouvent avec moins de 50% des effectifs et on ne va pas attendre la deuxième semaine de confinement pour que les choses bougent. Le temps des enfants n’est pas le temps des adultes", s'énerve Lyes Louffok membre du Conseil national de la protection de l’enfance et de l'association "Sos Enfants Placés". Il ajoute:

La gestion est dramatique en ce qui concerne l'Aide sociale à l'enfance. Au moment où la France traverse une crise majeure, nous ne bénéficions pas de protocole d’urgence.

Le militant rappelle que des milliers d'enfants sont concernés, plus de 300 000 font l’objet d’une mesure de protection selon lui "et c’est 24h/24 et sept jours sur sept." 

Pour répondre à ces besoins, le secrétaire d’État assure qu'une nouvelle organisation est en réflexion : "Nous travaillons avec Jean-Michel Blanquer notamment pour mobiliser d’autres éducateurs aujourd'hui en arrêt de travail forcé comme les professeurs d’EPS. Ils pourraient venir renforcer l’encadrement dans des foyers et proposer des activités sportives et culturelles." 

Il affirme aussi travailler sur les futurs dispositifs mis en place pour garder les enfants des éducateurs. Ces derniers ne peuvent toujours pas se rendre sur leur lieu de travail. Adrien Taquet espère régler le problème d'ici la deuxième semaine de confinement, sans donner de date précise. 

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Et avant toutes réponses politiques, des associations se sont mobilisées pour trouver du personnel. Les Associations Départementales d’Entraide des Personnes Accueillies en Protection de l’Enfance (Adepape) ont notamment lancé un appel national aux bénévoles, rappelle le président de l'Adepape 13, Hamza Bensatem. À ce jour, plus de 2 500 volontaires ont ainsi pu proposer leur aide aux MECS (Maisons d'enfants à caractère social) et soulager un peu des "travailleurs sociaux surmenés".

Confinement et troubles du comportement 

Il faut dire que la tâche est encore plus compliquée pour les éducateurs durant cette période de confinement. La situation augmente la nervosité des uns quand d'autres souffrent déjà de troubles psychologiques. La psychologue Meriyem Nouri assure que cette situation peut réactiver des angoisses : "Cela ne fait qu’augmenter le sentiment d'exclusion. Les enfants sont plus violents mais demandent aussi plus d’affection alors que les éducateurs doivent respecter des mesures barrières. Il y a une ambivalence entre les conseils de sécurité établis et la réalité du terrain." 

Le risque, c’est qu’on retrouve des enfants complètement désorientés avec une recrudescence des fugues.

Ces enfants ne peuvent également plus voir leur famille, les visites étant suspendues pour respecter les consignes sanitaires. "Nous ne pouvons pas prendre le risque que le virus se répande", rappelle Adrien Taquet. Il insiste sur l'importance de faire de la pédagogie : "Expliquer aux enfants et aux parents pourquoi nous sommes contraints, à ce stade, de faire cela. Il faut évidemment continuer à maintenir le lien avec des appels plus réguliers par exemple."

Autre source d'inquiétude, la suspension des soins, notamment psychologiques, que dénonce l'association "Sos Enfants Placés". Le secrétaire d'État confirme avoir eu des retours concernant cette problématique :  "Nous avons identifié cette question. Les soins doivent se poursuivre en particulier quand ils sont liés à un handicap. Même si des IME (Instituts médico-éducatifs) ont fermé, il faut continuer à suivre les enfants. Nous avons repassé la consigne et suivons la situation de près."

2h 00

L'avenir scolaire en question

Le confinement pourrait également perturber l'avenir scolaire des enfants, selon les professionnels du secteur. Pour eux aussi, l'école doit désormais se faire à la maison, ou plutôt au sein du foyer d'accueil. Seulement, certains établissements se retrouvent dépourvus de matériel, d'ordinateurs, voire d'accès à internet. Un problème que reconnait là encore Adrien Taquet : "Nous sommes en contact avec les fabricants d’ordinateurs pour voir si il n'y aurait pas du matériel disponible et nous regardons aussi dans nos stocks". 

En attendant, les enfants ne peuvent pas étudier dans de bonnes conditions. L'enjeu est pourtant crucial appuie Lyes Louffok : "Il faut savoir que 70% des enfants placés sortent du dispositif sans diplôme. Alors là, la classe à la maison dans les MECS (Maisons d'enfants à caractère social), ça va être l'horreur. Il va y avoir une perte de confiance énorme derrière."

"L'après confinement" inquiète tout autant le militant et l'association. Dans quel état seront les éducateurs après avoir été autant sollicités ? "Ils ne se sentent pas assez considérés vis-à-vis de l'opinion publique", remarque Meriyem Nouri pour qui cette crise, ce confinement, ne fait que "révéler encore plus des failles déjà existantes."

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