Insertion pro : qu'ont donc à cacher les grandes écoles ?

Insertion pro : qu'ont donc à cacher les grandes écoles ?
. (MANU BOISTEAU)

Nos universités seraient des usines à chômage ? Une enquête officielle prouve le contraire. Mais les écoles, elles, se refusent encore à une évaluation indépendante

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Il n'y a pas de transparence, il n'y a que des preuves de transparence. Voilà ce que l'on serait tenté de dire à nos chères grandes écoles. Francis Jouanjean, délégué général de la Conférence des Grandes Ecoles (CGE), a beau proclamer, avec un certain agacement : "Nous travaillons de façon totalement transparente !", il n'en est rien.

A l'heure où les universités viennent de franchir un grand pas, avec la 4e édition de l'enquête du ministère de l'Enseignement supérieur sur le devenir de leurs diplômés, établissement par établissement, au sortir d'un DUT (bac+2), d'une licence professionnelle ou d'un master (bac+5), les écoles demandent toujours, elles, à être crues sur parole sur les carrières de leurs poulains. Incroyable mais vrai. Nos championnes de la saine compétition, de l'excellence, ne veulent pas jouer le jeu !

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Informations ultra-sensibles

Pourtant, direz-vous, quelle Sup de Co ne vante pas fièrement les postes et les salaires obtenus par ses diplômés, dans des salons ou sur ses plaquettes ? Ne se targue pas de sa place au sein de tel ou tel palmarès ? Sans doute, mais ces données et ces chiffres sont purement déclaratifs et ne font l'objet d'aucun contrôle extérieur. Et tous ne seraient pas irréprochables, admettent certains directeurs en coulisse...

Pourtant, ces données existent, collectées chaque année par un organe parfaitement représentatif : la Conférence des Grandes Ecoles. Mais elles restent sous clé, malgré les demandes répétées des journalistes. Il faut donc se contenter de moyennes par type d'établissement : écoles de management, d'ingénieurs. Car chacune entend conserver un strict contrôle sur ces informations ultra-sensibles, notamment sur le salaire de sortie, craignant la comparaison entre elles, mais aussi avec les universités.

Situation intenable

"Cette situation devient intenable, admet un responsable. Si toutes les écoles jouaient le jeu d'une enquête indépendante ou certifiée, nous serions bien sûr prêts à suivre." D'autant plus intenable que certaines écoles affichent des frais de scolarité qui dépassent les 10.000 euros par an. De quoi exiger quelques preuves sonnantes et trébuchantes.

L'affaire devient d'autant plus urgente que l'université, toujours quasi gratuite, vient d'apporter la preuve que ses diplômés, en matière de carrière, étaient bien mieux lotis qu'on ne l'aurait cru. L'enquête du ministère livre pour chaque fac et par domaine (droit, information communication, sciences, etc.) le taux d'emploi, le statut, le salaire des diplômés vingt-quatre à trente mois après la sortie.
Une première ! "C'est une enquête indépendante, à laquelle nous nous plions dans un souci d'information des familles", explique Gilles Roussel, président de l'université de Marne-la-Vallée et président de la commission formation et insertion professionnelle de la Conférence des Présidents d'Université (CPU). 

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Des résultats qui font honneur

Verdict ? Si l'on compare les bac+5, en gestion par exemple, taux d'emploi et salaires se trouvent dans un mouchoir de poche. Pour les universitaires, 93% trouvent un emploi avec un salaire moyen de 31.200 euros brut annuels, contre 92% et un salaire de 35.000 pour les étudiants des écoles. Et cela, pour la moyenne des universités, mais Dauphine affiche un salaire supérieur à 42.000 euros annuels avec un taux d'emploi de plus 97% dans une enquête confiée à l'Agence pour l'Emploi des Cadres (Apec).

"Sur nos quatre dernières promotions, les écarts de salaires avec les écoles sont minimes", assure Bruno Sire, président de Toulouse-I, qui a également confié le suivi de ses étudiants à un organisme indépendant.

Longtemps frileuses, notamment au sujet des salaires - "c'est vrai, ce n'était pas un pas facile à franchir", admet Gilles Roussel -, les universités ont choisi de jouer cartes sur table, et les résultats leur font honneur. A bon entendeur...

Véronique Radier - Le Nouvel Observateur

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