Expulsions locatives : fin de la trêve, retour de la peur

Depuis ce matin, les locataires poursuivis pour loyers impayés peuvent de nouveau être expulsés manu militari de leurs logements. Les associations dénoncent une mauvaise application de la loi Dalo.
par AFP
publié le 1er avril 2014 à 7h35

Le répit s'est achevé ce mardi à 6 heures pour des milliers de familles poursuivies pour impayés de loyers, qui ont de nouveau «la peur au ventre» d'être expulsées de leur logement avec la fin de la trève hivernale. Parallèlement commence un mouvement de remise à la rue de SDF qui ont été abrités pendant l'hiver dans des places d'hébergement temporaires, lesquelles vont fermer progressivement avec les beaux jours.

La trêve hivernale, qui interdit les expulsions locatives, avait débuté le 1er novembre. Depuis cette date, le gouvernement avait également ouvert 16 000 places d'urgence pour les SDF, en promettant de mettre fin à une gestion saisonnière de l'hébergement des sans-abri. Le 1er avril est «synonyme de peur au ventre» pour des milliers de personnes, ont dénoncé lundi 34 associations (Fondation Abbé-Pierre, Croix-Rouge, Armée du salut...) réunies en collectif.

Les expulsions concernent majoritairement des familles aux revenus modestes, touchées par un accident de la vie (perte d'emploi, maladie, séparation), qui les met en difficulté pour payer leur loyer. Ces impayés ne concernent que 2,5% des loyers. Ils sont la conséquence «des loyers trop chers et de la pénurie de logements», affirme la Confédération nationale du Logement, qui aide les locataires.

Salha Drissi, 68 ans, concierge retraitée, a reçu l'ordre de rendre les clefs de son logement le 7 avril. Endettée avec une pension de 750 euros, elle attend un logement social depuis treize ans et avoue sa peur : «Je ne sais pas ce que je vais devenir.» Selon la fondation Abbé-Pierre, les décisions judiciaires d'expulsions pour impayés ont augmenté de 37% depuis dix ans pour s'établir à 115 000 en 2012. Et les expulsions effectives par la force publique ont doublé, pour atteindre près de 13 000 cas.

«40 à 45 000 familles touchées»

Mais comme de nombreux ménages n'attendent pas l'intervention des forces de l'ordre pour quitter les lieux, souvent en catimini, c'est «plutôt 40 à 45 000 familles qui sont touchées par une expulsion», affirme Christophe Robert, «soit l'équivalent d'une ville comme Chartres, Melun, Gap ou Nevers».

La menace d'une expulsion «met les gens dans une terreur intolérable», affirme Benoit Filippi de l'Association des comités de défense des locataires. Et même des ménages reconnus prioritaires Dalo (Droit au logement opposable), qui doivent normalement être protégés s'ils n'ont pas de solution de relogement, continuent d'être expulsables en dépit d'une circulaire gouvernementale, dit-il.

Lundi en fin de journée, à Paris, Rasa, enceinte et mère de trois enfants, prioritaire Dalo, attendait toujours de savoir si elle aurait un sursis, pour démentir le courrier du commissariat l'enjoignant de rendre ses clés avant le 1er avril. Les associations demandent «un moratoire» des expulsions pour mettre en place «une vraie politique de prévention», tout en dédommageant les propriétaires. Mais l'Union nationale de la propriété immobilière réclame la suppression de la trêve, qui met les propriétaires en difficulté financière.

«Gestion au thermomètre» de l'hébergement d'urgence

En première ligne en cas d'expulsion, les huissiers de justice insistent pour que les personnes menacées prennent contact avec eux le plus tôt possible pour trouver des solutions d'échelonnement de la dette, par exemple. «Quand un huissier arrive à l'expulsion, c'est un échec», affirme Patrick Sannino, président de leur Chambre nationale. D'autant que «si une personne se retrouve à la rue, c'est foutu, affirme le porte-parole de Droit au logement, Jean-Baptiste Eyraud, car le droit à l'hébergement n'est pas respecté non plus. Il y a de plus en plus de sans-abri qui n'arrivent pas à obtenir de places en centre d'hébergement.»

Les associations se disent «enfumées» par le gouvernement, qui avait promis de mettre fin à «la gestion au thermomètre» de l'hébergement d'urgence. Après avoir ouvert 16 000 places d'urgence pendant l'hiver, il va les fermer «massivement» dans les prochains mois, dénoncent-elles.

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