Cinq ans de Plan de lutte contre la pauvreté : un bilan en demi-teinte

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Cinq ans de Plan de lutte contre la pauvreté : un bilan en demi-teinte

Le Collectif ALERTE a été reçu à l’hôtel Matignon le 21 mars 2017, pour présenter au Premier ministre le bilan qu’il fait du plan national de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, à l’issue des cinq années de celui-ci. Participaient à cette réunion : Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, Emmanuelle Cosse, ministre du Logement, Myriam El Khomri, ministre du Travail et Ségolène Neuville, Secrétaire d’État chargée de la Lutte contre l’exclusion.

Le Collectif a salué à nouveau la méthode d’élaboration de ce plan qui, en 2012, a permis une large confrontation d’idées entre tous les partenaires de la sphère publique et de la société civile. Cette concertation avec les pouvoirs publics a permis d’aboutir, sur certaines questions, à des solutions de consensus qui ont pu être mises en œuvre. Mais dans plusieurs domaines, l’insatisfaction est importante. Le Collectif considère que l’exécution du plan est moyennement satisfaisante.

Parmi les mesures du plan qui ont été réalisées, figurent l’ensemble des décisions concernant la revalorisation des aides et allocations aux personnes en situation de fragilité. Ainsi, le RSA aura bien été augmenté de 10 %, hors inflation, après le dernier « coup de pouce » qui vient d’être décidé et qui aura lieu comme prévu au 1er septembre prochain. À l’occasion de la rencontre du 21 mars, Mme Touraine a également annoncé une augmentation du plafond de la CMU-C, permettant à 150 000 personnes nouvelles d’y avoir accès, ainsi que du plafond de l’Aide à la complémentaire santé (ACS). Le Collectif a salué ces décisions.

Le Collectif a constaté que plusieurs mesures importantes du Plan pauvreté avaient été mises en œuvre : la fusion du RSA-activité et de la prime pour l’emploi dans la prime d’activité, le lancement du compte personnel d’activité, la loi de modernisation du système de santé, le début de généralisation du tiers payant, la réforme des prestations familiales, les principales mesures de lutte contre le surendettement, le développement de la participation des personnes accueillies, avec le renforcement des instances de représentation de ces personnes (CNPA et CRPA), le lancement du plan d’action pour le travail social et le développement social à la suite des États généraux du travail social, qui a permis le lancement du « première accueil social inconditionnel de proximité » et de l’expérimentation des « référents de parcours », ainsi que le début de la refonte des diplômes du travail social, qui s’étalera sur trois ans.

Le Collectif prend acte également des mesures prises pour éviter la récidive, en améliorant la situation des « sortants de prison ».

Mais il constate que sur certaines politiques essentielles dans la lutte contre l’exclusion, les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances. Il s’agit de la politique de l’emploi et de celle du logement.

S’agissant de l’emploi, si le Collectif constate une légère amélioration, en particulier pour les jeunes au cours de la dernière année, il considère que l’accent n’a pas été mis, malgré les promesses faites lors de la conférence sociale de 2014, sur les chômeurs de longue durée. Certes, le plan « 500 000 formations » a permis à certains d’entre eux d’accéder enfin à des formations, mais la priorité proclamée n’a pas été totalement mise en œuvre et les freins à l’emploi n’ont pas été levés.
Le Collectif note, par exemple, que le retard pris dans la création de nouvelles solutions d’accueil pour les jeunes enfants issus des familles modestes, en particulier chez les assistantes maternelles, constitue un des éléments essentiels du difficile maintien ou du retour à l’emploi des mères de famille de jeunes enfants, en particulier lorsqu’il s’agit de familles monoparentales. De même, si le Collectif se félicite qu’il existe aujourd’hui près de 330 000 emplois aidés, il considère que cet effort doit être encore accentué, tout particulièrement dans le secteur de l’insertion par l’activité économique, pour permettre un meilleur retour à l’emploi. Les efforts faits pour accompagner les chefs d’entreprise dans l’accueil de personnes en précarité sont par ailleurs nettement insuffisants.

Le Collectif demande que pour les personnes les plus fragiles, puisse être mis en place un triptyque qui allie un revenu minimum garanti, un accompagnement renforcé et une mobilisation générale pour permettre à chacun d’avoir un travail ou une activité.

Concernant le logement, le Collectif salue les efforts faits en faveur de l’hébergement mais constate que les sorties d’hébergements vers des solutions de logements plus pérennes sont très insuffisantes, du fait d’un nombre trop restreint de logements très sociaux disponibles. C’est la cause de l’engorgement des hébergements qui nécessitent la création, sans cesse, de nouvelles places. C’est pourquoi le collectif a salué les récentes mesures prises pour faire respecter les dispositions de la loi ALUR, récemment renforcées, mais regrette l’abandon de l’idée d’une garantie universelle pourtant prévue par cette même loi.

En définitive, le Collectif estime que faute d’avoir été appuyé par une loi de programmation, c’est-à-dire par un vote solennel de la représentation nationale, le plan d’action n’a pas fait l’objet d’une réelle appropriation par les élus nationaux comme locaux. Ce qui explique aussi la timidité de l’application du Plan sur les territoires. C’est pourquoi il demande aux candidats à l’élection présidentielles de s’engager sur un plan de lutte contre l’exclusion appuyé par une loi de programmation incluant une loi de programmation pour la petite enfance et une loi de programmation pour le logement afin que ces deux goulots d’étranglement essentiels puissent trouver des solutions satisfaisantes pour les personnes les plus en fragilité.

Le Collectif a en outre attiré l’attention des pouvoirs publics sur la situation désastreuse de certaines catégories de migrants, que ce soit à Calais, à Grande-Synthe ou à Paris. Il s’interroge aussi sur le sort des personnes actuellement en CAO lorsque ces derniers devront être évacués pour être rendus à leur vocation initiale, et sur le devenir de ces personnes qui ne sont ni expulsables ni régularisables.

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