Franck Riester : "C’est un moment difficile pour la Culture, mais l’État sera aux côtés des festivals"

Franck Riester ©AFP - Ludovic Marin / AFP
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Le ministre de la culture Franck Riester est l'invité de la matinale à 8h20. Il évoque les conséquences de la crise sanitaire actuelle sur la culture, avec des annulations en cascade de festivals, mais aussi sur l'audiovisuel public et privé.

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Le confinement s'accompagne de nombreuses annulations de festivals, en particulier depuis qu'Emmanuel Macron a annoncé qu'il n'y aurait aucun rassemblement important avant juillet. "Pour autant, pour des plus petits festivals, à partir du 11 mai, on peut voir de quelle manière peuvent être organisés certains d’entre eux", tempère Franck Riester. "Mais bien évidemment, les grands festivals après la mi juillet pourraient aussi être annulés : prévoir un festival de la taille des Vieilles Charrues, ça nécessite du temps et de l’anticipation. Vous savez que c’est un brise-cœur pour tous : les spectateurs, les organisateurs, les bénévoles… C’est un moment difficile pour la Culture avec ces annulations de festival, mais l’État sera aux côtés des festivals pour passer cette étape de 2020, peut-être en organisant des festivals, et préparer 2021."

"On a à préparer, d’ici deux semaines, des éléments pour préparer le déconfinement dans tous les secteurs d’activité. C’est ce que nous a demandés le président de la République, sous l’autorité du Premier ministre. Dans le cas de la culture, on regarde tout les points. La priorité c’est la sécurité des spectateurs, des artistes, des techniciens. Si des festivals sont adaptés à des jauges petites, qu’il n’y a pas de problème de sécurité, nous les accompagnerons."

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Quand pourra-t-on à nouveau organiser des festivals ?

"Le calendrier, c’est celui des précautions sanitaires", rappelle le ministre de la Culture. "Ce n’est pas moi qui le définit : ce sont les autorités de santé, sous l’autorité du président de la République et du gouvernement, qui décideront le moment venu. Nous souhaitons que la privation de spectacle vivant, de cinéma, soit limitée."

Par exemple, le festival de Cannes, qui a "déjà été reporté, mis en suspension" : "Il a très clairement annoncé qu’il ne pourrait pas organiser un festival classique, même dans quelques semaines en 2020. Si jamais ils arrivaient à organiser quelque chose de différent, nous l’accompagnerons bien évidemment. Mais il faudra surtout préparer 2021." Idem pour Avignon, annulé lui aussi, avec des conséquences bien au-delà de l'événement lui-même. "Comme pour Cannes, au-delà d’être un festival essentiel en termes d’activité, c'est aussi un marché : beaucoup de pièces de théâtre sont vues par des programmeurs à ce moment-là avant d’être programmées dans toute la France. Et donc ça a un impact sur tout le secteur. Notre rôle, c’est à la fois de faire en sorte que les artistes, intermittents du spectacle, soient le moins impactés possible. Nous travaillons avec Bruno Le Maire et Gerald Darmanin sur des dispositifs spécifiques pour accompagner le secteur des arts et de la culture à ce confinement prolongé, en plus du travail de relance de la culture par la suite."

Des aides financières à tous les niveaux

"Nous avons déjà passé le fond de solidarité accessibles aux artistes auteurs de 1 à 7 milliards", explique Franck Riester. "Et on a fait en sorte de modifier les critères d’accès à ce fond pour prendre en compte une période plus longue, mieux adaptées, sur douze mois plutôt que sur un mois. En ce qui concerne les intermittents du spectacle, des dispositifs ont été renforcés, qui vont leur permettre de bénéficier d’une sécurité supplémentaire. Enfin, le dispositif spécifique d’accompagnement pour les troupes et les théâtres va être annoncé dans les semaines qui viennent."

"L’enjeu c’est de faire en sorte que celles et ceux qui devaient employer les intermittents, même sans contrat signé, puissent avoir les moyens de tenir leurs engagements. C’est ce fond d’intervention spécifique qui va nous y aider. C’est aussi, pour les intermittents qui ne sont pas actuellement dans un statut d’intermittence, qui auraient dû avoir leurs droits en travaillant par exemple à Avignon, de pouvoir bénéficier de la solidarité. Notre obsession c’est que personne ne soit laissé au bord de la route."

Des intermittents qui, à Disneyland Paris par exemple, ont été invités à rompre leur contrat. "Je me suis rapproché de la direction", assure le ministre. "Je leur ai demandé de maintenir les contrats d’intermittence : la présidence m’a garanti que ces contrats seraient maintenus. Les négociations avec les organisations syndicales sont en cours, mais je suis convaincu que Disneyland Paris tiendra ses engagements vis-à-vis de tous les contrats envisagés pendant cette période."

Les librairies en danger aussi

Répondant à une auditrice libraire qui estime que ces commerces pourraient aussi rouvrir le 11 mai, avec les mêmes précautions que dans le commerce alimentaire, Franck Riester reconnait que "la chaîne du livre est en danger et donc il est important de se mobiliser". "Certains libraires organisent d’ores et déjà des retraits de commandes. Une des priorités c’est de rouvrir le plus rapidement possible les librairies après le 11 mai. Ça doit se faire avec les représentants des libraires, en respectant les règles sanitaires, mais c’est essentiel que nos compatriotes puissent y aller à nouveau pour acheter des livres. J’ajoute que c’est vrai aussi pour les marchands de journaux, qui continuent d’être ouverts, et pour lesquels nous avons une action toute particulière."

"Il y a des dispositifs qui sont mis en place pour ne pas obliger les libraires à payer ce qu’ils doivent à leurs éditeurs, qui majoritairement jouent le jeu ; les libraires peuvent bénéficier du fond de solidarité ; et dans le plan de relance de la filière livres, la question des libraires sera dans nos priorités. Nous voulons aider tous celles et ceux qui distribuent des livres."

La réforme de l'audiovisuel public sera réévaluée

"Je souhaite que ce texte revienne", explique Franck Riester, qui tempère toutefois : "Nous prendrons en compte des évolutions qui tiendront compte de la crise que nous traversons. Mais ce texte est important, car il a des dispositions essentielles de souveraineté culturelle, pour obliger les plateformes comme Netflix ou Disney+ à financer la création audiovisuelle et cinématographique française. Il prévoit aussi l’avenir de la télévision linéaire, sur le poste de télévision : on a bien vu dans cette période qu’elle était importante. Et c’est un texte qui prépare l’avenir de l’audiovisuel public : on a bien vu pendant cette période qu’il était essentiel. On a vu la capacité d’adaptation des contenus à la crise, avec des services innovants d’éducation, de culture, d’information, qui ont été reconnus par tous comme très utiles et appréciés."

Il maintiendra a priori l'idée d'une holding regroupant toutes les branches de ce secteur : "L’idée de préparer l’audiovisuel, c’est de le confier à un groupe qui permette de mieux prendre en compte l’évolution des usages de nos compatriotes, qui ont été révolutionnés par le numérique. Mais nous regarderons en détails ce qui peut être adapté dans ce projet de loi pour qu’il puisse répondre à tous les enjeux, notamment ceux liés à la crise. Cela dit, il y a des priorités : s’il y a des textes urgents qui doivent passer, pour la santé ou la dépendance, nous verrons comment nous plaçons ce projet de loi audiovisuel dans le calendrier."

France 4 peut-être sauvée ?

La chaîne de télé publique, censée disparaître prochainement, a multiplié pendant la crise les contenus éducatifs pour aider les élèves à ne pas décrocher. De quoi faire changer d'avis Franck Riester ? "On a vu que l’audiovisuel public a ici démontré son utilité. Nous devons nous assurer que dans l’avenir, en linéaire, il puisse continuer à y avoir des contenus jeunesse et éducatifs. J’ai demandé à Delphine Ernotte [présidente de France Télévisions, NDLR] de dire quel serait le pacte d’engagement pour la jeunesse et les contenus éducatifs si France 4 était bien “éteinte” au mois d’août, ou s’il devait y avoir une décision différente, en voyant quelle pourrait être la grille et les programmes de France 4 si elle était maintenue. On ne sortira pas de la crise comme nous y sommes rentrés : le président de la République a été très clair, toutes les réformes doivent être regardées à l’aune de ce qu’a été la crise. Donc aucune décision définitive ne sera prise tant que nous n’aurons pas tous les éléments."

Plus largement, sur l'audiovisuel en général, Franck Riester rappelle qu'il y aura "des conséquences financières à cette crise, ne serait-ce que par la baisse de la publicité qui frappe durement l’audiovisuel privé. Nous travaillerons aussi avec les responsables de l’audiovisuel public, avec le Parlement, à ce qu’on puisse donner les moyens à l’audiovisuel public de continuer à exercer ces missions."

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