La France associative en mouvement - 9ème édition - Octobre 2011

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La France associative en mouvement - 9ème édition - Octobre 2011

Alerte 1994 : nom de baptême d’un important collectif inter associatif de réflexion et de lutte
contre la précarité, la pauvreté et l’exclusion. Alerte 2011 : ce sont les acteurs de la lutte eux mêmes
qui semblent directement touchés, laissant présager une aggravation du sort des
populations les plus faibles. Ce que l’on pressentait du désengagement des pouvoirs publics dans
certains secteurs, ajouté à la morosité ambiante, commence à faire sentir ses effets délétères sur le
mouvement associatif dans son ensemble.

La 9ème livraison de la "France associative en mouvement" en fixe les repères sensibles :
essoufflement de la création de nouvelles associations, indicateur névralgique de la réactivité de la
société civile ; contraction de l’emploi (26 000 postes perdus depuis la fin de l’été 2010), alors que
la vitalité de la création d’emploi dans le secteur associatif avait contribué à amortir le choc d’un
sous-emploi chronique ; moral en berne des responsables associatifs qui ne se disent plus si sûrs de
leurs projets et craignent manifestement pour l’avenir.

Pour la première fois depuis plusieurs décennies, tous les indices d’une inversion de
tendance, et peut-être d’un vrai retournement de l’élan associatif, semblent réunis chez ceux qui
s’efforcent encore de maintenir les cadres souvent invisibles d’un vivre ensemble, dans une
situation économique et sociale particulièrement dégradée. Le fatalisme gagne les esprits et
l’exception associative finirait par plier devant les marchés et les déficits publics. Ce serait de bien
mauvais augure pour au moins trois bonnes raisons.

Tout d’abord, plus la conjoncture se détériore et plus les associations sont indispensables et
doivent être fortes. En amont, par la prévention, les services aux personnes et les actions de
réinsertion au plus près du public. En aval, par le soutien et l’accompagnement de populations
toujours plus nombreuses qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, quand elles ne se retrouvent
pas aussi dans la rue.

Ensuite, faire des économies sur le social, c’est non seulement se tromper de combat, mais
aussi se tromper d’histoire. Le "social" est aujourd’hui au coeur de notre développement : santé,
éducation, environnement, réseaux sociaux sont en pleine expansion et préparent la croissance de
demain. Les développer plutôt que les étrangler suppose que face aux limites des pouvoirs publics
et des marchés, la société civile, avec les associations en première ligne, soit plus impliquée dans la
production de biens communs aussi fondamentaux.

Enfin, ni les entreprises ni les marchés ne prospéreront sur un champ de ruines. Dans une
économie de plus en plus immatérielle, la ressource humaine s’impose comme le vrai capital, de
l’aveu même des chefs d’entreprise. Il ne serait pas incongru qu’ils participent mieux à son
entretien, comme il ne serait pas anormal que l’État vienne en aide de préférence à ceux qui en ont
le plus besoin. Mais il faut comprendre le pessimisme ambiant du monde associatif à l’heure des
grands choix démocratiques, en l’absence de parole politique qui éclaire leur avenir.

ROGER SUE
Sociologue, professeur à l’Université Paris V Descartes [1]
Président du comité d’experts de R&S

[1Chercheur au Centre d’étude et de recherche sur les liens sociaux (CERLIS - CNRS). Son dernier ouvrage « Sommes nous
vraiment prêts à changer ?
Le social au coeur de l’économie », publié aux éditions LLL Les Liens qui Libèrent est
sorti en septembre 2011.

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