27 rescapés à bord de l’Aquarius au lendemain du 1er naufrage de l’année

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27 rescapés à bord de l'Aquarius au lendemain du 1er naufrage de l'année

SOS MEDITERRANEE : « Moins de bateaux de sauvetage, plus de morts à pleurer »

L’Aquarius affrété par SOS MEDITERRANEE et opéré en partenariat avec Médecins Sans Frontières (MSF) arrive en ce moment même au port de Pozzallo (Italie) pour débarquer 27 personnes secourues dimanche en mer au large de la Libye par un navire de la marine marchande, au lendemain du premier naufrage tragique de l’année 2018 qui a fait au moins 8 morts et des dizaines de disparus.

Premiers naufragés de l’année à bord de l’Aquarius
Les 27 personnes, dont deux femmes, à bord d’un canot en bois de 7 mètres à la dérive, ont été secourues dimanche après-midi par le cargo italien Asso Ventiquattro à proximité de la plateforme pétrolière « Sabratha Oil Field » au large des côtes libyennes, puis transbordées dimanche soir sur l’Aquarius qui patrouillait dans les eaux internationales à l’ouest de Tripoli.

Accueillis à bord en état de choc, certains présentant des symptômes d’hypothermie, les 27 rescapés ont été pris en charge par l’équipe médicale, tandis que l’Aquarius a poursuivi – en coordination avec le MRCC de Rome – la recherche active d’embarcations en difficulté dans les eaux internationales à l’Ouest de Tripoli, avant de prendre lundi soir la direction de la Sicile pour le débarquement des naufragés dans un port sûr.

« Même pendant l’hiver et malgré les conditions météorologiques incertaines, des centaines de personnes continuent de risquer leur vie en mer pour fuir la Libye. Qui plus est, ces derniers jours, les médias ont rapporté des affrontements armés en plusieurs points de la zone côtière libyenne, une situation chaque jour plus chaotique, qui rend les départs plus difficiles à anticiper et complique par conséquent nos opérations de recherche et sauvetage. Les bateaux de sauvetage sont contraints de patrouiller sur une zone géographique beaucoup plus étendue » a déclaré Klaus Merkle, coordinateur des secours de SOS MEDITERRANEE à bord de l’Aquarius

Aggravation des conditions des migrants détenus en Libye
« Cela fait deux ans que je suis en Libye. J’ai été en prison à Sabratha. Un jour les gardes m’ont battu avec une machette, avec un AK47, sur la tête, je n’avais rien fait. Il faut payer pour sortir de la prison. Quand j’ai entendu dire que des Africains étaient dans des camps, attachés avec des chaînes, battus, vendus, je me suis dit que je devais absolument partir de la Libye, je ne pouvais pas rester là-bas. Si j’avais su tout ça je ne serais jamais allé en Libye, pour en sortir, c’était très difficile. Il y a beaucoup de gens qui sont coincés là-bas, qui veulent en sortir, mais qui ne savent pas comment faire » a raconté un Sénégalais aux volontaires de SOS MEDITERRANEE.

Deux rescapés ont expliqué en être à leur cinquième tentative de traversée, un autre à la seconde tentative après avoir été intercepté par des « garde-côtes libyens » puis renvoyé en prison. La situation sanitaire dans les camps de détention des migrants en Libye semble toujours plus critique, en témoigne l’augmentation dramatique du nombre de cas de gale observés parmi les personnes accueillies à bord de l’Aquarius.

« Au cours de nos dernières opérations au lendemain de Noël, nous avons vu des nouveau-nés et des enfants dont le corps était couvert de gale. C’est un signe évident de l’aggravation des conditions de détention des enfants et des adultes dans les prisons libyennes » a expliqué le coordinateur des secours.

« Moins de bateaux de sauvetage : plus de morts à pleurer »
Samedi, l’Aquarius se trouvait dans la zone de sauvetage à l’Ouest de Tripoli, à 80 miles marins de la position du premier naufrage tragique de l’année, au cours duquel les garde-côtes italiens ont secouru 86 personnes et repêché 8 corps sans vie. Plus de cinquante personnes seraient portées disparues selon les témoignages des rescapés de ce naufrage, rapportés par les médias.

Avec au moins 2 833 personnes disparues en mer en 2017, selon un décompte officiel opéré par l’OIM, et déjà 76 depuis le début de l’année 2018, la Méditerranée centrale demeure de loin la route migratoire la plus meurtrière au monde.

« Le premier naufrage de l’année 2018 en atteste une fois de plus : moins de bateaux de sauvetage, c’est plus de morts à pleurer. Il est impossible de couvrir l’intégralité de la zone de sauvetage avec les deux bateaux d’ONG qui restent sur zone. Les Etats européens peuvent éviter ces milliers de morts annoncées, c’est une question de volonté politique : il suffit de déployer des moyens de sauvetage dignes de ce nom et à la mesure de la tragédie. Prétendre que les garde-côtes libyens peuvent assumer cette tâche est un leurre dans les conditions actuelles. Nous ne cessons de le répéter : c’est une véritable flotte de sauvetage européenne qu’il faut mettre en place, dans le respect absolu des conventions maritimes et du droit international. Face à l’absence de réponses adéquates, l’Aquarius continuera sa mission sans interruption pendant tout l’hiver et en 2018, pour la troisième année consécutive » a déclaré Sophie Beau, vice-présidente de SOS MEDITERRANEE.

Bilan 2017 : plus de personnes secourues, deux fois plus de mineurs et d’enfants en bas âge
Si les arrivées de migrants en Italie par la Méditerranée Centrale ont baissé en 2017, le nombre de personnes secourues par l’Aquarius a augmenté : pour la seule année 2017, l’Aquarius a secouru un total de 15 078 personnes dans les eaux internationales entre la Libye et l’Italie, soit une augmentation de 33,9 % (3 817 personnes de plus) par rapport à l’année 2016 où 11 261 rescapés avaient été accueillis à bord.

Parmi ces 15 078 personnes, 2048 étaient des femmes (13,6 %), dont au moins 8% étaient enceintes à leur arrivée à bord, une proportion à lier aux viols des femmes quasi systématiques en Libye. Autre fait marquant, parmi les migrants secourus par l’Aquarius, une augmentation de 45% du nombre de mineurs secourus (3 406 individus), soit plus de 33% des passagers. Parmi eux, 82,8 % étaient non accompagnés et pas moins de 219 avaient moins de 5 ans, une augmentation de 43% par rapport à 2016.

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