Entretien avec Nathanaël Gagnaire, délégué général de la FFMC

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Entretien avec Nathanaël Gagnaire, délégué général de la FFMC

Ressources Solidaires : Alors, 30 ans après la création, toujours en colère les motards ? Pourquoi ce nom si provocateur et qui semble décalé dans notre société de dialogue et de concertation ?

Nathanaël Gagnaire : Une société de dialogue et de concertation ? Peut-être que si la FFMC continue à porter le nom de colère, fut-il provocateur, c’est que ses militants et les motards qui lui font confiance, ne sont pas dupes par ce qu’on qualifie trop légèrement de dialogue. Depuis sa création au début des années 80, la FFMC n’a eu de cesse de défendre les motards et de promouvoir le 2 et 3 RM, qu’il soit un simple moyen de locomotion ou une véritable passion. Mais force est de constater qu’en lieu et place d’une concertation et d’un dialogue, les motards ont été obligés d’établir un rapport de force permanent pour faire face à une répression grandissante. Ces 10 dernières années en ont été un aboutissement avec la mise en place d’un Contrôle sanction automatisé, reposant sur le seul argument de la vitesse, de l’émotionnel et de la responsabilité individuelle. La FFMC dénonce ces raccourcis en mettant en lumière une responsabilité collective des pouvoirs publics, la multifactorialité des accidents et la disparition progressive du libre arbitre sur les contrôles routiers au profit d’une rentabilité des politiques de sécurités rentières (cf les 800 millions d’euros de recette des radars automatiques). Alors non, la colère de la FFMC n’est pas galvaudée et elle est toujours autant d’actualité. Nous faisons fi des apparences et leur préférons un discours franc, un message de vérité et la liberté d’une organisation indépendante de tous pouvoirs.

Ressources Solidaires : Vous manifesterez bientôt contre les interdictions de déplacement en ville. Pourriez-vous nous préciser le contexte de cette interdiction ?

Nathanaël Gagnaire : La FFMC a été lanceuse d’alerte sur cette question. Dès 2011 elle s’est mobilisée contre les projets de zones d’action prioritaires pour l’air (ZAPA). Elle a obtenu gain de cause avec l’abandon des projets des villes tests. La Ligue des Droits de l’Homme a accompagné l’argumentaire de la FFMC, notamment sur la critique d’une ségrégation sociale et celle d’un contrôle de surveillance accrue.
Ségrégation sociale parce que les modalités de ces projets relèvent d’une interdiction de circulation pour une certaine catégorie de véhicules et donc d’une certaine partie de la population : ceux qui n’ont pas les moyens de changer, d’acheter un véhicule aux normes.
Programme de surveillance, parce que ces projets sont la porte ouverte aux futurs péages urbains avec les conséquences en termes de croisements des fichiers et d’utilisation des données. A fortiori avec les politiques de privatisations de fonctions relevant avant du domaine régalien.

Ressources Solidaires : L’environnement, c’est bien pour nos poumons. Pourquoi vouloir continuer à pouvoir rouler sur des véhicules de conception dépassée ?

Nathanaël Gagnaire : Evidemment que l’environnement est un sujet majeur. C’est non seulement nos poumons mais c’est aussi l’avenir des futures générations, de nos enfants. Cet enjeu ne doit toutefois pas être instrumentalisé, ou dévoyé à des fins politiques. Et c’est parce que la FFMC est soucieuse de ces questions, mais aussi représente des usagers directement impactés que nous revendiquons notre place dans ce débat. Nous sommes des usagers conscients du monde qui nous entoure, intégrés dans les préoccupations de santé publique et d’environnement. Et c’est parce que ces sujets sont majeurs que nous dénonçons la manipulation dont ils font l’objet actuellement. Et nous dénonçons principalement l’absence de prise en compte de l’acceptabilité sociale ! Cette donnée n’est pas uniquement de notre fait, elle est aussi incluse dans les textes européens relatifs aux baisses des émissions polluantes dans les Etats membres (directive 2008/50/CE). Mais elle conditionne surtout la pérennité et la stabilité des projets. Comme pour la sécurité routière, les questions environnementales doivent se construire en partenariat avec les personnes concernées et non pas opposer urbains et banlieusards, parisiens et provinciaux. Et comme pour la sécurité routière, l’usager reste la seule et unique variable d’ajustement des politiques publiques.

Ressources Solidaires : Liberté individuelle versus liberté collective, responsabilité individuelle versus responsabilité collective,... Vous vous êtes clairement positionnés ces derniers temps sur la surveillance généralisée (Loi Renseignement) et sur l’état d’urgence. Les motards en colère sont un mouvement social et un mouvement communautaire ?

Nathanaël Gagnaire : Le Mouvement des motards en colère s’est en effet construit sur ces deux axes. Communautaire en refusant de payer une taxe aussi inutile que mensongère (la vignette de 1980). Et ce mouvement reste communautaire en continuant à défendre des usagers qui nous font confiance, qui nous reconnaissent comme les acteurs essentiels du 2 et 3RM en France. En même temps la FFMC est aussi un Mouvement social qui a contribué pour une grande part à changer la donne vis-à-vis d’un ordre bien établi avant qu’une poignée de motards ne viennent se fédérer. La FFMC c’est avant tout un Mouvement né de la base ! Une idée politique qui a aggloméré des volontés de tous horizons, de tous milieux, autour d’une utopie qui est devenue réalité, un Mouvement philosophique plus que revendicatif qui réunit autour de valeurs communes et pas autour d’intérêts communs. Et cette sensibilité sociale se retrouve d’ailleurs dans les statuts de la FFMC axés sur les valeurs de l’Economie sociale et solidaire, valeurs qui ont été à la base de la création de la Mutuelle des motards et des Editions de la FFMC. Une mutuelle pour l’esprit solidaire, une maison d’édition pour la liberté de ton et de parole.
Enfin social et communautaire à la fois dans la perspective des évolutions prochaines de la mobilité. Car elle sera amenée à changer, tant par l’arrivée des nouvelles technologies que par les préoccupations environnementales qui modifieront évidemment les approches que nous avons sur les libertés individuelles et collectives. Quelle place pour le véhicule individuel dans la mobilité de demain ? Quelle place pour le 2 et 3 RM ? Les frontières entre usagers (automobilistes, moto, scooteur), s’atténuent et les modes exclusifs seront amenés à se conjuguer avec une nouvelle donne qui s’ouvre sur un horizon différent mais non moins passionnant.

La FFMC a créé une société de presse, une mutuelle d’assurance, une SCIC de formation et diverses associations d’éducation populaire.

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