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La loi sur l'économie sociale provoque la colère des patrons

Benoît Hamon veut encourager les salariés à reprendre des entreprises employant jusqu'à 250 salariés. FRANCOIS BOUCHON

Le texte porté par Benoît Hamon va obliger les dirigeants qui cèdent une PME à informer leurs salariés, deux mois avant la vente, afin qu'ils puissent être candidats à la reprise.

À première vue, le projet de loi sur l'économie sociale et solidaire que présentera Benoît Hamon le 24 juillet en Conseil des ministres part d'un bon sentiment. «Je veux encourager l'emploi», assurele ministre, inquiet de voir des milliers de PME en bonne santé chaque année rayées de la carte faute de repreneurs. Un problème qui risque d'ailleurs de s'aggraver avec le départ prochain en retraite de patrons baby boomers. Dans la seule région Ile-de-France, 266.300 entreprises de moins de 50 salariés seront ainsi concernées par un changement de dirigeant à court ou moyen terme.

Mais une disposition du projet de loi, passée inaperçue, inquiète aujourd'hui les professionnels du marché de la reprise d'entreprises et révulse les patrons. Benoît Hamon veut encourager les salariés à reprendre des entreprises employant jusqu'à 250 salariés en leur donnant le temps d'être candidats au rachat. Bref de développer des coopératives détenues par les salariés, les fameuses scop qui plaisent tant à la gauche. Le texte en examen au Conseil d'État et que Le Figaro s'est procuré instaure en effet noir sur blanc «un délai d'information préalable pour les salariés avant tout projet de cession».

Une efficacité contestée

La nouveauté concerne en fait les patrons des entreprises de moins de 50 salariés qui n'étaient jusqu'alors pas obligés d'informer leurs salariés (contrairement à ceux de plus de 50 qui devaient prévenir leur comité d'entreprise) de leur projet. Si le texte reste en l'état, ils devront donc à l'avenir informer leurs collaborateurs deux mois «avant tout projet de cession». S'ils ne le font pas et qu'un salarié porte l'affaire devant le tribunal de commerce, ils courront le risque de voir la vente… annulée. Ce droit à l'information ne sera pas obligatoire si la cession intervient au sein de la famille et le cédant restera, quoi qu'il en soit, libre de son choix. «Cela va permettre d'anticiper les transmissions et rendre normale la possibilité d'une reprise par les salariés qui est souvent négligée», se félicite Patricia Lexcellent, la déléguée générale de la Confédération générale des scop.

Ce projet de loi peut avoir des effets très négatifs. Il ajoute de la complexité administrative alors que la transmission est déjà un moment compliqué

Pierre Burban, secrétaire général de l'UPA

Et elle est bien la seule. Les organisations patronales et les professionnels de la transmission sont vent debout contre cette mesure «totalement irréaliste et qui méconnaît la vie des entreprises artisanales», dixit François Moutot, le directeur général de l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat. «Ce projet de loi peut avoir des effets très négatifs, abonde Pierre Burban, le secrétaire général de l'UPA qui défend 1,2 million d'artisans et de commerçants. Il ajoute de la complexité administrative alors que la transmission est déjà un moment compliqué.»

Et ce d'autant que les modalités d'application sont encore floues. «Le texte ne précise pas à quelle date le dirigeant doit informer les salariés de son intention de céder son entreprise», observe Malik Douaoui, avocat associé au sein du cabinet Taj. Pis, des banquiers redoutent que cette mesure déstabilise la pérennité des sociétés. «Le chef d'entreprise doit être libre de signer un compromis de vente sans que la vente ne soit mise sur la place publique», martèle François Moutot.

Et pour cause! «Les salariés ne vont pas garder longtemps le secret quand ils apprendront que leur ­entreprise est à vendre, jure un spécialiste de la transmission. Les fournisseurs et les clients vont alors très vite le savoir, et les banques attendront le repreneur pour accorder des financements.» Beaucoup de professionnels sont de plus sceptiques sur l'efficacité du dispositif. «Un patron n'a pas besoin d'un texte pour détecter un potentiel repreneur au sein de ses équipes», précise Laurent Benoudiz, expert-comptable et commissaire aux comptes. Surtout que le projet de loi ne prévoit pas de dispositifs pour accompagner les salariés candidats à la reprise.

La loi sur l'économie sociale provoque la colère des patrons

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53 commentaires
  • Paul7

    le

    Ca part certainement d'un bon sentiment, mais manifestement ceux qui ont concocté la loi en question n'ont jamais cédé ou acquis une société...
    Dans la réalité, ça marchera de temps en temps, mais dans des cas où ça aurait marché de toute façon. Et dans plein d'autre cas, des patrons de PME vont renoncer à avoir des discussions préliminaires avec des acquéreurs potentiels, afin de ne pas affoler les salariés/fournisseurs/clients/banquiers pour quelque chose qui de toute façon a 90% de chances de ne pas aller jusqu'au bout. Et en fin de compte, la société va louper des occasions de se revendre alors qu'elle est encore en bonne posture et finira aux orties... Bien joué !

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