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Cession d’entreprise : circulez, il n'y a pas d'informations à donner !

Claude Alphandéry |

par Claude Alphandéry - L'article 14 de la loi portant reconnaissance et développement de l'économie sociale et solidaire vise à donner des informations aux salariés en cas de cession d'une entreprise par son propriétaire; elle est fraichement accueillie par certains dirigeants patronaux.

Cette réaction n'est pas fondée. Le projet ne met pas en cause les droits patrimoniaux du chef d'entreprise. Il est libre de vendre au prix qu'il souhaite et au repreneur qu'il désire. Il n'a d'autre obligation qu'une information préalable dont il est même exempté s'il s'agit d'une transmission à un membre de sa famille. L’intérêt bien compris de tout entrepreneur en quête de cession est de multiplier les offres de reprise. Le secret, sauf à vouloir se livrer à des manipulations douteuses, rétrécit le marché, écarte des solutions possibles venant des salariés. Leur information préalable leur permet de se préparer, de rechercher les appuis nécessaires. Un manque d'information leur a laissé échapper des entreprises dont la reprise aurait consolidé le savoir-faire local et l'esprit entrepreneurial.

Ces réactions négatives ne sont malheureusement pas inattendues; elles rejoignent de mauvaises habitudes propres à un système de gouvernance autoritaire où des dirigeants d’entreprises (publiques ou privées) s’octroient un pouvoir discrétionnaire et donnent le moins d'information possible sur leur gestion et leurs projets à leurs salariés, leurs usagers, leurs clients. Les banquiers eux aussi qui pourtant travaillent avec l'argent des autres ne communiquent pas l'affectation de leurs ressources, la part de celles-ci qu'ils réservent aux PME, à l'innovation sociale, aux territoires fragiles.

En désactivant les citoyens, le système se prive de leur capacité de créer, d’innover...

On pourrait citer d'innombrables exemples du "circulez, il n'y a pas d'information, faites-nous confiance" qui témoignent d'une méfiance à l'égard des citoyens; d’une crainte que, trop informés, ils mettent du désordre dans le système dont les commandes sont hors de leur portée. On connait les effets calamiteux de celui-ci tant au plan social qu'environnemental ; il est aussi économiquement contre-productif. En désactivant les citoyens, il se prive de leur capacité de créer, d’innover, de rebattre les cartes, de coopérer, d’associer, de mutualiser leurs efforts.

Face à ces effets dévastateurs, des initiatives de plus en plus nombreuses témoignent de la résistance et de la volonté des citoyens d'être des acteurs informés, capables de participer aux affaires concernant leur vie individuelle et collective : emplois aux personnes rejetées du marché du travail, biens et services souvent ignorés faute de rentabilité suffisante, transition écologique, économie du recyclage, agriculture bio, etc… ces activités très diverses qui ont en commun d'avoir pour finalité l'utilité sociale et non le seul profit, sont définies par la loi portant sur la reconnaissance et le développement de l'économie sociale et solidaire qui en précisent les modes de fonctionnement.

Il est bon qu'elle s'attache en particulier au droit partagé d'information. Qu'il s'agisse en l'occurrence de cession d'activité mais aussi de projet de développement, de partenariat, de communication ou de modèle de gestion, le propriétaire d'une entreprise, le responsable d'un organisme public ou privé ne saurait disposer du monopole des informations; ce n'est pas seulement un problème d'équité mais de bonne gestion économique.

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