Laurent Berger - Christophe Robert : "Ce que nous voulons, c'est peser dans le débat présidentiel"

Christophe Robert et Laurent Berger. ©AFP
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Christophe Robert et Laurent Berger. ©AFP
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Laurent Berger, secrétaire générale de la CFDT et Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre sont les invités du Grand entretien de la matinale.

Avec
  • Laurent Berger Ex- Secrétaire général de la CFDT, auteur de l'essai "Du mépris à la colère" (Seuil)
  • Christophe Robert Délégué général de la Fondation Abbé Pierre

"Nous voulons peser dans cette campagne présidentielle", assure d'emblée Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, qui présente avec le délégué général de la Fondation Abbé Pierre, Christophe Robert, un programme intitulé "Pacte du pouvoir de vivre", 90 propositions sur les salaires, la précarité énergétique, le logement, la santé, les migrations, les jeunes, etc. Il ajoute : "Il va y avoir plein de gens qui vont se succéder pour dire ce qu'ils pensent. On est 60 organisations aujourd'hui qui parlons d'écologie, de justice sociale, de lutte contre les inégalités, de démocratie et ce que nous voulons, c'est peser dans le débat et faire porter nos propositions."

"On veut travailler sur ce qui nous rassemble"

Sur la teneur débat politique aujourd'hui, avec l'omniprésence de thématiques sur l'identité, la sécurité et l'immigration, Christophe Robert ne les trouve "pas la hauteur des enjeux de la société française, de ce qui préoccupe beaucoup de nos concitoyens. Les enjeux identitaires, de sécurité et d'immigration sont des vraies questions importantes, mais il y en a beaucoup d'autres. Vers quoi allons-nous ? Comment préservons-nous les ressources naturelles, on partage les richesses ? Comment on peut vivre de son travail ? Comment on peut se soigner convenablement ? Comment peut se chauffer convenablement? Et de ce point de vue-là, on a le sentiment que beaucoup cherchent à diviser."

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"Nous, on s'est rassemblé à plus de 60 organisations parmi les plus grosses, syndicales, associations de lutte contre l'exclusion, associations environnementales, de jeunesse, éducation populaire", poursuit Christophe Robert. "On a des valeurs communes. On représente des millions de personnes. On a une vision de ce qu'il faudrait faire à partir l'expertise de terrain qu'on confronte aussi avec des chercheurs, avec la connaissance et en disant : on peut faire autrement. On peut un autre modèle de développement économique qui préserve l'emploi, qui partage les richesses et donc, plutôt que de diviser. On veut travailler sur ce qui nous rassemble. On a besoin de ça pour un pays, pour transformer un pays, pour défier les nouveaux défis du monde d'aujourd'hui. Il faut absolument qu'on soit rassemblés. Ça ne viendra pas d'en haut d'un président du haut de l'Elysée. Ça viendra la mobilisation de tous dans le milieu rural, dans les quartiers populaires. Ça viendra de l'engagement de tous."

"Le travail ne paye pas suffisamment"

Les 90 propositions présentées dans ce "Pacte du pouvoir de vivre" ont en majorité une teneur sociale, comme la revalorisation des minimas sociaux, un un minimum garanti d'au moins 50% du niveau de vie médian, ou encore une revalorisation des bas salaires dans les accords de branche. "Le travail ne paye pas suffisamment", dénonce Laurent Berger. 

Notamment pour tous les travailleurs et travailleuses, qui ont été extrêmement exposés pendant cette période et qui n'ont jamais vu la reconnaissance qu'on leur avait promis."

"Je pense à ces travailleurs de l'agroalimentaire, par exemple. Il y a actuellement des mouvements sociaux, des mouvements dans les entreprises parce que il n'y a pas de revalorisation salariale. Ces travailleurs, ils ont été présents, tout comme ceux du déchet, de la propreté et de la sécurité. Donc oui, aujourd'hui, pour un certain nombre de salariés, le partage de la valeur créée dans l'entreprise, il n'est pas également réparti entre le capital et le travail. Donc il y a une logique d'augmentation des salaires à avoir, notamment dans les branches les plus les plus faibles."

Sur la pauvreté

Chistophe Robert : "Si vous avez 1000 euros et que vos coûts du logement ne cessent d'augmenter, que vous ne pouvez pas accéder au logement social, que les coûts de l'énergie ne cessent d'augmenter, il faut regarder, en fait, ce que vous avez en poche : le reste à vivre, une fois que vous avez honoré vos dépenses qui partent dès le premier jour du mois. Et c'est ça, le sentiment décalé entre les gens et les statistiques [économiques qui montrent que le pouvoir d'achat augmente]. Les gens disent qu'il n'augmente pas. Évidemment, si jamais je dois augmenter considérablement mes dépenses d'énergie pour me chauffer, eh bien ça vient bouffer une partie de mon pouvoir d'achat. Et je m'alimente moi bien. Je me soigne moins bien. C'est là où il y a dans ce pacte des mesures d'urgence à prendre dès l'élection. Des mesures de plus long terme aussi parce qu'il faut transformer nos modèles de production sur la voiture électrique, sur l'agroalimentaire.

Il y a des choses d'urgence à faire. Par exemple, le chèque énergie, il faut impérativement le doubler !"

Le débat économique
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"Tant qu'on n'a pas rénové toutes les passoires thermiques, notamment des plus pauvres, qui, en fait, chauffent l'extérieur, il faut les aider. On ne peut pas les laisser comme ça s'enfermer dans une toute petite pièce pendant 4 mois dans l'hiver, parce qu'on n'arrive pas à payer son chauffage. Donc, il y a des mesures de court terme, des mesures de plus long terme, mais des mesures qu'il faut prendre très, très vite, parce que si on n'engage pas la transformation de modèle économique et si on ne partage pas les richesses, très vite, on va dans le mur."

Laurent Berger ajoute : "Il y a malheureusement aujourd'hui plus de neuf millions de personnes en situation de pauvreté. Ces chiffres [stables, selon l'Insee] sont rassurants parce qu'ils peuvent montrer que les mesures que nous avons préconisées les uns et les autres ont fonctionné en partie pendant cette crise covid. Mais _les chiffres macroéconomiques ne montrent pas la réalité concrète__. Nous, ce qu'on essaye de montrer avec ce pacte, c'est qu'à hauteur de femmes et d'hommes, ce dont on parle, ce ne sont pas des chiffres, ce sont des vies, ce sont des parcours. On n'a pas besoin de la misère pour valoir nos idées. On a besoin de se dire quel type de société plus juste et plus égalitaire on veut construire._"

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