Le paradoxe de la notion de sobriété énergétique

Production d’énergie éolienne  ©Getty -  zhongguo
Production d’énergie éolienne ©Getty - zhongguo
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Sobriété énergétique : l’expression est devenue courante; Pourtant il lui a fallu parcourir un très long chemin pour s’imposer dans les discours sur l’environnement jusqu’à se trouver inscrite dans l’intitulé d’une loi sur la transition énergétique en 2015.

Dans une tribune publiée par la revue numérique AOC, l'historien François Jarrige confronte l’urgence d’interroger nos modes de consommation au temps long de l'histoire.

Le paradoxe de la notion de sobriété énergétique

Historien des innovations technologiques et de leur impact social, François Jarrige souligne l’ambiguïté des interprétations possibles de cette "sobriété", coincée entre la réduction nécessaire de la consommation et l’impérative recherche de production pour perpétuer une économie boulimique de croissance. Avec la crainte que la "sobriété énergétique" ne vienne rejoindre sur l’étagère de l’obsolescence des oxymores tombés en désuétude comme "développement durable " après une heure de gloire éphémère, signe des hésitations coutumières sur la question comme en témoigne cette déclaration de 2013 de l’ancien ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg à propos du gaz de schiste avant d’en condamner l’exploitation... en 2016 :  

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Telle qu'elle est exploitée ou expérimentée aux Etats-Unis, c'est une technologie polluante, ce que j'ai toujours dit. C'est une position tout à fait personnelle qui n'engage pas le gouvernement, c'est que nous puissions avoir une compagnie publique et nationale exploitant le gaz de schiste. Pour moi, le problème ce n'est pas fracturation hydraulique ou pas, le problème c'est pollution ou pas de pollution.

Existe-t-il un "Graal énergétique" ? 

François Jarrige ne manque pas de faire un détour par le passé sur les traces du doute à travers l’histoire de l’énergie : la recherche d’un "Graal énergétique", inépuisable et gratuit, ou la quête d’un remède technologique au destin du monde, élaboré au XIXe siècle à l’ère des révolutions industrielles successives. Si l’éventualité de l’épuisement du charbon est alors envisagée, on ne s’en inquiète pas, confiant dans un renouvellement périodique et perpétuel de l’innovation technologique, puisque le progrès se conçoit alors comme le chemin inconditionnel vers le bonheur universel. 

Le mot sobriété a longtemps renvoyé exclusivement à la question de la consommation d'alcool, de rigueur pendant les siècles qui nous précèdent, avant de devenir un signe d’arriération dans le rythme nouvellement impulsé au monde par l’invention de technologies productrices d’une puissance toujours plus importante. Mettre un pull quand il fait froid ou augmenter la température produite par son radiateur, une question d’actualité, dans une tribune qui interroge la notion même d’ « énergie renouvelable » en tant que prolongement sans doute chimérique d’une consommation sans limite.
Un combat en cours entre une écologie à la recherche d’énergies alternatives et une autre qui remet en question nos modes de vie. 

par Anaïs Kien  

Pour plus d'informations : Sobriété énergétique, un nouvel oxymore ? par François Jarrige, disponible en ligne sur AOC

L'Invité(e) des Matins
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