Handicap : une rentrée noire ?

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Handicap : une rentrée noire ?

Début 2010, l’Association des Paralysés de France (APF) déclarait l’année 2009 « année noire du handicap » et dénonçait les régressions sociales auxquelles elle assistait. Á la veille du mois de septembre, malgré les promesses de « nouveau souffle » du Premier ministre le 5 février dernier (cf. encadré), la situation est plus que préoccupante !

C’est en effet une rentrée noire qui s’annonce pour les personnes en situation de handicap et leurs proches. Ressources, retraites, dépendance, compensation, santé, accessibilité…et tout cela avec comme toile de fond la crise économique et sociale qui pèse sur les budgets publics. L’APF prépare cette rentrée 2010 avec les plus grandes inquiétudes et réaffirme sa colère noire !

Elle demande au premier ministre une table ronde avec les associations représentatives des personnes handicapées et de leurs familles pour aborder l’ensemble de ces sujets.

Inquiétude et indignation d’abord face à l’annonce au début du mois de juillet par le ministre du budget du projet d’étaler l’augmentation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) de 25% sur une période de six ans au lieu de cinq ans. Une telle mesure viendrait encore une fois fragiliser ses bénéficiaires, vivant déjà sous le seuil de pauvreté [1]. L’APF est intervenue tout au long de l’été auprès du gouvernement et du chef de l’Etat pour qu’ils maintiennent leurs engagements et répondent à la demande de création d’un revenu d’existence portée par le mouvement « Ni pauvre, ni soumis » [2]. Elle continuera à se mobiliser jusqu’à l’obtention de garanties.

Inquiétude ensuite sur la question des retraites. L’APF déplore la non prise en compte de la situation particulière des personnes en situation de handicap et des aidants familiaux dans le projet de loi portant réforme des retraites, présenté le 13 juillet. Elle demande le maintien de leurs droits actuels et les aménagements encore nécessaires liés à leur condition particulière.

Craintes encore, quant au projet de réforme sur la perte d’autonomie. La réforme du « 5e risque », est en voie de se réduire au recours à une assurance privée pour financer la dépendance des personnes âgées. Une telle disposition irait à l’encontre du principe de reconnaissance du risque social de perte d’autonomie et d’un financement de sécurité sociale, quel que soit l’âge. L’APF est d’autant plus inquiète, que depuis plusieurs années, le gouvernement renvoyait vers cette future réforme pour améliorer le dispositif de prestation de compensation du handicap.

Une prestation de compensation et un plan personnalisé de compensation mis en danger par la baisse des budgets des collectivités territoriales. Certains conseils généraux alertent déjà sur leur impossibilité d’honorer le paiement des aides sociales cet automne : une situation sociale impensable ! Dans ce contexte budgétaire tendu, certaines maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) réduisent leurs moyens en personnel et réduisent arbitrairement les aides alors que les besoins sont de plus en plus importants et complexes !

Dans le domaine de la santé, l’association s’inquiète de la réduction de l’évolution des objectifs nationaux des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) et de ses conséquences pour les personnes en situation de handicap. Déjà touchées par les franchises médicales, l’augmentation du forfait hospitalier et le déremboursement de certains médicaments, ce ralentissement risque de peser une fois de plus sur elles par une augmentation probable de la participation financière à leurs frais de soin, ce que ne peut accepter l’APF !

Pour les établissements et services sociaux et médico-sociaux, les conséquences sont également préoccupantes puisque le taux de reconduction des charges financières (3,5%) est supérieur au taux annoncé de l’ONDAM (2,9%). Quelles seront dans ces conditions, les répercussions sur le financement de l’offre d’accueil et d’accompagnement actuel et sur le développement prévu dans le cadre du plan pluriannuel national de création de places ? Déjà, certaines agences régionales de santé (ARS) « annoncent la couleur »…

Dans le cadre de la préparation des lois de finances 2011, les annonces se multiplient pour remettre en cause certains avantages fiscaux et sociaux, voire de « raboter » l’ensemble de ces dispositifs. Certaines annonces ont été faites relatives à l’emploi des aides à domicile et des services à la personne. L’APF s’inquiète qu’une telle orientation soit prise « à l’aveugle » sans discerner les conséquences financières et sociales majeures pour les personnes les plus fragilisées.

En matière d’emploi également des restrictions sont déjà engagées et devraient se développer en 2011. Les dispositifs d’aide et d’accompagnement à l’emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail se réduisent. Le gouvernement a annoncé la baisse du nombre de contrats aidés pour l’année 2011. Et l’AGEFIPH, au regard des pressions financières subies sur son budget, est amenée à réduire voire arrêter certaines de ses aides. Alors que le taux de chômage des personnes en situation de handicap a progressé de 9,5% en 2009, l’Etat doit prendre des mesures d’aides concrètes pour favoriser l’accès et le maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap.

L’APF dénonce également les multiples interventions pour tenter d’atténuer, voire repousser les obligations de mise en accessibilité des bâtiments publics, de la voirie et des transports, pourtant prévus par la loi du 11 février 2005. Revenir sur l’accessibilité universelle serait contraire à la convention des Nations unies pour les droits des personnes handicapées ratifiée par la France, ainsi qu’au principe de libre circulation de la Constitution française.

Enfin, au-delà de cette rentrée sociale très préoccupante, l’APF espère que les élèves et les étudiants en situation de handicap ne seront pas pénalisés lors de cette rentrée scolaire et universitaire dans ce contexte de réduction des dépenses publiques à tous les niveaux. L’APF sera très attentive, notamment, aux conditions des moyens humains et matériels pour l’accueil et la scolarité de tout élève ou étudiant en situation de handicap.

L’accumulation de tous ces sujets impacte brutalement les personnes les plus fragilisées par leur handicap. Leur situation risque fortement de s’aggraver encore plus, à court et à moyen terme. L’APF alerte l’ensemble des pouvoirs publics - Etat, organismes de protection sociale, collectivités territoriales – à être attentifs aux conséquences sociales de leurs décisions budgétaires ! Celles-ci ne peuvent être prises uniquement sur des bases économiques : les droits fondamentaux de l’homme constituent également une obligation légale et humaine.

L’APF demande également au premier Ministre d’organiser une table ronde dès cet automne avec l’ensemble des associations pour un état des lieux de la situation et les orientations à prendre, afin de garantir les principes de citoyenneté et de participation sociale concrétisés par la loi du 11 février 2005.

L’Association des Paralysés de France est dès à présent très mobilisée pour cette rentrée.

Extrait de la déclaration de François Fillon le 5 février 2010 :
« La loi de 2005 est ambitieuse qui nous demande de faire évoluer notre regard et certaines de nos manières de vivre. Elle appelle des évolutions structurelles de long terme. Je veux dire à ceux qui prétendent que la loi de 2005 est menacée dans ses fondements qu’ils se trompent et je veux aujourd’hui affirmer avec force qu’ils peuvent compter sur mon engagement. Aucun des principes fondateurs de la loi de 2005 ne sera remis en cause. 2010 sera au contraire l’année d’un nouveau souffle dans l’accomplissement des objectifs qui sont les nôtres depuis plusieurs années. En 2010, la réalisation des objectifs de la loi va entrer dans une deuxième phase à laquelle nous voulons, avec Nadine Morano, donner encore plus de cohérence et encore plus de force. Au fond il ne s’agit plus maintenant de faire des textes de loi ou des règlements, mais il s’agit de les mettre en œuvre et de veiller scrupuleusement à leur application. »

[1Au 1er septembre 2010, le montant de l’AAH ne sera que de 711, 95 €.

[2Plus d’informations sur http://www.nipauvrenisoumis.org/

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