Jeunes migrants en quête d'école

L'aide aux devoirs prodiguée par l'association Envols à Paris le 25 mai 2022. - Alain Lewkowicz
L'aide aux devoirs prodiguée par l'association Envols à Paris le 25 mai 2022. - Alain Lewkowicz
L'aide aux devoirs prodiguée par l'association Envols à Paris le 25 mai 2022. - Alain Lewkowicz
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Ils sont aujourd’hui 60 jeunes à fréquenter « L’Ecole des sans école » créée en janvier 2020 à Paris. Des jeunes en recours auprès d’un juge pour enfant pour faire reconnaître leur minorité et, le cas échéant, être pris en charge par l’Aide Sociale à l’enfance et scolarisé dans une école de secteur.

Avec
  • Adeline Hazan Présidente de l'UNICEF France, ancienne contrôleure générale des lieux de privation de liberté, ancienne maire de Reims.

Comment la vie solidaire s’organise auprès de jeunes en attente de la reconnaissance de leur minorité

A 13, 14 ou 15 ans, ils ont pris la route de l’exil. Les uns fuient des drames , d’autres portent sur leurs jeunes épaules tous les espoirs de leur famille. Quand ils ont quitté leur pays, Oumar, Hampélou, Zakaria, Alisina n’imaginaient pas tous les dangers qu’il leur faudrait affronter, ils cherchaient tout simplement un avenir .

Leurs parcours migratoire a laissé des traces. Les nuits sont difficiles. Mais à leur arrivée en France, ils ont à nouveau cru en leurs rêves : ils deviendraient un jour ingénieur, ou footballeur professionnel ! Ils étaient prêts à revoir leurs ambitions à la baisse : pourquoi pas cuisinier, mécanicien ou peintre, tant qu’ils pourraient gagner leur vie. L’important, après cet éprouvant voyage, c’était de ne plus perdre de temps, et de se remettre à apprendre,  d’étudier, enfin !

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Ils ont vite déchanté. Des enfants, eux ? On met leur parole et leurs papiers en doute . Et tant qu’un juge ne leur aura pas donné raison, les portes des établissements scolaires leur seront fermées .

Notre invitée Adeline Hazan, Ancienne contrôleure générale des lieux de privation de liberté , vice-présidente de l’UNICEF . Le Fonds des Nations unies pour l'enfance , qui défend les droits des enfants.

« Jeunes migrants en quête d’école », C’est un reportage signé Alain LEWKOWICZ.

L'école

En 2019, se crée l’association Droit à l’Ecole. Elle scolarise les Mineurs non accompagnés (MNA) sans attendre qu’ils soient reconnus comme tel. L’association a fondé «  L’Ecole des Sans Ecole », située dans le 12e arrondissement, qui accueille 60 élèves autour de 70 bénévoles. Ils sont en recours auprès d’un juge pour enfant pour être reconnus mineurs ou être pris en charge par l’ASE. Le bilan est positif : 400 MNA ont été accompagnés vers une scolarisation depuis la création de l’association. En moyenne, ces jeunes restent 4 à 5 mois au sein de Droit à l’Ecole  avant de rejoindre une école de la République. L’association est également une réussite d’un point de vue social : les élèves retrouvent un rythme, une vie sociale, et reprennent confiance en leur avenir, quittant ainsi leur de perte de repères et leur isolement.

- Morgane Magdelain, coordinatrice des projets de l'association Droit à l'école :

"Nous les accompagnons dans les procédures de scolarisation. Mais dans cette attente, ils sont totalement désœuvrés, ils n'ont pas accès à l'éducation. A un âge ou l'éducation est quand même primordiale.  Et au delà des connaissances que ça leur apporte, de la remise à niveau que ça leur apporte, ça leur permet aussi de se sociabiliser, d'avoir des échanges avec des bénévoles, d'avoir une activité quotidienne, de se remettre dans le bain de l'école. Et pour certains, l'école est  un concept complétement nouveau. Certains jeunes n'ont jamais été scolarisés auparavant, on essaye donc de leur apprendre les codes scolaires pour qu'ils soient vraiment prêts quand ils vont enfin avoir accès à une école de l'Education nationale."

- Marie, infirmière à MSF, fait passer le premier rendez-vous infirmier des jeunes avant la scolarisation. Elle témoigne de leur souffrance en arrivant « souffrance du corps, souffrance de l’esprit ».  Les jeunes ne sont pas enthousiastes à l’idée de faire cette consultation médicale, leur priorité se trouvant dans l’école. C’est donc un véritable soulagement pour eux que d’y entrer enfin.

"En tant qu’infirmière je peux observer qu’ils ont meilleur moral, qu’ils se sentent valorisés, qu’ils reprennent espoir. Ils prennent plaisir aussi à se sociabiliser. Tout cela permet d’occuper une autre place dans leurs pensées, et parfois mêmes les plaintes somatiques rentrent dans l’ordre."

- Mahamadou reconnu mineur et pris en charge par l'Aide Sociale à l'Enfance :

Mahamadou est originaire du Mali, il est arrivé en France en 2020, à l’âge de 15 ans. Sa minorité n’a d’abord pas été reconnue et il n’a pas été mis à l’abri, puis il a ensuite reçu de l’aide d’associations et bénévoles. Il a suivi les cours de Droit à l’école pendant quelques mois, avant d’intégrer une classe d’accueil UPE2A au collège Lasallien Saint-Germain-de-Charonne en septembre 2020. Il a ensuite entamé une formation de menuiserie qu’il continue toujours. Ce n’est qu’en 2022 qu’il a été reconnu mineur et pris en charge par l’Aide Sociale à l'Enfance.

"Si le bon Dieu peut m'aider dans les jours à venir, j'aimerais bien être électricien, soit plombier, soit cuisinier. Si la France me donne la chance,  je crois que ça va être possible parce que cela prouve que je suis un bon garçon qui veut aller de l'avant, un bon garçon qui a des objectifs à atteindre, qui n'est pas là pour s'amuser, qui n'est pas là pour faire du n'importe quoi. Moi, j'étais bien éduqué par mon père. Mon père disait toujours:  "Dans la vie, on ne gagne rien facilement. Pour avoir quelque chose, il faut travailler dur pour avoir ce que l'on veut", donc je dois travailler "à la sueur de mon front".  Je veux juste qu'on me donne cette opportunité."

L'hebergement

Pour venir en aide aux adolescents étrangers, un « hébergement solidaire » se met en place et prend plusieurs formes.

Il y a d’abord une réalité, celle de l’urgence. L’association Paris d’Exil par exemple, (qui a organisé en 2016 l’accueil de 50 000 nuits) a décidé de mettre fin aux hébergements solidaires. La gestion des jeunes majeurs (mineurs devenus majeurs, jamais pris en charge ou à nouveau seuls une fois sortis de l’ASE) et la réponse à l’urgence provoquent trop d’inquiétudes pour ces associations.

D’autres s’en sortent autrement. C’est le cas d’Agathe Nadimi qui a fondé les Midis du MIE et organise des « hébergements solidaires collectifs » En ce moment, elle déménage sa « tribu », (20 matelas, couvertures, jeux de sociétés…) dans des bureaux à Montreuil, prêtés pour 6 mois. Chaque soir, un ou plusieurs bénévoles restent dormir dans les locaux avec eux.

L’association La Casa préfère pérenniser ses hébergements et louent des appartements. Il reste tout de même difficile de convaincre les propriétaires d’accepter une collocation de mineurs non accompagnés pas encore reconnus.

Le constat est qu’aucune structure d’accueil d’urgence n’existe pour les mineurs alors même qu’ils sont supposés être à l’abri.

Le Temps du débat
38 min

A noter en complement : Du 24 au 26 juin, Ground Control accueille FestivAlerte , un événement de sensibilisation sur l'accueil et l'intégration des enfants et adolescent·e·s, étranger·e·s. Au programme : expositions, projections, rencontres, ateliers.

Affiche du festival FestivAlerte, évenement de sensibilsation à l'accueil des jeunes étrangers.
Affiche du festival FestivAlerte, évenement de sensibilsation à l'accueil des jeunes étrangers.
© Radio France - Caroline Darroquy

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