La réforme du label bio européen fait débat

Organic Farming represents a turnover of €20 billion. [Subbotina Anna/ Shutterstock]

La Commission européenne a présenté une proposition de règlement visant à encadrer la production biologique, un marché en pleine croissance. Mais le renforcement des exigences pour obtenir le label bio soulève de nombreuses critiques.

Le durcissement des règles encadrant l’alimentation biologique ne fait pas consensus. Alors que la Commission européenne a présenté le 24 mars une proposition de règlement visant à renforcer les règles de productions des produits bio, les divergences avec le monde agricole se font nombreuses. 

« Les produits bio ne constituent plus un marché de niche. Ils représentent désormais un chiffre d’affaires de près de 20 milliards d’euros par an » a expliqué Dacian Ciolos, le commissaire européen charge de l’agriculture et du développement rural.

Depuis 2008, leur part a augmenté de 8 % par an. Dans l’Union européenne, 500 000 hectares de terres biologiques sont cultivés chaque année précise la Commission européenne. Mais malgré cette croissance rapide, la demande en produits biologiques est supérieure à l’offre dans l’UE.

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La proposition de la Commission  interdit de pratiquer l’agriculture biologique et non biologique sur le même site. Le système de vérification sera amélioré, grâce notamment à l’application de contrôles obligatoires sur les détaillants, ou encore avec l’adoption de sanctions lorsqu’une substance non autorisée sera détectée dans les produits biologiques.

Il prévoit aussi l’adoption d’un système de certification de groupe, afin d’aider les petits agriculteurs de l’UE à adhérer à la filière biologique. Concernant les exportations de produits biologiques en provenance des pays membres de l’UE, elles seront accrues. 

« Les produits biologiques qui viennent de pays hors UE sont soumis à un cahier des charges strict établi par la Commission européenne, qui garantit la même qualité de produit » assure Valérie To de l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO).

La crainte d’une régulation excessive

L’Allemagne, premier marché du bio européen a accueilli la proposition avec des pincettes. « Je ne voudrais pas faire peser sur les fermiers bio des contraintes bureaucratiques écrasantes » a réagi le ministre de l’agriculture allemand, Christian Schmidt, estimant qu’il fallait « agir avec bon sens ».

Les craintes allemandes sont également partagées par les coopératives agricoles françaises. « Malgré quelques avancées notables, […] plusieurs dispositions remettent en cause les fondements du développement de l’Agriculture biologique » souligne Coop de France dans un communiqué.

Les coopératives agricoles  dénoncent notamment la fin de la mixité pour les exploitations qui « va fragiliser le développement des conversions à l’AB et ralentir l’essor de l’agroécologie » ainsi que la fin des dérogations et de l’obligation de contrôle annuel minimal par opérateur. 

José Bové, quant à lui, a souligné le besoin d’harmoniser le soutien aux agriculteurs bio dans l’UE. S’inquiétant du coût de ces nouvelles contraintes sur les agriculteurs bio, principalement celui des contrôles de résidus de pesticides par les tests. Il appelle à prendre en compte la difficulté de produire bio sans résidus si les parcelles avoisinantes ne sont pas bio elles aussi.

« Il faut prendre en compte la difficulté de produire bio, si les voisins conventionnels ne prennent pas les mesures de précaution contre une possible pollution. Les frais de tests supplémentaires ne peuvent pas être uniquement supportés par les producteurs bios. Il faut plutôt appliquer le principe de « qui pollue paye » si des pesticides étaient identifiés dans les tests » explique José Bové.

« La responsabilité économique des pollutions non intentionnelles ou dues à des causes extérieures entraînant des retraits de produits ou des pertes économiques pour des producteurs en agriculture biologique doivent être couvertes et indemnisées au regard de la responsabilité des auteurs ou acteurs de l’origine des dommages causés » poursuit-il.

Un label plus crédible

Pour Valérie To, de l’Institut national de l’origine et de la qualité, ce nouveau règlement répond cependant à la demande des consommateurs et va dans le bon sens. « Ce durcissement des conditions de production et de contrôle assure la crédibilité du label bio. La Commission européenne considère qu’il faut renforcer la crédibilité du label pour assurer sa pérennité », explique-t-elle.

En 2012, selon l’Agence Bio, la consommation de produits bio représentait 22,2 milliards d’euros dans l’UE. Un chiffre en progression constante depuis une dizaine d’années. Selon les chiffres de la Commission européenne, il y a plus de 186 000 fermes biologiques en Europe, avec 9,6 millions d’hectares biologiques, soit 5,4 % du total des terres agricoles de l’Union européenne. 

« La raison première de cette nouvelle réglementation de la Commission européenne est de pouvoir gérer la demande croissante en produits bio. En effet, afin de garantir aux consommateurs de plus en plus nombreux un label de qualité, la Commission a choisi de renforcer certaines règles » poursuit Valérie To.

La Commission va laisser aux agriculteurs une période de conversion pour appliquer le nouveau règlement bio. Notamment pour l’interdiction de pratiquer l’agriculture biologique et non biologique sur le même site.

« Parmi les propositions de la Commission, figure la suppression de la mixité. Elle reste néanmoins tolérée dans le cadre de la conversion des exploitations qui peut durer de deux à trois ans. Cette proposition fera l’objet d’échanges durant les deux prochaines années  » assure Valérie To de l’INAO.

« Coop de France s’inquiète de ces dispositions qui, non seulement ignorent les réalités des exploitations biologiques, mais menacent aussi le développement futur du secteur et la confiance des consommateurs. La coopération restera mobilisée tout au long des deux prochaines années afin que le Parlement et le Conseil  revoient la partition de la Commission » affirme Christophe Lecuyer, président de la Commission Filières Biologiques de Coop de France.

Depuis les dix dernières années, le marché biologique dans l’UE a quadruplé, c’est pourquoi la Commission européenne a souhaité actualiser les règles du secteur. Pendant l’année 2013, la Commission mène une concertation et une consultation publique sur l’agriculture biologique, et constate la demande croissante des citoyens européens en produits bio.  Le 24 mars 2014, elle présente une proposition de nouveau règlement sur la production biologique, et l’étiquetage des produits biologiques, ainsi qu’un plan d’action pour l’avenir de la production biologique. L’objectif ? Renforcer les règles en matière de contrôle et de production des produits biologiques commercialisés dans l’UE.

  • 1er juillet 2017: entrée en vigeur du nouveau réglement bio

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