3 questions à Yves NOEL, président du Groupe Coopératif Santé-Cité

Yves NOEL, président du Groupe Coopératif Santé-Cité et directeur général du Groupe Bordeaux Nord Aquitaine

Dans quelles circonstances avez-vous créé Santé-Cité ?
Au départ, il y avait un GIE, le Club des 15, qui regroupait, au moment de sa formation en 1991, les 15 des plus gros établissements de santé privés réunis par des valeurs communes. Ce groupe a vécu jusqu’en 2012 et certains y sont entrés, d’autres en sont sortis en raison de ce principe de numerus clausus. Les rencontres y étaient très intéressantes mais peu productives, ce n’était pas le but premier. J’ai été élu président de ce GIE en décembre 2010 à la suite d’Yvon BERTEL VENEZIA et nous nous sommes dit qu’il était temps de changer les choses, le temps d’ouvrir les portes aux indépendants. Nous avons donc pris la décision de dissoudre le GIE et de faire naître un Groupe Coopératif dénommé « Santé Cité ». Il s’agit d’une SAS à capital variable fondée par 10 des anciens membres du Club des 15, les pionniers, qui m’ont élu président en juin dernier, Dominique PON et Philippe TOURRAND en sont les deux vice-présidents, Jérôme CORBINEAU en est le délégué général. Nous nous sommes fixés comme objectif premier la défense de nos intérêts et nous avons vocation à être inclusifs; nous ne sommes ni un syndicat, ni un groupement d’achat et notre effectif n’étant plus restreint, nous avons un seul critère de sélection : l’indépendance de l’établissement MCO, SSR, PSY… Ce sont ces cliniques indépendantes avec leurs leaders, entrepreneurs en santé, qui sont les vrais moteurs du Groupe.

Comment en êtes vous venus à cette idée ?
Nous nous sommes inspirés de ce qui se fait depuis longtemps dans d’autres secteurs d’activité. La forme coopérative est extrêmement répandue et florissante : dans le secteur bancaire par exemple, dans la grande distribution, dans le bâtiment, l’agriculture… Des indépendants se fédèrent autour de valeurs communes, par solidarité mais aussi par un partage d’intérêts. Lors de nos entretiens préparatoires, ce qui nous a le plus marqué, c’est l’isolement, la solitude des présidents et des directeurs d´établissements indépendants… Nous pouvons rompre cet isolement en pratiquant entre nous un partage de nos informations de gestion, en mettant en place des stratégies d’achats collectifs, en développant un véritable benchmarking efficace. Tous ces échanges ont pour finalité d’améliorer nos performances individuelles, de gagner des points de marge tout en améliorant la qualité de nos soins. Comme nous sommes une coopérative, nous obéissons au principe d’équité : un établissement = une voix, quelle que soit sa taille et nous sommes à la fois clients et prestataires, nous travaillons tous pour le collectif. C’est un mode de fonctionnement léger, peu coûteux, car les moyens viennent des établissements eux-mêmes. Les statuts du Groupe ont été enregistrés au registre du commerce en janvier 2013 et le siège est à Paris dans le XIVe. Pour le moment, nous réunissons 70 établissements de santé et le groupe a déjà commencé à s’étoffer, notre chiffre d’affaire consolidé dépasse 1 milliard d’euros. Nous sommes en train d’acquérir une certaine dimension et mettons en place les méthodes de travail en commun, humblement mais avec beaucoup de ténacité et d’énergie.

Pourquoi introduire ce nouvel acteur dans le paysage sanitaire ?
La clinique indépendante est fragile par nature. Par ailleurs, nous constatons que le modèle de développement basé principalement sur l’apport de capitaux n’est pas entièrement satisfaisant, car il rend le service de la dette rapidement insupportable, la vente des murs n’étant qu’un des symptômes de ce phénomène et la qualité des soins pourrait en être, à moyen terme, affectée. Dans nos modèles d’établissements de santé privés français, très surveillés par les autorités de tutelle, il nous semble difficile de construire durablement un groupe sur un rendement du capital à 12, voire 15% par an. Nous risquons de nous retrouver dans une configuration fréquente en économie, celle d’une bulle hospitalière… qui peut exploser. Nous pensons que le modèle d’entreprise plus classique que nous portons, plus lent certes mais majoritaire en France, est protecteur de l’avenir de nos établissements, encore faut-il que nous nous hissions au niveau de la qualité de soin et de gestion des meilleurs d’entre nous. En situation de crise, nous pensons que l’entrepreneur propriétaire se défendra avec une belle énergie et notre solidarité de groupe l’aidera. Nous parions aussi que notre modèle regroupant des indépendants sera probablement bien accepté par le pouvoir, ses représentants en région et par l’Assurance maladie. Dans quelques semaines, nous allons commencer à communiquer en direction des cliniques indépendantes pour les inviter à nous rejoindre. En ce moment, nous traversons une période de crise profonde et c’est pourquoi je crois qu’il faut miser sur cette solidarité. C’est notre pari sur l’avenir.