La SNSM aux avant-postes

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Le sort des migrants clandestins en Méditerranée occupe plus souvent l'opinion que celui des migrants clandestins dans la Manche.

Pourtant là aussi, les chiffres sont accablants. A-t-on jamais dans l'histoire vu circuler autant d'embarcations de hasard dans une zone où les fonds peuvent être hauts, la houle courte, les courants dangereux ? Mi-novembre, on en est à peut-être 40000 personnes ayant affronté la Manche dans ces conditions, au péril de leur vie. Le 21 novembre marquera le premier anniversaire de la disparition de 27 migrants perdus dans un "small boat" alors à la limite des eaux anglaises et françaises.

On sait sans doute que les eaux internationales sont divisées en zones de responsabilité, celle-ci étant assurée par des pays désignés au niveau international. En Méditerranée, Malte et l'Italie par exemple auxqueles s'adresse un bateau comme  SOS Mediterranée. L'étroitesse de la Manche fait que les zones française et anglaise se confondent avec leurs eaux territoriales. Français et Britanniques y ont les uns et les autres leurs centres de coordination du sauvetage- - les CROSS.  Dans la nuit du 24 novembre 2021, étaient parvenus de premiers appels : "S'il vous plait, nous avons besoin d'aide." Avec cette réponse répétée : "Et nous de de votre position". La proximité n'avait pas facilité le sauvetage cette nuit-là. Au contraire, elle avait provoqué de la confusion. Le moins qu'on puisse dire dans l'état de l'enquête, c'est que la coordination entre les deux pays n'a pas fonctionné.

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Le droit maritime, dans ces cas de naufrage, impose à tout capitaine et bateau flottant sur zone à se porter au secours des personnes menacées, sauf à se mettre en danger lui-même.

Les équipages de la Société Nationale de sauvetage en mer sont alors sollicités. Ces formations spécialisées sont nées dans la première moitié du XIXème siècle des deux côtés de la Manche,. D'abord dans de petites sociétés : par exemple, la Société humaine à Dunkerque dès 1834. Les initiatives se sont ensuite multipliées et en dépit des particularismes, fédérées. Jusqu'à aboutir à la fusion en 1967 de la Société Centrale de sauvetage en mer et des Hospitaliers Sauveteurs Bretons. Il y a plus d'un demi-siècle.

Les CROSS sont assurés du concours des coques grises de la Marine nationale et des Douanes mais aussi de celui des volontaires de la SNSM toujours prêts à sortir des ports. Sur leurs vedettes mais aussi bien sur des canots tous temps, voire des jet ski ! Ils sont quelque 8000 avec près de 800 embarcations de toute nature.

La SNSM n'es ni une organisation non gouvernementale ni une organisation gouvernementale.

C'est une association. Au financement aux trois quarts privé : chacun connait les tirelires en forme de canots apposées sur les murs des ports. Son subventionnement public est néanmoins indispensable. Elle figure donc au budget des Affaires maritimes. Il se trouve que le rôle de rapporteure des Affaires maritimes vient d'échoir à l'Assemblée à une élue du Rassemblement National. La députée Alexandra Masson s'est empressée de déclarer : "La SNSM n'a pas vocation à devenir SOS Méditerranée." Dont acte. Et elle a ajouté : 'Son but premier est de sauver des gens en mer et non d'aller chercher des migrants."

Beaucoup de volontaires de la SNSM ont réagi. Pour eux qui se rendent toujours disponibles, un naufragé est un naufragé. Qu'il soit un migrant parvenu à la dernière extrémité ou un riche plaisancier désinvolte. L'honorable parlementaire est une avocate spécialiste du droit immobilier mais il faut lui rappeler le droit maritime qui est formel. Déjà lisible dans l'ordonnance de la marine de Colbert, formulé au niveau international depuis plus d'un siècle, reformulé par les conventions des années 1970 auxquelles la France a adhéré dans les années 1980.

La mission de la SNSM est de prolonger une tradition mais les situations inédites qu'elle doit affronter vont certainement provoquer des révisions des comportements.

Exemple : la Société a parmi ses fonctions celle de former des nageurs sauveteurs destinés à la surveillance des plages. Organiser soudain un stage destiné ouvertement au sauvetage des canots de 50 personnes qu'empruntent les réfugiés, c'est afficher la couleur, dire où sont maintenant les urgences. La SNSM tient cependant par beaucoup de ses fibres au monde de la plaisance. Et aussi à la Marine Nationale qu'on appela si longtemps la Royale. Son président a toujours été, sauf une fois, un amiral. Il a souvent été préfet maritime. Les donateurs auxquels il s'adresse sont peut-être plus souvent conservateurs que révolutionnaires, s'ils songent à la politique en donnant. Les mécènes peuvent s'appeler la Fondation, Total. L'Etat est un partenaire indispensable, surtout depuis qu'il a aidé au renouvellement de la flotte ces dernières années.

Mais en Manche, l'Etat a beau promettre la présence avec l 'aide financières des Britanniques, de davantage de forces de sécurité sur les côtes, les volontaires de la SNSM resteront en dernier ressort indispensables. Or ce sont les volontaires qui sont ai cœur de la décision à la SNSM. C'est du moins une affirmation affichée par celle-ci qui ne demande qu'à être revivifiée. Ce sont les volontaires qui doivent tenir la barre dans le gros temps qui s'annonce.

L'équipe

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