Bangladesh : six mois après l’effondrement du Rana Plaza, Auchan refuse toujours d’indemniser les victimes

Publié le

Bangladesh : six mois après l'effondrement du Rana Plaza, Auchan refuse toujours d'indemniser les victimes

Alors que six autres entreprises dont une partie de la production de vêtements était réalisée au Rana Plaza, se sont engagées à indemniser les victimes du drame [1], Auchan, n°2 français de la grande distribution, continue de fuir ses responsabilités. Peuples Solidaires et le Collectif Ethique sur l’étiquette lancent un Appel Urgent pour exhorter Auchan à contribuer à l’indemnisation des victimes et de leur famille.

Après avoir reconnu en mai dernier qu’une partie de sa production avait été sous-traitée de manière informelle par l’un de ses fournisseurs dans un atelier textile du Rana Plaza, la multinationale française avait annoncé "travailler activement sur un plan d’actions très concrètes afin de sécuriser encore la traçabilité de l’ensemble des produits textiles à (ses) marques" [2]. Depuis, elle a, comme plus de 100 autres entreprises, signé un accord sur la sécurité des usines au Bangladesh. Aucun plan d’action n’a toutefois été présenté, et la direction d’Auchan fait la sourde oreille aux demandes d’indemnisation des victimes, malgré les multiples sollicitations des ONG et des syndicats.

Pour Vanessa Gautier, de Peuples Solidaires pour le Collectif Ethique sur l’étiquette, « les mesures prises par Auchan sont très insuffisantes. L’enseigne prétend que parce qu’il s’agissait d’un cas de sous-traitance « sauvage », sa responsabilité n’est pas engagée. Mais ce phénomène de sous-traitance informelle, très répandu au Bangladesh, est une conséquence directe de la pression sur les coûts et les délais exercée par les entreprises donneuses d’ordre. Il est temps pour Auchan de cesser de trouver des excuses et d’indemniser les victimes ! ».

Les familles des 1133 ouvrières et ouvriers décédés dans l’effondrement intervenu le 24 avril 2013 et les survivant-e-s, dont plusieurs milliers de blessé-e-s, attendent d’être indemnisé-e-s depuis six mois. Si une aide d’urgence a déjà été versée par le gouvernement du Bangladesh, l’Association bangladaise des fabricants et exportateurs de textile et par le distributeur britannique Primark, les montants engagés restent largement insuffisants. D’après les organisations locales, de nombreuses victimes n’arrivent plus à subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille, à payer leur loyer, à scolariser leurs enfants et à couvrir leurs frais médicaux. Beaucoup doivent s’endetter pour survivre. Naznin Akhter Nazma, une jeune ouvrière de 21 ans, était enceinte quand elle a réussi à s’extraire des décombres du Rana Plaza où elle travaillait. Son mari, Jewel, n’a pas survécu à ses blessures. « Je ne sais pas si je pourrai subvenir aux besoins de mon bébé. Je n’ai reçu aucune indemnisation. Cela fait cinq mois que je ne peux plus payer mon loyer » a-t-elle témoigné auprès de nos partenaires d’ActionAid.

Estimée à plus de 54 millions d’euros, l’indemnisation couvre les dommages et intérêts ainsi qu’une pension de long terme pour les familles des personnes décédées et les blessés qui ne peuvent reprendre le travail. La contribution attendue des entreprises donneuses d’ordre s’élève à 45% du montant total, soit environ 23 millions d’euros.

L’inaction d’Auchan lui vaut de figurer parmi les entreprises nominées dans le cadre des « Prix Pinocchio du développement durable » qui seront décernés le 19 novembre prochain. Ils ont pour but de dénoncer les impacts négatifs des activités des multinationales, en totale contradiction avec leur communication et leurs principes affichés en matière d’éthique.

Peuples Solidaires et le Collectif Ethique sur l’étiquette réclament la mise en place d’un cadre juridique contraignant afin d’obliger les entreprises à assumer leurs responsabilités quant aux conditions de travail chez leurs fournisseurs et leurs sous-traitants.

[1Concernant l’indemnisation des victimes du Rana Plaza, 9 marques et enseignes sur les 29 identifiées comme ayant probablement eu recours à une production de vêtements au Rana Plaza étaient présentes lors de la première réunion relative à l’indemnisation, en date du 11 septembre 2013 à Genève, marquant ainsi leur volonté de s’engager dans un processus d’indemnisation des victimes et de leur famille. En revanche, depuis, seules 6 marques ont donné suite et confirmé leur engagement. Primark (Royaume-Uni) et Loblaw (Canada) se sont engagées à verser des aides d’urgence et Primark a établi un processus pour que ces fonds soient effectivement remis aux familles affectées. Ces deux entreprises ainsi que Benetton (Italie) et El Corte Ingles (Espagne), participent au Comité de coordination créé pour mettre en place un fonds d’indemnisation. Les marques Inditex (Zara), Bon Marche et Mascot ont également fait savoir qu’elles contribueraient financièrement au fonds d’indemnisation une fois mis en place.

Les marques suivantes sont donc appelées à participer au fonds d’indemnisation de façon à ce que les victimes et leur famille puissent reprendre dignement leur vie : Adler Modemärkt (Allemagne), Auchan (France), Camaïeu (France), Carrefour (France), Cato Fashions (Etats-Unis), Children’s Place (Etats-Unis), LPP (Pologne), Iconix (Etats-Unis), JC Penney (Etats-Unis), Kids for Fashion (Allemagne), Kik (Allemagne), Mango (Esapgne), Manifattura Corona (Italie), Matalan (Royaume-Uni), NKD (Allemagne), Premier Clothing (Royaume-Uni), Store 21 (Royaume-Uni), Texman (Danemark), Walmart (Etats-Unis), and YesZee (Italie), C&A (Allemagne/Belgique), Dress Barn (Etats-Unis), Gueldenpfennig (Allemagne) and Pellegrini (Italie).

[2PDF

Autres articles dans cette rubrique

Enquête sur nos supermarchés : comment leurs pratiques d’achat impactent les droits humains.

Tandis que le Parlement s’apprête à voter une loi sur le devoir de vigilance des multinationales françaises et que le gouvernement élabore un plan d’action national d’application des principes...

close