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A l’Assemblée, les députés LRM sont les plus éloignés de l’engagement associatif ou syndical

La République en marche n’a finalement fait qu’un tout petit pas vers la représentation d’une « société civile » engagée, avec le plus faible taux de militantisme.

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Publié le 29 juin 2017 à 11h25, modifié le 29 juin 2017 à 12h20

Temps de Lecture 6 min.

La large victoire de La République en marche (LRM), qui revendiquait une forte proportion de la société civile au sein de ses candidats, n’a décidément pas rendu le Palais-Bourbon beaucoup plus représentatif de la population française : une majorité des nouveaux députés est issue de catégories socioprofessionnelles supérieures et au moins 70 députés vivaient uniquement de la politique avant leur élection. Et ils sont également assez peu nombreux à être passés par une association, un syndicat, un mouvement représentatif.

Notre enquête n’est pas nécessairement exhaustive mais elle permet de voir se dégager plusieurs tendances dans ces parcours. Sur les 577 députés élus le 18 juin, 116 ont eu au moins un engagement citoyen au cours de leur vie. La plupart du temps dans une association (à 86 %) ; le reste du temps dans un syndicat.

Comment nous avons travaillé : nous avons exclu du champ de notre étude les partis politiques en tant que tels, qui sont certes des associations loi 1901, mais ont une portée différente des associations et des syndicats dans le débat public puisqu’ils peuvent présenter des candidats à une élection et recevoir des subsides publics (et doivent à ce titre se soumettre à la législation sur le financement des partis politiques). Par ailleurs, nous avons aussi ignoré les associations qui ne visaient qu’à financer la campagne du candidat député. Pour les associations locales, nous nous sommes concentrés sur les fonctions de président, vice-président et fondateur.

L’engagement, une vertu de gauche

Si on le considère comme le reflet d’un goût pour la chose publique l’engagement associatif est au Palais-Bourbon une vertu faiblement partagée par rapport au reste de la population. Parmi les six grandes tendances politiques représentées dans l’Hémicycle, autour de 20 % des troupes a eu un engagement associatif ou militant (hors politique), contre 30 % pour l’ensemble des Français, selon l’enquête « Histoire de vie » de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

Parmi ces « engagés », une majorité de députés de gauche, Parti socialiste et apparentés. A l’inverse, les élus de La République en marche (LRM) n’ont finalement fait qu’un tout petit pas vers la représentation d’une « société civile » engagée, avec 15 % de ses troupes ayant goûté à l’intérêt collectif dans une association, une fédération, un syndicat ou toute autre instance représentative.

Associations, syndicats… les centristes de La République en marche et du MoDem les moins engagés, avec les régionalistes

En revanche, le Parti socialiste et les députés apparentés à gauche sont plus nombreux à avoir eu un engagement citoyen dans une association ou une structure représentative, par rapport à leur représentation dans l’Hémicycle. Ils sont suivis en cela par l’extrême droite et l’extrême gauche.
Source : Le Monde

D’après nos recherches, les régionalistes sont les moins engagés à la fois sur le terrain des associations et sur celui des syndicats, à l’exception du seul Jean-Félix Acquaviva qui préside l’Association corse des élus de montagne (laquelle est spécifique à la Corse et donc distincte de l’Association nationale des élus de montagne).

Des baigneurs de Mers-les-Bains aux Motards en colère

Nous avons recensé une centaine de structures différentes, des Motards en colère (le radical de gauche Jérôme Lambert en a été le créateur) à SOS-Racisme (la socialiste Delphine Batho en a été vice-présidente), en passant par l’association Fête des baigneurs de Mers-les-Bains, dans la Somme, que préside le député Les Républicains (LR) Emmanuel Maquet.

Certaines de ces structures apparaissent comme des passages obligés, ou du moins comme des engagements formateurs. Par exemple, plus de la moitié des hommes et des femmes politiques qui sont passés par un syndicat se sont formés à l’action militante dans un syndicat étudiant.

Ainsi, Manuel Valls et Clémentine Autain ont eu des responsabilités au syndicat étudiant Union nationale des étudiants de France (UNEF), quand Guillaume Peltier et Louis Aliot militaient plus à droite, à l’Union nationale interuniversitaire (UNI), et Jacques Bompard dans le mouvement d’extrême droite Occident.

Côté associations, l’une d’elles semble presque incontournable. Preuve des heures de gloire du titre (désormais révolu) de « député-maire », ils sont en effet une petite dizaine à avoir eu un rôle au sein de la puissante Association des maires de France ou de ses versions locales : Association des maires ruraux de France, Association des petites villes de France, Association des maires des Pyrénées-Atlantique ou du Haut-Rhin…

Des engagements pas exempts de contradictions

Il y a aussi des parcours qui frappent par leur cohérence. Par exemple, celui du neurologue Olivier Véran (LRM), qui a été candidat à la présidence de la Fédération hospitalière de France, porte-parole et président de l’Intersyndicat national des internes des hôpitaux, président du Syndicat des assistants des hôpitaux de Grenoble et conseiller titulaire à l’ordre départemental des médecins de l’Isère. Ou celui d’Antoine Herth, passé des champs (comme agriculteur) aux rangs de l’Assemblée (côté Les Républicains), mais aussi par la branche départementale de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricole (FNSEA) et l’aide au développement agricole dans les pays du Sud.

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Mais tous les engagements ne sont pas exempts de contradictions ou de changements de braquet, comme l’a prouvé encore récemment la valse des étiquettes dans la nouvelle Assemblée. Le parcours très dense d’un Maurice Leroy en témoigne : des Jeunesses communistes au cabinet de Charles Pasqua dans les Hauts-de-Seine, en passant par le Nouveau Centre, qu’il a contribué à fonder.

Ou d’un Denis Sommer, ancien ouvrier chez Peugeot et militant CGT sur le site de Sochaux passé dans les rangs des libéraux de LRM. Ou bien encore d’une Emmanuelle Ménard, députée d’extrême droite, qui fut responsable Afrique au sein de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), dans les années 2000.

Intérêt collectif et intérêts bien compris

S’il est une cohérence qui semble incontestable dans ces parcours de députés, c’est peut-être celle des intérêts bien compris. Comment interpréter autrement cette appétence pour les associations dont l’objet premier est la promotion économique. Qu’il s’agisse de promouvoir un territoire et ses atouts, des berges de la Seine aux produits savoyards, l’objectif n’est, là encore, pas exempt d’ambition politique, le député se transformant en VRP de sa circonscription.

Mais le domaine d’engagement associatif le plus prisé des représentants du peuple n’est autre que… la politique. Plusieurs de ces associations ont elles-mêmes un caractère politique : elles servent de plate-forme médiatique au député, de relai d’opinion ou d’accélérateur de réseau. Qu’elles soient des associations d’élus « transpartisanes », comme l’Association nationale des élus du littoral, ou qu’elles aient une portée idéologique, comme l’association Femmes, débat et société, think tank de droite créé par Jean-Pierre Raffarin.

Politique, promotion économique et éducation, les domaines d’engagement les plus prisés des députés

A chaque député peut correspondre plusieurs engagements passés ou actuels ; nous avons exclu du champ de notre étude les partis politiques en tant que tels, qui sont certes des associations loi 1901, mais ont une portée différentes des associations et syndicats dans le débat public puisqu’ils peuvent présenter des candidats à une élection et recevoir des subsides publiques. Par ailleurs, nous avons aussi ignoré les associations qui ne visaient qu’à financer la campagne du candidat député. Pour les associations locales, nous nous sommes concentrés sur les fonctions de président, vice-président et fondateur.
Source : Le Monde

D’autres associations cherchent sincèrement à éduquer à la res publica (« chose publique »). En Polynésie, Te Ite No Ananahi, fondée par la députée UDI Maina Sage, espère « rendre le milieu politique plus accessible au grand public et permettre à ce dernier de mieux appréhender le rôle des institutions et leur fonctionnement ». Mais, reconnaît-elle, « c’est surtout un moyen de susciter, notamment chez les jeunes cadres polynésiens, un nouvel intérêt aux carrières politiques, tellement nécessaire à l’avenir d’une Polynésie française aujourd’hui autonome ».

Public-privé, les idées reçues

Si certains sont des cumulards de l’associatif, comme l’UDI Yves Jégo, impliqué dans pas moins de cinq associations, la majorité des députés n’en a rejoint qu’une seule. Les professions les plus engagées sont de très loin… les cadres et ceux qui ne déclarent pour activité que la politique.

Etudiants, techniciens, retraités et professions médicales sont les moins engagés parmi les députés

Dans l’absolu, les cadres et les politiques sont les plus engagés. Mais, rapporté au nombre total de députés exerçant la même profession, ce sont les artistes qui l’emportent.
Source : Le Monde

Un enseignement qui va à l’encontre des idées reçues qui voudraient que les professions libérales ou du privé fussent moins engagées que celles du public. En réalité, dans la nouvelle Assemblée, les cadres du secteur public sont bien moins engagés que ceux du secteur privé, les enseignants et les fonctionnaires que les ingénieurs.

Et puis, il y a ceux qui n’ont aucun engagement militant formel, ce qui ne les empêche pas d’être engagés par ailleurs, comme François Ruffin, journaliste et réalisateur souvent décrit comme « militant ». Un éloignement des formes traditionnelles d’engagement résumé ainsi par un rapport de 2015 de France Stratégie, institut dirigé par l’économiste Jean Pisani-Ferry (qui a depuis rejoint les équipes d’Emmanuel Macron) :

« Aux formes d’engagement traditionnelles (adhésion à un parti, à un syndicat, à une association), les jeunes privilégient des implications plus informelles, ponctuelles ou spontanées, soulignant une tendance à l’engagement pratico-pratique et parfois court-termiste (pétitions, manifestations, boycotts, etc.). » Une évolution que l’étude explique notamment par la crise économique : « Les formes de désengagement et d’engagement des jeunes sont directement nourries par une profonde crise de confiance, qui se fonde en partie sur une situation d’insécurité sociale exacerbée. »

Si l’engagement associatif et militant a donc pu être une porte d’entrée de la politique, il a pâti de la crise de confiance des plus jeunes générations. Un mouvement qui désormais se répercute jusque sur la « représentation nationale ». L’âge médian de l’ensemble des députés est de 42 ans et demi, quand celui des députés engagés se situe à 49.

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