La tentation radicale des militants écolos

Une militante d'Extinction Rebellion devant le chantier de comblement des carrières de Meudon ©Radio France - Mathieu Mondoloni
Une militante d'Extinction Rebellion devant le chantier de comblement des carrières de Meudon ©Radio France - Mathieu Mondoloni
Une militante d'Extinction Rebellion devant le chantier de comblement des carrières de Meudon ©Radio France - Mathieu Mondoloni
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Pour eux, manifester pour le climat ou signer de simples pétitions ne suffit plus. Face à l’urgence climatique et à ce qu’ils estiment être une inaction politique, une nouvelle génération de militants écologistes veut passer à des modes d’action plus durs.

9h du matin dans le jardin d’une habitante de Meudon, en région parisienne, une vingtaine de personnes est réunie autour d’un thermos de café : des riverains, mais aussi des militants du mouvement écologiste Extinction Rebellion, également baptisé XR. "On compte sur eux pour nous emmener, nous guider, nous conduire. Ils sont pêchus, alors que nous, on est des vieux maintenant", sourit un habitant de ce quartier.

L’objectif de cette action : dénoncer la bétonisation d’un espace de verdure situé en contrebas de ce quartier. Les militants ont prévu d’envahir le chantier et de s’attacher aux grilles. Parmi eux, Fidelio (c’est un pseudo, ndlr) qui a rejoint Extinction Rebellion il y a quelques mois seulement. Dans ses mains un cadenas, et sur son visage, une certaine appréhension. "C'est la première fois que je vais faire ça", explique le jeune homme de 30 ans. "C'est un ami qui a intégré XR et qui m'a proposé de la rejoindre. Est-ce qu'on ira assez vite dans la bonne direction pour freiner le dérèglement climatique ? Je pense qu'on en est loin, je suis plutôt pessimiste."

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Des tags et des cadenas

Alors que Nikkos, un autre membre d'XR donne les dernières consignes en cas d'interpellation, les militants préparent le matériel nécessaire à l'opération : bombe de peintures, combinaisons blanches, sono... Puis tout le monde se met en route et descend en file indienne dans la forêt, discrètement, le temps d'approcher la cible : le chantier de comblement des carrières de Meudon.

Certains pénètrent immédiatement sur la zone en se faisant la courte échelle pendant que Fidelio et Olga s’enchaînent aux grilles à l’aide d’un cadenas fixé autour de leur cou. Un peu plus loin, d’autres militantes sont, elles, en train de taguer les murs avec le logo d’Extinction Rebellion et des slogans : “Patrimoine naturel saccagé”, “Ecocide en cours”, "Laisse béton".

À l'arrivée des policiers, tout se passe dans le calme. Les identités sont relevées, les militants restent enchaînés pendant que leurs camarades branchent une sono. Après quelques prises de paroles, ils se détachent et quittent les lieux. Pas de garde à vue, pas de verbalisation non plus. Au total, l’opération aura duré un peu plus de trois heures. Les riverains remercient et applaudissent XR.

Vers un durcissement des modes d'action

Ce type d’actions suscite évidemment l’intérêt des services de Renseignements. D’après nos informations, ils travaillent sur ces mouvements et les surveillent avec une vigilance toute particulière ces derniers temps. Ils craignent, notamment après un été de catastrophes climatiques, un durcissement des modes d’action à venir. Un constat partagé par le philosophe et spécialiste des questions écologiques, Dominique Bourg. À 69 ans, il jette un regard inquiet et lucide sur la nouvelle génération. "C'est grave et on ne fait rien. En revanche, l'éco-anxiété, elle, est très forte. Et c'est vraiment un phénomène dominant auprès de la jeunesse aujourd'hui", explique celui qui fait désormais figure de vétéran de la cause environnementale. "Le cocktail est donc détonnant et on peut redouter que l'on passe de la non-violence à une franche violence."

Nago -c’est son pseudo- revendique cette radicalité. Le jeune homme appartient au collectif des Sangliers radicalisés qui a saccagé de nuit un golf dans l’Oise il y a un mois. "On constate aujourd'hui qu'on est mis au pied du mur, que les écosystèmes sont en train d'être ravagés, que le gouvernement durcit la répression. Alors oui, évidemment, on va désormais arrêter de militer à visage découvert et on va se cacher, on va arrêter de demander aux riches de consommer moins d'eau et on va leur faire consommer moins d'eau. Comme on constate qu'être gentils ça ne marche pas, on va devenir de moins en moins gentils", explique-t-il.

Nago n’hésite pas à employer le mot de "guérilla" ou de “guerre”. Une guerre menée dans un contexte d’urgence écologique. Et où la radicalité des militants, dit-il, n’est rien en comparaison de la violence du dérèglement climatique.

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