Bâtir une nouvelle société (Unesco) : "La nouvelle finance au service de la nouvelle société"

Publié le

Bâtir une nouvelle société (Unesco) : "La nouvelle finance au service de la nouvelle société"

Précision : ce compte rendu est tiré des notes prises à la volée pendant l’atelier. Il n’est donc pas une retranscription totalement fidèle des propos tenus par les intervenants.

- Débat animé par : Stanislas Dupré

Avec :
- Claude Alphandéry
- Jean-Louis Bancel
- Jean-Christophe Capelli
- Jacques Généreux


Le secteur financier est doté d’un puissant lobby et rencontre peu de contrepoids au sein de la société civile. Un parlementaire rapportait qu’il n’avait jamais vu une ONG proposer des avancées sur le plan bancaire, alors qu’il croisait régulièrement des représentants des banques pour faire avancer tel ou tel dossier.

Les 4 intervenants représentent les nouveaux outils pour changer la société.

Jacques Généreux : économiste.

Je n’ai pas de compétences particulières en terme de microcrédit, de microfinance mais j’espère que mon regard est utile dans ce débat sur la nouvelle finance. Un petit cadrage sur la question : comment pense t on la nouvelle société, pour penser la nouvelle finance ? La société change constamment, depuis plusieurs dizaines d’années, nous sommes dans une nouvelle société de régression, précisément car nous avons donné les pleins pouvoirs aux "possédants de l’argent", par la dérégulation. Ils ont la capacité de mettre en concurrence les dispositifs économiques, d’exiger des sociétés fiscales et économiques que les gens soient façonnés à leur souhait. Nos sociétés vont vers des bouleversements forts. La société dans laquelle nous devons penser la nouvelle finance, sera une société dans laquelle sera aboli le pouvoir incommensurable des détenteurs de l’argent. Une société au service du social et de l’écologique.
Dans notre cadre existant, il y a une défaillance des politiques, qui ont laissé se mettre en œuvre ce système. Par ailleurs, les acteurs sociaux se sont mis à inventer de nouveaux outils pour une nouvelle finance. On ne peut plus penser que ces nouveaux outils restent marginaux à côté des autres qui nous ont conduit dans cette situation. On ne peut plus penser ISR (Investissement socialement responsable) et des non responsables, une finance éthique et une non éthique !
Par quels instruments politiques et financiers peut on arriver à ce que toutes les finances soient solidaires et éthiques ?

Claude Alphandéry : président d’honneur de France Active

Ce qui fait caractéristique sur ma personne, c’est mon âge, car j’ai connu une société dans laquelle il fallait résister. J’ai appris à résister. Nous venons de traverser deux séismes : bancaire en 2008 et nucléaire à l’heure actuelle. Ces dangers nous mettent dans des dilemmes cruels : rester dans l’euro (Oui mais au prix de l’austérité ?), sortir (Oui mais au risque de la déflation) ? Utiliser les OGM pour mieux produire, ne pas les utiliser au risque de ne pas aider à combattre la faim dans le monde ? La société ne peut pas continuer sur sa lancée actuelle, elle ne peut pas rester sur la recherche continue du profit, mais nous sommes conditionnés par l’idéologie présente. Pourtant, nous avons des exemples que nous pouvons faire autrement.
Par ailleurs, tout ceci ne peut être coupé de la pratique de la démocratie.

Toutefois, des besoins nouveaux ont émergé et des personnes ont trouvé des réponses différentes : le recyclage, les circuits courts, ... Et pour ces alternatives innovantes, il fallait des banquiers innovants, car les banquiers traditionnels ne pouvaient pas comprendre ces projets émergents. Financements nouveaux pour besoins nouveaux ! France Active est née pour aider les banques à reconsidérer leur approche sur ces petits porteurs de projets, individuels ou collectifs, pour sortir de la précarité ou pour satisfaire des besoins collectifs non satisfaits par le marché ou l’État Nous avons pensé que nous pouvions le faire en donnant une nouvelle instruction sur ces projets : efficacité économique ET aspect social, avec une garantie sur un risque partagé avec le banquier. Toutes les banques n’ont pas suivi, mais les banques coopératives et mutualistes ont suivi largement depuis 20 ans. La garantie partagée et l’analyse poussée des projets ont produit un taux de risque très bas, puisque moins de 10% des projets n’ont pas trouvé une suite positive. Et ce faible taux de risque a permis également de baisser les budgets exigés, et donc de faire encore plus de suivi.

Jean Christophe Capelli : fondateur de Friendsclear (Prêt entre épargnants)

Dans la banque et la finance, vieux métiers pourtant, l’innovation est faible. On a des porteurs de projets atypiques, ne rentrant pas forcément dans les filières bancaires classiques, de l’autre, des épargnants curieux. Nous avons créé un site de finance participative : d’un côté des entrepreneurs avec des projets, cherchant de petits montants (Moins de 10 000 €), et de l’autre, de petits épargnants.
Je ne compte pas sur la finance mondiale pour faire face aux urgences que sont les nôtres Par exemple, il faudrait investir 600 millions d’euros en France dans les années à venir, mais entre autres, sur des projets peu rentables ou à faible valeur ajoutée économique.

Jean Louis Bancel : Président du Crédit Coopératif

Le nombre de personnes présentes dans la salle est révélateur du nombre de personnes intéressées par la finance et les moyens de faire autrement. Le Crédit Coopératif a presque 120 ans et est banque coopérative et alternative. Je pense que le TINA ("there is no alternative") n’est pas vrai, n’est pas juste. Pour preuve, le thème de notre rapport coopératif cette année est "L’avenir est entre nos mains". Nous sommes pionniers dans la finance de partage (le premier fond de partage avec le CCFD en Europe). Nous avons reversé 2,6 millions d’Euros en 2010 à des associations.
Nous pensons que le travail est un outil d’émancipation et nous aidons donc des associations œuvrant dans l’insertion professionnelle, nous sommes la banque des SCOP (Par exemple : Websourd est un projet porté entre autres par le Crédit Coopératif), des saltimbanques (9000 entreprises culturelles clientes) et la banque des personnes majeures protégées (120 000 bénéficiaires parce que ce sont des citoyens avant tout, devant avoir accès aux banques).
Nous sommes l’arche de Noé, permettant de sauvegarder des espèces en difficulté...

Parole aux étudiants pour des questions à la tribune :

(Question non audible)

Jacques Généreux : Nous ne sommes pas sortis de la crise financière, du moins en Europe. A partir de 2008, la crise a commencé, basée sur des racines profondes et anciennes, dont l’une est la non régulation. Faire du grand n’importe quoi entraine une catastrophe. Le système de la libre concurrence financière mondiale entraine des crises régulières. depuis longtemps, Des économistes tirent la sonnette d’alarme en prônant un retour à des systèmes régulés et encadrés. On a l’impression maintenant que la crise est derrière, mais que cette crise a été une "crise pour rien". Le discours a été "ne rien faire contre la source du mal", surtout ne pas toucher à la dérégulation, voire en satisfaisant encore plus les acteurs financiers spéculateurs.
On fait supporter aux contribuables européens les effets d’une minorité financière. Les gouvernements ont instrumentalisé la soit disant crise de la dette publique pour faire passer le poison de la casse de la protection sociale. Cette façon de faire doit être comprise par le citoyen : l’idée que le politique est dominé par la finance est une illusion totale, le pouvoir reste aux mains des gouvernants nationaux. Sauf que ces derniers ont décidé de laisser faire, ont décide de se servir de ces pressions pour faire passer leurs réformes de casse.
Pour en sortir, il faut des décisions des gouvernants nationaux.

Claude Alphandéry : nous ne sommes pas sortis de ces crises répétitives et cycliques. Il faut éradiquer ces spéculations financières, contre indications au développement des projets humains. Il faut mettre de nouveaux outils financiers en œuvre, mais les institutions dominées par une oligarchie financière, imprégnant nos pratiques quotidiennes, doivent être combattues et modifiées.

Jean Christophe Capelli : La banque est un vieux métier, mais il y a des innovations. Par exemple, MPESA permet l’échange d’argent par téléphone mobile en Afrique : les clients payent grâce à leur mobile.
Des outils peuvent combattre la grande pauvreté ou l’accès aux services bancaires. Je suis atterré, comme les économistes, quand j’entends l’abandon d’idées intéressantes par le G20, comme la taxe sur les transactions financières. Il s’agit bien de non décision politique par nos gouvernants.
Et puis cessons de penser que l’argent doit rapporter beaucoup d’argent, le prix devient un empilement des intérêts que chaque intervenant économique doit payer dans le processus de production.

Jean Louis Bancel : L’économie mondiale est repartie, mais s’est elle arrêtée réellement ? N’était ce pas plutôt une pause rapide ? Max Weber expliquait déjà il y a 100 ans que les marchés financiers conduisaient à la perte du monde. Nous devons utiliser notre cerveau, notre raison, en utilisant l’outil de la transparence. Nous sommes dans des sociétés de liberté. Cantona a passé le message du choix de mettre son argent chez celui que l’on décide, et celui qu’on choisit doit être celui qui peut être transparent sur les investissements qu’il fait, où il place l’argent qu’on leur donne. Il est important d’arrêter de s’en faire compter, il faut réfléchir et utiliser la démocratie. Cela repose sur la transparence.
L’idée de la grande ONG (Finance Watch) est de nourrir les contre régulateurs des outils et réflexions pour contre argumenter les décideurs financiers mondiaux. Il n’y a pas de fatalité, tout le monde peut le faire, le Crédit Coopératif est la banque à zéro paradis fiscaux. Celui qui change son monde, change le monde des autres également.

Parole à la salle :

Question à Jacques Généreux : Intriguée par la dynamique en Islande qui n’a pas souhaité payer aux banques, pouvez vous m’en dire un peu plus ? Qu’adviendrait il si nous ne payons plus notre dette en Europe ?
Jacques Généreux : Les citoyens exaspérés se sont exprimés, les politiques ont écouté et ont suivi. Ce qui est intéressant, c’est que l’Islande est un petit pays et prouvait que tout seul, un pays peut faire autrement que ce que le FMI a souhaité. La zone Euro peut arrêter de payer sa dette, plusieurs pays d’importance moyenne pourrait unilatéralement décidé de faire autrement. Ce qui tient les pays, c’est le risque d’être obliger de redemander aux mêmes financiers de l’argent dans l’avenir, il faut donc de nouveau des outils publics de financement, la dette doit servir par exemple à financer les projets de la zone. Il faut reprendre le contrôle de ses financements publics. En démocratie, les États ont les moyens de faire autrement. Le seul danger majeur pour un Gouvernement est de savoir quelle va être la réaction de la population face à la pression des modalités de remboursement de cette dette ? Mais les financiers mondiaux ont le pouvoir que les politiques leur laissent.

Remarque à Stéphane Dupré : Pour les 600 milliards à investir dans les prochaines années, vous disiez que les banques allaient être en première ligne. Il faut pourtant reprendre la main sur la monnaie en re-nationalisant l’émission monétaire.

Question à Jean Louis Bancel : Pour la première fois, j’ai du plaisir à entendre un banquier (Rire dans la salle). Que pensez vous de la re-nationalisation des 5 premières grandes banques, propos entendus dans le débat des élections de 2012 ?

Jean Louis Bancel : L’autorégulation n’a pas prouvé grand chose, il faut donc entendre une régulation publique comme nous pouvons l’entendre en France. Cette régulation doit être démocratique, tout en se méfiant de l’incapacité des techniciens de la régulation à ne pas pouvoir penser autrement que l’existant. Je les connais bien par expérience ayant travaillé à Bercy au début de ma carrière. Méfions nous du conformisme intellectuel dans lequel nous baignons quotidiennement. Concernant la nationalisation des banques, je préfère la voie coopérative à la voie nationalisée, car je préfère la propriété partagée.

Jacques Généreux : En tant que secrétaire national en charge de l’économie au Parti de Gauche, mettons un peu de politique dans le débat. Savoir si c’est l’État ou des copropriétaires est une question annexe. Ce qui est important, c’est de définir ce qui est autorisé et permis, socialement utile. A définir des règles, des orientations en politique de crédit. Au parti de gauche, nous ne sommes pas forcément hostiles au nationalisation, mais nous sommes surtout pour la pluralité des acteurs sur le marché. On doit laisser la liberté. Un gouvernement impose son pouvoir à son arrivée. Je vous renvoie au document "gouverner face aux banques", adopté par le parti de gauche, dont je suis en partie l’auteur.

Claude Alphandéry : L’État doit reprendre le pouvoir pour les besoins de la nation. C’est aussi les citoyens qui doivent redevenir acteurs. Pour faire écho au programme du conseil national de la résistance, il a nourri l’ensemble des réflexions et actions durant les 30 glorieuses. Mais il a manqué la composante "société civile" et cela a permis à la caste financière de prendre le pouvoir tranquillement. Il faut que l’État ne soit plus dominé pour répondre aux besoins de la nation, et pour cela, il faut que la société civile reprenne une plus grande place.

Jean Louis Bancel : le Palais Brongniart sera la Bastille de 2011 pour l’économie sociale et solidaire !

Source : La vidéo ...

Autres articles dans cette rubrique

La Croix-Rouge française rejoint les associations soutenues par les produits de partage du Crédit Coopératif

Le Crédit Coopératif accompagne au quotidien les porteurs de projets favorisant le développement de l’économie sociale et solidaire (ESS). Avec la gamme Agir, la banque propose à ses clients de...

close