La « bombe photovoltaïque » : un alibi bancal pour une politique boiteuse

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La « bombe photovoltaïque » : un alibi bancal pour une politique boiteuse

Décidément, il semblerait que le gouvernement, et derrière lui les grands industriels, se refuse à donner une vraie chance à l’essor du photovoltaïque, et ce malgré ses qualités d’accessibilité au plus grand nombre.

Le gouvernement commence l’année très fort ! Tout d’abord il invoque à grand renfort de communication la lutte contre une « bulle spéculative » qu’il a très largement contribué à créer en attendant plus d’un an entre l’annonce de la modification des tarifs d’achat (en novembre 2008) et le passage à l’acte (en janvier 2010). Puis, il manipule au passage le poids actuel du remboursement par la CSPE des tarifs d’achat des énergies renouvelables, qui ont diminué de plus de moitié en 2009 par rapport en 2007 du fait de l’augmentation du prix de marché de l’électricité [1]. À travers ses pratiques, il dissimule une véritable entourloupe.

Tout avait bien commencé, avec l’annonce de la création d’un tarif intermédiaire dit « d’intégration simplifiée », qui aurait dû permettre d’attaquer le marché des bâtiments existants de logements et de bureaux dont les immenses surfaces disponibles en toiture auraient pu ainsi être valorisées pour produire de l’électricité solaire, et ceci à moindre coût grâce à des solutions techniques simples ne nécessitant pas de toucher à l’étanchéité et utilisant des modules standard (pose sur châssis).

II est possible d’affirmer sans l’ombre d’un doute que l’annonce d’une telle stratégie, dans un contexte où l’industrie photovoltaïque mondiale est en pleine expansion, aurait entraîné des investissements dans la construction d’usines de fabrication sur le territoire français, jugé comme un marché porteur.

Outre les emplois et la valeur ajoutée dans l’industrie, cette stratégie aurait également permis de créer de nombreux emplois dans les PME pour la conception, la pose et l’entretien des équipements, et elle aurait apporté à des acteurs sociaux majeurs comme les Offices d’HLM des revenus supplémentaires par la valorisation de leur patrimoine.

Les nouveaux tarifs d’achat publiés au Journal Officiel le 14 janvier 2010 comportent bien un tarif de 42 c€/kWh d’« intégration simplifiée au bâti », mais à condition que « le système photovoltaïque remplace des éléments du bâtiment qui assurent le clos et couvert, et assure la fonction d’étanchéité », ce qui rend ce tarif difficile d’accès pour l’existant et ferme ainsi la porte du plus gros du marché en le limitant à ce qui n’est qu’une niche.

Ce faisant, le gouvernement, qui se targue par ailleurs de vouloir préserver le pouvoir d’achat des Français, privilégie curieusement les solutions techniques les plus coûteuses qui auront l’impact le plus important sur le montant de la CSPE acquitté pendant 20 ans par les consommateurs d’électricité.
De plus, ces nouveaux tarifs marquent la fin des projets architecturaux innovants sur les bâtiments neufs, ceux-ci n’étant pas éligibles à la prime d’intégration au bâti. On pourra au moins se réjouir de la fin des hangars jusqu’à présent jamais utilisés mais construits uniquement pour bénéficier de la prime d’intégration.

Le photovoltaïque est une technologie qui peut être mise en oeuvre par de très nombreux acteurs au coeur des territoires urbains comme ruraux et contribuer ainsi très largement à l’autonomie énergétique de ces derniers. Quelques semaines après l’échec cuisant de Copenhague, le gouvernement français vient d’ajouter des entraves à une perspective de développement énergétique durable qui constitue pourtant une véritable réponse aux défis énergétiques et climatiques.

[1cf le site la Commission de Régulation de l’Énergie

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